Fête du Trône 2006

«Le statut avancé, un formidable levier de modernisation du Maroc»

«Les relations Maroc Union Européenne : le statut avancé »tel était le thème d'une conférence organisée par l'IMRI. Après avoir rappelé les grandes étapes de la construction de l'Europe, son président, Jawad Kerdoudi a décrypté l'état des lieux de cette relation en termes économique, politique.

Jérôme Cassiers

07 Février 2010 À 13:47

Et le conférencier de conclure sur la nécessité de faire, de part et d'autres, davantage d'efforts pour traduire dans les faits les objectifs escompté dans le cadre du statut avancé. En d'autres termes, le statut avancé a ouvert des opportunités mais tout reste à construire.
A la veille du prochain sommet UE-Maroc, qui se tiendra à Grenade au mois de mars prochain, la mise en place d'un espace économique commun est au cœur du débat posant une question de fond, celle de la de compétitivité de notre économie et partant sa capacité à résister et, en même temps à tirer profit de cette ouverture. Le libre échange est un aiguillon certes, mais c'est aussi un révélateur de nos forces comme de nos faiblesses notamment celles relatives à la dimension sociale. Un bilan sera fait au niveau de la coopération politique notamment à travers la participation du Maroc aux travaux du Parlement européen, du Comité économique et social, du Conseil des régions, du Conseil de l'Europe et aux travaux d'agences européennes comme Eurojust, Europol ou l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, « tous ces nouveaux canaux de dialogue souligne Jérome Cassiers qui ne sont pas mesurables mais qui valent de l'or en politique étrangère».

Un an après l'acquisition du statut avancé, quel bilan peut-on faire ? Au-delà des avancées, force est cependant de constater que l'assymétrie entre les deux rives est toujours présente. La Méditerranée du Sud est restée à l'écart de la dynamique des pays européens qui ont réussi leur convergence. Le pari de l'ouverture qui devait accroître la compétitivité des exportations a produit des effets déstabilisants, accentués par le coût du non Maghreb et l'émiettement économique de la région. L'effet d'entraînement qui était attendu d'une relation privilégiée et de proximité n'est pas encore à la hauteur ni de l'ambition des pays du sud, ni de l'attente de l'Europe. La dynamique européenne, jeu croisé des forces du marché, investissements, flux commerciaux, et de la convergence institutionnelle, crée des pôles de croissance et multiplie les moteurs de croissance en Europe de l'Est alors que les pays du Sud sont confrontés à une concurrence accrue. La convergence réglementaire et sectorielle est certes un formidable levier de modernisation comme le souligne dans l'entretien J. Cassiers, mais il faudra aller plus loin, créer un véritable partenariat sur les questions d'environnement, des autoroutes maritimes, de la formation, en impliquant les collectivités locales et régionales, véritables acteurs de la coopération, en créant des sources nouvelles de financement comme ce fonds méditerranéen de développement des infrastructures dont il sera question dans une rencontre internationale le 25 février à Skhirat. Depuis l'indépendance, le Maroc a toujours fait le choix de l'Europe ;en 1969 déjà dans ses relations avec la Communauté Economique Européenne (CEE), puis avec l'Union Européenne, puis en demandant le statut de pays avancé, le Maroc voulait démontrer qu'il optait pour un choix politique résolu et irréversible illustré par la demande d'adhésion du Maroc à la CEE faite par feu S.M. Hassan II en 1984 qui voulait ainsi démontrer que la relation avec l'UE est éminemment politique, que c'était et que cela reste un acte de con-fiance et de foi dans l'avenir des relations entre les deux rives de la Méditerranée.

D'ailleurs, notre interlocuteur ne s'y trompe lors-qu'il nous déclare que «l'approfondissement d'une relation ne peut se faire que sur la base de valeurs communes». Avant d'ajouter qu' «on ne peut construire quelque chose en commun, que s'il y a une confiance profonde dans son partenaire». Un élément, faut le rappeler, d'une importance cardinale «quand on envisage un véritable rapprochement». or, le statut avancé, accordé au Royaume, est l'expression même d'une re Connaissance et un acte de confiance. J.Cassiers le relève en ces mots : «le statut avancé c'est la reconnaissance de la volonté du Maroc de se rapprocher de l'Union européenne. Une stratégie qui a été exprimée au plus haut niveau, reconnaissance donc de cette volonté de rapprochement, mais aussi de mettre en œuvre d'ambitieuses réformes». Jérome Cassiers arguera, en outre, que le statut avancé offre une opportunité politique très importante, dans le sens justement de l'approfondissement du dialogue politique.

