Fête du Trône 2006

Israël vote pour la violence

Daoud Kuttab*, Journaliste palestinien primé et professeur de journalisme à l'Université de Princeton.
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15 Février 2009 À 13:15

La guerre et la violence ont toujours eu des conséquences directes sur les élections. Les guerres entraînent des revirements spectaculaires du choix des électeurs, et les chefs de file et partis radicaux gagnent souvent plus de points dans les sondages après un épisode de forte violence qu'en temps normal. Il n'est donc pas rare que les groupes ethniques minoritaires fassent basculer le pouvoir entre deux grandes forces rivales.C'est précisément ce qui s'est passé aux dernières élections israéliennes. Le parti de droite de Benjamin Netanyahu, le Likoud, et celui bien plus à droite encore d'Avigdor Lieberman, Yisrael Beiteinu («Israël, notre maison»), ont obtenu des résultats écrasants qui ont consigné le parti travailliste, jamais détrôné jusque-là, à une modeste quatrième place.

Tout au long de la campagne, les leaders israéliens se sont battus pour montrer qui traiterait le plus fermement (c'est-à-dire le plus violemment) avec les Palestiniens. Après l'attaque d'Israël contre Gaza, les Palestiniens espéraient qu'Israël choisirait un dirigeant ayant pour priorités de mettre fin à la souffrance, de lever le siège et d'entamer la reconstruction. C'est tout l'opposé, semble-t-il, qui vient de produire. La dernière fois que les élections israéliennes ont été si manifestement affectées par la violence, c'était en 1996 : les sondages d'opinion ont oscillé frénétiquement jusqu'au dernier moment ; finalement, Benjamin Netanyahu a remporté de peu les élections face à Shimon Peres, à l'époque Premier ministre par intérim. En lice contre un Shimon Peres plus âgé (au pouvoir après l'assassinat d'Yitzhak Rabin), Netanyahu a teint ses cheveux en blanc pour paraître plus mûr, puis tiré avantage d'une mini-guerre mal gérée et de la colère des électeurs arabes d'Israël.

Aujourd'hui, Shimon Peres est président d'Israël et Netanyahu à la tête du Likoud. Pourtant, la situation a peu changé : les conflits sont mal gérés, les négociations de paix incomplètes, et les élections de 2009, boycottées par des électeurs arabes d'Israël, semblent en tous points identiques à celles de 1996, quand l'assassinat d'Yitzhak Rabin a mis fin aux pourparlers israélo-palestiniens à un moment crucial et que la guerre malavisée de Pérès au sud du Liban a réduit son avance considérable sur Netanyahu à un match nul. La colère des citoyens arabes du nord d'Israël au sujet du massacre de leurs frères de l'autre côté de la frontière a coûté à Pérès les quelques milliers de votes dont il avait besoin pour sortir victorieux.
Les élections de 2009 en Israël sont similaires à maints égards. Elles font suite à deux guerres controversées (bien que les candidats actuels n'aient pas été directement impliqués dans la guerre de 2006 avec le Hezbollah) et à des négociations sérieuses entre le Premier ministre israélien Ehud Olmert et le président palestinien Mahmoud Abbas, qui se seraient étroitement rapprochés.
Mais les guerres et la violence poussent l'électorat vers la droite belliciste, et les opérations d'Israël à Gaza ne font pas exception. Nombre de citoyens palestiniens d'Israël, écoeurés par les lourdes pertes infligées à leurs frères – et croyant que voter reviendrait à approuver le système politique responsable du carnage – sont restés chez eux une fois de plus.

Le facteur le plus important est désormais le nouveau gouvernement américain. La victoire déterminante d'un candidat contre la guerre en Irak et pour des négociations directes avec l'Iran aura sans aucun doute une influence de taille sur les relations entre les États-Unis et Israël et sur le processus de paix. La désignation de George Mitchell, opposé aux colonies israéliennes en Cisjordanie, et sa décision d'ouvrir un bureau à Al-Qods en disent long sur ce que le nouveau gouvernement israélien doit attendre du gouvernement d'Obama.Qui plus est, après 22 journées douloureuses de bombardements télévisés d'Israël sur Gaza, le monde arabe s'agite. Au Moyen-Orient, des millions d'Arabes sont descendus dans la rue, si irrités par l'incapacité générale à faire cesser le bain de sang qu'un vaste schisme s'est créé. L'Égypte, la Jordanie, l'Arabie Saoudite et l'autorité palestinienne ont vite battu en retraite de leurs positions modérées et accommodantes.

Le principal obstacle qui se pose pour tenter de soulager les souffrances à Gaza est l'important bloc du Conseil législatif palestinien, la liste Changement et Réforme d'Ismael Hanieh. Le contournement de cet obstacle est maintenant un défi intéressant, compte tenu de la volonté des pays européens de traiter avec un gouvernement palestinien uni qui inclut le Hamas de Hanieh. Le pragmatisme de Barack Obama et son refus d'adopter la «guerre contre la terreur» du gouvernement Bush seront tout aussi déterminants.Cependant, bien avant les solutions provisoires aux profondes blessures infligées à Gaza, la grande préoccupation des Palestiniens est de garantir que la tentative d'Israël de séparer Gaza de la Cisjordanie ne devienne pas permanente. L'Égypte et l'autorité palestinienne ont le mauvais rôle aux yeux du monde arabe, compte tenu de leur refus de rendre l'Égypte responsable de Gaza, et éventuellement la Jordanie de la Cisjordanie. Cette proposition était un piège qui aurait détruit la possibilité d'un État palestinien indépendant et contigu.

Malgré les résultats des élections, les Palestiniens espèrent toujours redonner une impulsion à la résolution des points de désaccord qui subsistent avec Israël. Alors qu'un consensus international soutient désormais une solution à deux États, le traitement du statut des réfugiés palestiniens et d'Al-Qods seront les principales difficultés auxquelles seront confrontés les deux camps.Aujourd'hui, le seul espoir de reprise des négociations fait penser au vieil adage «seul Nixon pouvait aller en Chine», ce qui signifie que seul un leader israélien de la droite dure serait suffisamment crédible pour faire la paix avec les Palestiniens. Or, il ne fait pas de doute aujourd'hui pour les historiens que Richard Nixon était déterminé à aller en Chine dès le début de son mandat. Il est regrettable que les premiers ministres potentiels d'Israël semblent peu disposés à prendre des mesures si audacieuses.

Copyright: Project Syndicate, 2009.
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