Spécial Marche verte

Dialoguer pour mieux se comprendre

Lever les malentendus et continuer à promouvoir le dialogue entre les religions et les civilisations. C'est ce qu'a relaté Abdelkabir M'daghri Aloui lors de la séance de clôture des travaux du colloque qui a été tenu ce week-end à l'Université d'Anvers (Belgique) sur le thème "Quelle est la place de l'Islam dans la nouvelle Europe ?".

01 Novembre 2010 À 15:56

Cet évènement organisé conjointement par l'Institut Avicenne des Sciences humaines de Lille et l'IMaMS (Institut pour les Etudes marocaines et méditerranéennes) d'Anvers, ambitionne de créer un dialogue constructif entre l'Islam et l'Europe au travers d'études scientifiques et universitaires, ou par le biais de différentes approches théologiques.

Ainsi, des intellectuels de différentes nationalités (universitaires, chercheurs, écrivains, recteurs…) et des représentants des trois religions monothéistes se sont exprimés sur un panel de thèmes permettant d'interroger la place de l'Islam en Europe. En effet, comment aborder cette problématique sans se poser tout d'abord la question de la rencontre de l'Islam avec l'Europe, il y a de cela plusieurs siècles, en recherchant les faits historiques liés aux échanges idéologiques, spirituels et philosophiques entre les penseurs de ce que l'on nomme l'Occident et les penseurs musulmans? Ces derniers ont apporté, à travers leur civilisation, une richesse certaine à l'Europe. Comment aussi penser, l'Europe d'aujourd'hui et la présence de l'Islam, sans revenir un peu en arrière et comprendre les différentes immigrations et les changements qu'elles ont apportés au niveau social ?
Si la place de l'Islam est ainsi questionnée aujourd'hui, cela prouve bien que musulmans comme non musulmans, reconnaissent qu'il y a bel et bien un malaise à différents niveaux (social, politique…).

Les intervenants invités à ce Colloque ont à plusieurs reprises exprimé leur frustration que l'Islam ne soit pas reconnu comme il devrait l'être. Se sentant jugés, certains ont répondu à ce qu'ils nomment des "provocations" par des justifications. Comme le précise l'Imam Youssef Ibram, "les musulmans sont en train de se justifier, mais nous nous sommes pas sur le banc des accusés. Qu'ont-ils fait de mal, les musulmans? Ce sont de simples citoyens de l'Europe. Mais malheureusement, les images négatives diffusées par les médias et les politiques auprès de l'opinion publique leur portent atteinte".

Cela explique bien le réflexe de victimisation qui caractérise certains musulmans, qu'ils résident en Europe ou à l'étranger. Il faut comprendre que cette réaction est normale car elle est le résultat d'un climat social général qui se dégrade, marqué par différents facteurs: une crise économique qui s'aggrave, des politiques qui s'extrémisent, des représentations sociales qui sont issues du martèlement d'images-chocs que nous délivrent les médias, prônant entre autres, l'inévitable choc des civilisations. L'Europe traverse aussi une crise identitaire, et, est actuellement déstabilisée. Et comme s'interroge Luc Goossens, de l'Université d'Anvers et de l'Institut pour les Etudes marocaines et méditerranéennes: "Pourquoi les européens ont si peu confiance en leur identité et si peu de croyance en leur valeurs (Droits de l'Homme, respect, tolérance…).
Il ajoute que l'Islam est une religion qui peut s'introduire dans une société séculière. "Nous ne sommes pas les seuls à détenir la sagesse. Les musulmans gardent encore les valeurs sûres de la solidarité, les liens de la famille et l'importance donnée à l'éducation des enfants". Quant au rôle joué par les médias, il est opportun de préciser qu'ils y sont pour beaucoup dans la circulation d'idées reçues, de stéréotypes et d'amalgames auprès de l'opinion publique.

L'image donnée de l'Islam est bien trop souvent négative et elle amène à des représentations sociales fausses. L'Islam et l'Occident sont souvent mis en opposition. Les participants ont souligné que les médias sont responsables des mots qu'ils utilisent, car ils véhiculent des idées et participent à la création et à la modification des imaginaires tant individuels que collectifs. Aujourd'hui comme demain, la responsabilité des médias est de permettre aux nouvelles sociétés européennes (que l'on appelle multiculturelles) de fonctionner, en favorisant une meilleure compréhension des uns et des autres. Plus l'on diminuera la peur de l'autre, plus la confiance pourra s'installer, et plus l'on penchera vers une approche plus sereine des relations entre l'Islam et l'Europe d'aujourd'hui.
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Questions à: Luc Goossens • Institut pour les Etudes marocaines et méditerranéennes (IMAMS)

«Nous avons à apprendre l'un de l'autre»

• Quel constat vous a donné l'idée d'organiser ce colloque en collaboration avec l'Institut Avicenne ?

Nous avons constaté de plus en plus la présence de musulmans en Belgique, Marocains et Turcs notamment, et nous voulons mettre l'accent sur le fait que nous avons des valeurs communes et que nous avons à apprendre l'un de l'autre.

• Quels sont les objectifs de ce colloque ?

Echanger et s'informer sur notre vision de la place de l'Islam en Europe en donnant la parole à des experts de tous horizons. Nous envisageons d'entamer un dialogue constructif inter-religieux pour souligner ce qui lie les religions plus que ce qui les divise.

• Quelles en sont vos attentes ?

Permettre la mise en place d'une stratégie collective (professionnelle, politique et juridique) pour gérer et faire face à la montée de l'Islamophobie.
Nous avons d'ailleurs signé un contrat avec la ville d'Anvers pour étoffer le débat avec les associations (représentatives de la population musulmane) qui sont actives sur le terrain et la société civile.
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