L'europe entre erreur et mensonge
LE MATIN
29 Novembre 2010
À 18:18
Oui ou non, les vingt-sept Etats qui constituent l'Union européenne se sont-ils laissé fourvoyer par l'imposture ? Oui ou non, au mépris de toutes les résolutions adoptées par les Nations unies, cèdent-ils aux chantages des propagandistes patentés du Parti populaire espagnol et de son acolyte algérien ? L'immense marée humaine qui a déferlé dimanche à Casablanca n'a été qu'une sorte d'avant-goût de la détermination populaire à relever les provocations auxquelles se livrent sans vergogne l'extrême-droite espagnole, baptisée Parti populaire espagnol, et le gouvernement algérien qui ne cesse de «rouler des yeux» sur un territoire devenu son objet d'adulation.
L'adoption par le Parlement européen d'une résolution dont l'hostilité n'a d'égale que la grotesque volonté de torpiller le processus de négociations mis en œuvre par l'ONU sur le Sahara nous en dit long sur la méconnaissance, voire l'ignorance à l'égard d'un dossier en principe réglé mais sur lequel la diplomatie algérienne s'acharne depuis plus de trois décennies. La Marche de Casablanca du 28 novembre constitue la riposte à une telle surenchère, mais surtout interpelle les députés européens à un moment crucial : oui ou non l'Europe s'inscrit-elle dans la légalité et la légitimité historique ? Oui ou non se risquerait-elle à cautionner l'imposture, au point qu'elle se place en contradiction avec elle-même, qu'elle renie ses beaux principes que sont la souveraineté nationale et l'unité territoriale ?
Comment ne pas voir dans la mascarade de la résolution votée contre le Royaume du Maroc comme le parfum scandaleux des pétrodollars algériens ? Toutes ces questions nous interpellent avec l'acuité des moments de vérité. Cette même vérité qu'un certain Thomas Masaryk, président de la fragile République de Tchécoslovaquie des années quarante, invoquait sous la menace d'invasion de son pays par Hitler en ces mots pathétiques: «La Vérité vaincra » !
Il y a d'abord à souligner que la résolution de l'Europe, tombée comme un couperet d'injustice, n'a aucun et nul effet réel, si ce n'est de creuser encore le fossé du malentendu. Aucun effet opératoire et encore moins une dimension exécutoire, elle appartient à ces messes dont la respectable enceinte européenne se nourrit comme d'un viatique. Sa portée n'engage en rien le Maroc, d'autant plus que la partialité grotesque aidant, le Maroc n'a pu avoir droit de réponse ni non plus se défendre face à une curée hostile.
Peut-être devrait-on rappeler que le Parlement européen obéit à une philosophie inspirée du pur et basique manichéisme : il est composé de deux groupes, le premier, victime du réflexe automatique de Pavlov, accourt à tout bout de champ dès qu'il s'agit des prétendues violations des droits de l'Homme. Il est le tenant d'un « droit-de-l'homisme » transformé de nos jours en cheval de bataille politique dévoyé. Ses élus excellent dans les « béni-oui-oui » algériens. L'autre groupe parlementaire est composé de « suivistes », qui acquiescent sans rechigner et, ce faisant, renforcent le camp des premiers. Le gouvernement algérien et le Parti populaire espagnol, tout à leur connivence, ne se sont pas fait faute d'instrumentaliser de tels états d'âme et de manipuler l'émotion des députés européens.
Qu'ils soient parvenus à fausser le débat, peut-être même à manipuler les uns et les autres ne portent guère à conséquence. La diplomatie marocaine s'emploie à rétablir la vérité, mieux à apporter comme elle l'a fait après les événements tragiques du 8 novembre dans le camp de Gdem Izik, les preuves de la complicité malveillante et des manœuvres dilatoires du gouvernement algérien et du Parti populaire. Les députés européens, certains en tout cas, ont opposé une fin de non recevoir à la volonté du ministre marocain des Affaires étrangères, Taieb Fassi-Fihri, de venir défendre la vérité au sein de l'hémicycle européen. Ils ont cédé pour ainsi dire au dérisoire syndrome de la partialité la plus triste et, partant, ont préféré cautionner l'erreur et le mensonge.
L'adoption unilatérale par le Parlement européen de la résolution hostile au Maroc a révélé à la fois un état d'esprit et l'aveuglement fâcheux, scandaleux sur le Sahara. Comment, en effet, renier à ce point les efforts entrepris par les Nations unies, les recommandations du Conseil de sécurité faites aux parties pour s'inscrire dans une dynamique de négociation politique, faire preuve de « réalisme », et s'engager dans des négociations consubstantielles ? Les Européens iraient-ils jusqu'à piétiner ainsi l'esprit que l'ONU imprime au processus de négociations ? Mais il y a pis : le Maroc est jusqu'à preuve du contraire considéré comme le pays arabe et africain le plus ouvert, où les idéaux de liberté, de tolérance et de respect des droits de l'Homme s'expriment le mieux. A l'instar des pays européens, dont il reste très proche, il se prévaut des mêmes valeurs universelles qu'incarne la démocratie et que représente le long cours d'une histoire plus que millénaire qui est la sienne. Dès lors, la question se pose avec gravité : comment les députés européens ferment-ils les yeux sur les violations des droits de l'Homme qui caractérisent le régime algérien, les interminables exactions dont les kabyles font l'objet, les pressions dont les intellectuels portent le stigmate quotidien, etc.
Comparaison n'étant pas raison, comment ont-ils pu garder le silence sur le maquillage grotesque et ahurissant de photos d'enfants palestiniens – passés pour « enfants sahraouis » - par la presse espagnole, prompte à mystifier ses lecteurs et téléspectateurs ? Que répondent-ils au démenti cinglant apporté samedi dernier par Human Rights Watch ?
Ce pays, ce grand pays qu'est le Royaume du Maroc, qui a vu son histoire s'enraciner profondément dans les millénaires du temps et sa conscience pétrir dans le combat de dignité, n'a cessé de tous temps de subir les coups fourrés de ses voisins et les fourches caudines d'une Algérie à l'appétit territorial insatiable. A la lumière des événements de Gdem Izik et de l'enchaînement médiatico-politique qui les a suivis, le gouvernement marocain se ressaisit, à juste titre, et fait contre mauvaise fortune bon cœur. En tout état de cause, il procède plus que jamais à une impérative réflexion sur le mode de communication nouveau qui s'impose, face à l'irrédentisme algérien et à la hargne de la droite espagnole.