L'aménagement du territoire est la condition principale de développement de tout pays. Pour ce faire, le Maroc a élaboré une Charte nationale de l'aménagement du territoire (CNAT) pour concilier entre évolution démographique et croissance économique. Toutefois, sur le terrain, les choses évoluent autrement.
LE MATIN
20 Décembre 2009
À 11:33
L'extension des villes est plutôt guidée par la spéculation immobilière que par la création d'un vrai cadre de vie. Cela risque de transformer nos futures cités en villes-dortoirs. «Nos cités devenues objet de spéculation immobilière se développent par juxtaposition de lotissements dépourvues d'infrastructures de base et de centralité urbaine», a expliqué Mohamed Hanzaz, géographe urbaniste, lors d'une conférence sur le thème «Aménagement du territoire et aménagement urbain à la recherche d'une complémentarité spatiale», présentée dernièrement au Centre d'études et de recherches Aziz Belal (CERAB) à Rabat. La course effrénée derrière le profit menace également les terres agricoles et par conséquent la sécurité alimentaire nationale. Les terres agricoles cultivées ne représentent que 12% du territoire national, dont 13% seulement sont irriguées. Face à cette réalité, l'opinion publique s'interroge sur le devenir de la CNAT.
En matière d'urbanisme, il existe également des normes environnementales pour sauvegarder le cadre de vie comme la promotion des espaces verts. Au Maroc, très peu de cités peuvent prétendre disposer du minimum de 10 m2/habitant d'espaces verts selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). «La plupart des villes se sont développées sans planification urbaine qui garantit une meilleure qualité de vie. Presque toutes les agglomérations urbaines souffrent d'un manque d'espaces verts», a ajouté M. Hanzaz. Pis encore, ces espaces mal entretenus faute de moyens et de bonne gestion de la part des collectivités locales sont devenus des points noirs et des décharges sauvages qui nuisent à la santé et à la sécurité des riverains. Ce qui encourage le changement de leur affectation d'espaces de loisirs à des constructions entre les mains des promoteurs immobiliers via les dérogations. Rappelons que ces autorisations exceptionnelles dépendent de trois conditions: programme d'habitat social, projets d'investissement (écoles, piscine couverte, etc.) ou d'équipement publics (gare, station d'épuration, etc.).
Pour sauvegarder ces espaces verts, il est nécessaire de respecter les dispositions du plan d'aménagement et doter les communes de moyens financier et humain pour leur entretien. L'autre solution serait de créer des espaces récréatifs auto-financés par des revenus d'activités de loisirs. A cet effet, des cahiers de charges doivent être établis pour contraindre tout soumissionnaire à s'engager à entretenir ces espaces. De même, les associations sont invitées à compléter la mission des communes en prenant en charge quelques espaces dans le cadre de l'Initiative nationale de développement humain (INDH). Dans l'avenir, le Maroc deviendrait un pays urbain. Et si rien n'est fait pour freiner cette spéculation, le pays risque de se trouver avec un ensemble de villes surpeuplées. Ces futures agglomérations urbaines seraient marquées par l'informel, l'habitat insalubre avec risques de violences urbaines. Pour remédier à cette situation, il faut lier bassin de résidence et lieu d'emploi pour rendre la ville compétitive. «L'exode rural n'est pas le résultat d'un développement économique, mais la conséquence de la pauvreté avec les risques de ruralisation des villes», conclut Mohammed Chiguer, président du CERAB. ------------------------------------------------------------------------
Les terres agricoles menacées
Aujourd'hui, l'urbanisation galopante et la construction anarchique menace les terres agricoles cultivées qui ne représentent que 12% du territoire national, dont 13% seulement sont mis en valeur sous irrigation, tandis que le reste (soit 87% du potentiel) est exploité en «bour» (non irrigué) et soumis à la dégradation par l'érosion hydrique ou éolienne, l'ensablement, la salinisation et d'autres phénomènes de désertification. Selon l'Office régional de mise en valeur agricole de Tadla (ORMVAT), le bâti dispersé est passé de 932 ha en 1986 à 2.284 ha en 2004, soit une extension moyenne de 79,5 ha/an. Les agglomérations et les villes ont occupé 6.750 ha, soit une extension moyenne annuelle de 83,5 ha/an.