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«Patrimoine en péril Baraka!»

Le rouleau compresseur de la spéculation foncière a causé d'irréparables dommages au patrimoine Art-déco néo-mauresque à Casablanca. Plusieurs édifices mythiques ont purement et simplement disparu à coup de bulldozers.

Plusieurs voix d'architectes, d'artistes, de casablancais de souche ou tout simplement d'amoureux de «Dar El Beïda», se sont élevés pour défendre la mémoire architecturale de Casablanca. Ph. Mechouary

18 Février 2010 À 15:50

Dernière illustration : un immeuble dans la rue Sidi Belyout. Suite à cette démolition l'association "Casamémoire" a réagi à cet acte qualifié «d'une véritable épidémie qui décime les immeubles les uns à la suite des autres». Afin de dénoncer ces destructions possibles à cause de l'absence d'une législation de protection, l'association a organisé un sit-in devant l'immeuble démoli. En réunissant les amoureux de Casablanca, Casamémoire revendique «un gel des démolitions et la mise en place d'un véritable plan de protection à l'échelle de la ville». Plusieurs voix d'architectes, d'artistes, de Casablancais de souche ou tout simplement d'amoureux de «Dar El Beïda», se sont élevées le mercredi 17 février avec un brin de mélancolie pour défendre la mémoire architecturale de Casablanca et interpellant les pouvoirs publics afin de mettre un terme au "traumatisme" que la spéculation immobilière fait subir à la métropole. Ils ont crié à forte voix: "Patrimoine en péril Baraka!". «Des bâtiments qui font partie du patrimoine architectural de la ville, qui en font toute la richesse et qui contribuent à donner à Casablanca son caractère unique. Chaque destruction nous rapproche de plus en plus vers la perte de cette valeur et vers la désintégration de ce patrimoine précieux et reconnu», apprend-on de l'association.

Au moment où des architectes internationaux étudient les trésors architecturaux de la métropole, les responsables de la ville sombrent dans la léthargie préférant les nouveaux immeubles au patrimoine. En l'absence d'une réelle conscience générale, le dernier immeuble démoli s'ajoute ainsi à une grande liste d'autres édifices art-déco, notamment la Villa Mokri, le Théâtre municipal, les magasins Paris-Maroc, le cinéma Vox, l'hôtel d'Anfa, la piscine municipale, les arènes de Casablanca.... Ces édifices, au charme vétuste, conçus dans un style mauresque ou art-déco par les grands architectes du siècle dernier, tels Marius Boyer, Perret Frères, Hippolyte Delaporte, ont été sacrifiés au profit de grands immeubles sans âme. En effet, l'incompréhension devant ce fabuleux héritage a fait que d'irréparables dommages ont fragilisé ces bâtiments qui sont, en outre, sous la menace de la voracité des promoteurs. Conscient du danger qui guette ce patrimoine, un groupe d'amoureux de Casablanca composé d'architectes, d'intellectuels et d'artistes se bat pour sa sauvegarde.

Déjà, plusieurs dizaines d'immeubles art-déco ont été classés et plusieurs autres sont en instance de l'être. Cependant, le classement à lui seul ne suffit pas. Il faut intégrer l'ensemble des édifices art-déco dans un circuit économique rentable en les transformer en musée, hôtel, bibliothèque ou bureaux pour s'assurer qu'ils bénéficieront d'un entretien permanent. L'exemple de l'église du Sacré-Cœur transformée en salle d'exposition et celui de la Villa Zevaco devenue un salon de thé des plus chics, sont édifiants. Cette expérience devrait être élargie à d'autres sites qui tombent en ruine comme l'église espagnole située à l'ancienne Médina et à Dar El-Makhzen.

La médina de Casablanca, qui devait être un lieu de prestige et un circuit touristique, n'est encore aujourd'hui qu'une véritable "cour des miracles" et un espace dangereux à fréquenter pendant certaines heures. Cette architecture aussi complexe que somptueuse pourrait être érigée en produit touristique comme c'est le cas de Barcelone ou de la Havane qui ont bien su exploiter leur patrimoine. Il est à rappeler que la préfecture de Casa-Anfa a mené récemment une réflexion sur la réhabilitation de l'Ancienne Médina mais rien n'est encore fait.

Activités de Casamémoire

L'association Casamémoire lutte chaque jour pour regrouper les individus qui, de près ou de loin, partout au Maroc, s'intéressent au patrimoine afin de partager ses réflexions. «La conservation du patrimoine architectural n'étant pas seulement l'affaire des experts, l'appui de tous est essentiel», affirme l'association.
Casamémoire cherche à sensibiliser et à prendre à témoin l'opinion publique et les acteurs socio-économiques sur l'enjeu majeur que représente la défense du patrimoine. Pour se faire, elle organise des visites guidées pour faire apprécier la valeur architecturale de Casablanca. Elle sensibilise l'opinion publique en allant à la rencontre d'étudiants et autres citoyens. L'association identifie également les bâtiments menacés de disparition et participe à leur sauvegarde.
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