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Le second souffle de la musique gnaouie

Mercredi 22 juillet à Guelmim. Il est minuit passé de 40 minutes.

01 Août 2009 À 15:23

Le mâalam Hamdi Al Kasri s'apprête à faire sa rentrée sur la scène après le concert majestueux du roi du raï Cheb Khaled dans le cadre de la troisième édition festival du dromadaire. Dans la place ‘Al Kassam', où se sont déroulés les concerts de cette édition, plus de 70.000 spectateurs ont assisté à son show. A croire que tous les habitants de Guelmim et régions se sont donné rendez-vous ici pour écouter la musique du mâalam. Une musique qui mélange entre tous les rythmes du Royaume : gharbaoui, marsaoui, soussi, hassani et gnaoui bien sûr. Quelques minutes plus tard. Le voilà en blanc immaculé, Guembri à la main. Entouré de neuf musiciens, les quatre ‘Koyo' qui jouaient avec les Krakebs et font le ‘Back ground vocal' et les refrains, un batteur, un bassiste, deux synthétiseurs et un guitariste avec une touche Bluesy, il a enchaîné avec ‘Salaban' et ‘Al Hamdochia'.

Ses morceaux interprétés avec sa belle voix ont fait vibrer le public. Son exceptionnelle fusion a ébahi, encore une fois, ceux qui ont assisté, et sa prestation a marqué ce troisième festival du dromadaire de Guelmim. Une foule impressionnante a commencé à chanter des morceaux immortalisés tels ‘Boulia', Saly Al Nabina', ‘Hamoda' et ‘Soudani Babayou'. Ces chansons du répertoire gnaoui ont été interprétées de plus belle manière par le maître Hamid Al Kasri, accompagnée pour la première fois du spectaculaire violoniste, le luthiste Amir Ali. Ce dernier fait son retour aux origines après une vingtaine d'années passées aux Etats-Unis.

Dans cette aire de spiritualité, des esprits qui rôdent autour de sa musique et les mélodies qui s'enchaînent sans perdre haleine, la transe gnaouie a envoûté totalement le public. Par ailleurs, une spectatrice s'est empressé devant la scène, en commençant à danser comme une possédée. Il est à noter que Hamid Al Kasri a le Gnaoui dans le sang. Il est considéré, ainsi que Mjid Bekkas, comme étant les innovateurs de la musique traditionnelle de Gnaoua. Sa fusion, à la fois moderne et fidèle à cette forme musicale traditionnelle, lui a valu le respect de tous les autres Mâalams.

Il existe un nombre impressionnant de Mâalams au Maroc, Bosso le fils de feu Hmida El Bosso, Mahmoud Guinia, Abdelkbir Merchan, Hassan Hakmoun, pour ne citer que ceux-là, mais Hamid Al Kasri a permis le mariage de la musique traditionnelle de Gnaoua avec le Jazz et le Blues. Il a également contribué à diffuser le produit du patrimoine musical dans le monde.

Toutefois, Hamid El Kasri reste un véritable ambassadeur de la musique gnaouie. Son style a charmé les artistes occidentaux. Sa notoriété et sa virtuosité dans ce genre musical ont amené des artistes de renommée mondiale à collaborer et partager de grandes scènes avec lui.

A titre d'exemple nous citons Karim Ziad, ce batteur et percussionniste que le public du premier festival de Casa music a accueilli à bras ouverts avec la regrettée Cheikha Rimiti, l'une des pionnières du raï algérien, Joe Zawinul, le jazzman qui a côtoyé Miles Davis, Wayne Shorter, ce saxophoniste et compositeur du Jazz américain qui a joué avec Santana et Don Henley, le chanteur du groupe légendaire The Eagles, et le grand bassiste américain Jaco Pastorius, le fils de Bob Marley, et son passage au Festival de Mogador avec Cheb Khaled et tant d'autres emblèmes.

Rappelons que ce fils de Ksar El Kébir, né en 1961, qui s'est initié dès son jeune âge à l'art ancestral du Gnaoua et surtout à cet instrument de quelques gammes, et à quatre cordes, à percussion apparenté à la basse, a exporté la musique gnaouie vers d'autres contrées et d'autres cieux.

Si Hamid, pour les proches et les intimes, est peut-être le mâalam gnaoui le plus célèbre de sa génération avec une notoriété qui dépasse les autres.
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Transe gnaouie aux Etats-Unis

La musique gnaouie s'internationalise grâce à des influences extérieures au Maghreb telles que Bill Laswell et Randy Weston, qui font souvent appel à des musiciens gnaouis dans leurs compositions. Ce véritable nouveau genre est très prometteur : une musique world maghrébine, fusionnant les rythmes gnaouis avec des styles issus d'autres cultures locales marocaines à des rythmes d'ailleurs : reggae, soul, rapp, fusion, jazz.
Il est à noter que cette confrérie populaire pratiquant un culte de possession a acquis une grande notoriété en Occident, surtout parmi les grands artistes de la scène Rock : les gnaouis ont inspiré Jimi Hendrix, Rolling Stones, Santana et Led Zeppelin. Ces derniers ont même joué avec le mâalam Brahim, dont le nom était inscrit en gras sur l'affiche alors que ceux du groupe mythique de Robert Plant et du fabuleux guitariste Jimmy Page étaient en petits caractères. Il est également opportun de préciser que derrière ce folklore, le rituel gnaoui recèle une extrême richesse et un vrai mode de vie. Car pour dialoguer avec l'invisible et s'allier aux génies, les Gnaoua entreprennent la transe et le "voyage" de la lila : une cérémonie dont les étapes sont ponctuées par le sang du bouc, le rire et le chant, les couleurs et les parfums, la danse et la fureur, le jeu et le drame. Un monde surnaturel et invisible qui se dessine.
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