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«L'aventure artistique» de Jean-Pierre Raynaud

La visite de Jean-Pierre Raynaud au Maroc est une première. L'artiste, qui vit et travaille à Paris, est une figure majeure de l'art contemporain, autant sur la scène française qu'internationale.

18 Avril 2010 À 11:02

Plasticien ingénieux, Jean-Pierre Raynaud travaille sur des matériaux du quotidien tels que des panneaux de sens interdit, des pots de fleurs ou du carrelage blanc qu'il transfigure pour leur conférer un sens inattendu.
«La base de mon travail est tout simplement la mémoire. Je fais appel à mes souvenirs pour approcher les objets et leur donner une autre réalité…ma réalité ». D'où la naissance de ces « psycho-objets» que l'artiste affectionne particulièrement et à qui il doit son immense succès.

En effet, à la fin des années 50, dans une France secouée par la guerre d'Algérie, le jeune Raynaud perd son père et se retrouve pupille de la nation. Il ne fera pas la guerre de justesse mais reste fortement marqué par l'atmosphère délétère de l'époque. S'ensuit chez lui une profonde dépression durant plusieurs années.
Un jour, dans son garage, il découvre des pots de fleurs vides, du ciment et de la peinture rouge. Il doit en faire quelque chose... Quelques réminiscences de ses études d'horticulture, un soupçon d'ingéniosité, un coup de dé et la grande aventure artistique de Jean-Pierre Raynaud commence. Ces pots deviennent, sous les doigts de l'artiste, non plus de simples contenants pour les plantes mais de véritables sculptures.

«Ça tient à peu de choses », avoue modestement l'artiste qui néglige de dire que les plus grands artistes de la scène française, en particulier les Nouveaux Réalistes, l'ont immédiatement reconnu parmi les leurs : Yves Klein, César, Tinguely. Une consécration qui ne doit donc rien au hasard. Jean-Pierre Raynaud « retrouve enfin son chemin». Il sait désormais que son destin est scellé à l'art. Et il y «entrera comme on entre en religion ». Sa ferveur artistique est éloquente, sa production l'est d'autant. L'artiste est exposé dans les galeries du monde entier. Il invente un système qui place les objets dans la rigueur et la répétition. En ce sens, il se réapproprie les objets, les transforme au travers des couleurs, les redimensionne pour leur donner une force symbolique et émotionnelle transcendantale.

A ce titre, sa déclinaison des «Drapeaux» connaît un retentissement et un engouement internationaux. «Le drapeau devient une œuvre d'art intemporelle dont la dimension culturelle transcende la symbolique politique». Grâce à ce nouveau langage identitaire que J.P. Raynaud justifie comme nécessaire à l'aune de la mondialisation, il installe en 2002, l'œuvre du drapeau cubain au Palais de la Révolution à la Havane en présence de Fidel Castro et reçoit le Prix UNESCO de la Biennale de la Havane.

En 2006, il brandit le drapeau nord-coréen, debout au milieu de la place Kim-II-sung, à Pyongyang en Corée du Nord. Deux moments forts dont J.-P. Raynaud dira qu'il avait à cœur de faire se rencontrer l'art et le politique. A son sens, le plus intéressant dans l'art, «c'est la rencontre des hommes entre eux». L'approche artistique de l'artiste, son travail, à mi-chemin entre l'architecture et l'art contemporain, suscitent immédiatement l'intérêt de nombreuses institutions, musées et lieux culturels.

J.-P. Raynaud est ainsi régulièrement sollicité pour des commandes publiques telles que la création d'un jardin d'eau à Monaco ou la construction d'un plafond nucléaire pour le Louvre. Les Prix pleuvent : J.-P. Raynaud reçoit en 1983 le Grand Prix national de la sculpture et en 1986 le Grand Prix de sculpture de la Ville de Paris. En 1993, il représente la France à la Biennale de Venise et obtient le prix d'honneur. Il est fait Chevalier de la Légion d'honneur en 1997. Mais ce ne sont pas les distinctions qui font «courir» J.-P. Raynaud. L'aventure, l'imagination, les rencontres sont les soubassements de son œuvre artistique. De son propre aveu, il n'a jamais rien planifié. Les choses « se construisent au gré de son imagination, de ses fulgurances». Ainsi, la rencontre avec sa maison en céramique blanche dont il a entamé la construction en 1969 et dont il dit «qu'elle est la plus belle œuvre de sa vie». A la fois, son lieu d'habitation et sa principale œuvre d'art, la maison de la Celle St Cloud (région parisienne) cristallise toute la philosophie artistique de l'artiste. «C'est un amour qui a supplanté l'amour de la femme avec laquelle je vivais», avoue J.-P. Raynaud. Obsédé par cette maison, l'artiste, cent fois sur le métier, a remis son ouvrage pour parvenir à une «architecture absolue» à un «étalon de beauté».

Il modifie inlassablement sa maison à la recherche d'une «improbable perfection», maison à laquelle il finit par faire vivre sa dernière métamorphose en la démolissant en 1993, conscient de l'impasse esthétique. Les principes de vie et de mort, qui sous-tendent toute l'œuvre de J.-P. Raynaud trouveront là leur ultime symbolique. Les débris de la maison seront exposés dans 1000 containers au Musée d'art contemporain de Bordeaux bien que J.-P. Raynaud plaide pour des œuvres en liberté qui s'inscrivent dans une véritable histoire artistique. Au cours de sa mission au Maroc, l'artiste ira notamment à la rencontre des étudiants des écoles d'architecture de Rabat et Casablanca pour une nouvelle aventure artistique…peut-être.

Quelques œuvres et expositions majeures :

• Vitraux pour l'abbaye cistercienne de Noirlac (1976)
• Bleu, blanc, rouge (1987, coll. part.)
• Container Zéro (1989, Paris, musée national d'Art moderne)
• Pavillon français de la Biennale de Venise (1993)
• Exposition « Jean-Pierre Raynaud. Rétrospective », Paris, Jeu de Paume (1998)
• Exposition « Les Raynaud de Raynaud », Nice, MAMAC (2006)
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