De la même manière que le sommet prévu au mois de mars, et dont l'importance n'a de cesse été soulignée notamment par la présidence tournante espagnole, devra introduire un pilotage au plus haut niveau de la relation qui n'existait pas auparavant. Plus encore, insiste notre interlocuteur, ce sommet est une autre démonstration de la valeur accordée à cette relation et la volonté de son inscription dans une vision stratégique. Maintenant, alors que le statut avancé soufle sa première bougie, il reste que, malgré des évolutions appréciables, beaucoup de défis sont à relever. Unh bilan d'étape marqué, notamment, par plusiuers rencontres de haut niveau. De même que sur le plan de la libéralisation l'accord signé sur le volet agricole est aussi une importante avancée.
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LE MATIN : «Le Maroc a un intérêt stratégique pour l'Europe, et le prochain sommet de Grenade vise à soutenir le processus de modernisation du Maroc», a déclaré récemment M. Zapatero, chef du gouvernement espagnol. Un ressenti sur cette déclaration ?
JERÔME CASSIERS :
L'origine de la construction européenne, il faut le rappeler était de résoudre le problème récurrent des guerres en Europe. Son fondement est la réalisation que en définitive la paix et la prospérité de mon voisin est indissociable de ma paix et de ma prospérité. C'est le même principe qui gouverne nos relations extérieures. Nous ne sommes pas présents au Maroc seulement pour fournir de l'assistance au développement ou commercer mais parce que c'est notre intérêt bien compris: notre stabilité et prospérité sont indissociables de celles du Maroc, voisin très important au sud de l'Europe. Cela dit, l'approfondissement d'une relation ne peut se faire que sur la base de valeurs communes : construction de l'Etat de droit, le respect des droits de l'homme et la démocratie. On ne peut construire quelque chose en commun, que s'il y a une confiance profonde dans son partenaire. C'est un élément important quand on envisage un véritable rapprochement.

Sauf que l'on avance que très difficilement avec tous, certains diront, un pas en avant, un pas en arrière ?
Nous voulons avancer avec l'ensemble des pays partenaires de la région. C'est une nécessité. Mais il faut le reconnaître, avancer tous ensemble n'est pas facile. La politique de voisinage de 2004 a introduit une nouveauté : la différenciation. Sans exclure personne, nous voulons aller plus loin avec ceux qui sont demandeurs et qui mettent en œuvre les réformes. Le statut avancé c'est un prolongement de cette approche. Le statut avancé c'est la reconnaissance de la volonté du Maroc de se rapprocher de l'Union européenne, une stratégie qui a été exprimée au plus haut niveau, reconnaissance donc de cette volonté de rapprochement mais aussi de mettre en œuvre d'ambitieuses réformes.

Le statut avancé est présenté comme une feuille de route qui permet au Maroc de s'approprier toutes les attributions d'un pays membre sauf la participation aux institutions politiques de l'Union européenne. Selon vous, qu'apporte de part et d'autre le statut avancé ?
Pour le Maroc et l'UE, le statut avancé offre une opportunité politique très importante d'approfondir le dialogue politique. Le premier sommet Maroc-UE en mars prochain introduit un pilotage au plus haut niveau de la relation qui n'existait pas auparavant, et démontre la valeur que nous attachons à cette relation et la volonté de l'inscrire dans une vision stratégique. C'est aussi la possibilité de rencontre avec les différentes institutions de l‘Union européenne: Parlement européen, le Comité économique et social, le Conseil des Régions. Aussi avec le Conseil de l'Europe, dépositaire d'une grande partie de l'acquis communautaire dans les domaines de la démocratie et de l'état de droit. Ces nouveaux canaux de dialogue ne sont pas mesurables mais valent de l'or en politique étrangère car ils offrent la possibilité sur la durée d'être écouté, d'avoir un dialogue approfondi, de partager des points de vue. Tout cela est à construire comme tout le reste du statut avancé et il ne faut pas sous-estimer ces possibilités.

Un effort particulier doit être fait pour le rapprochement de la législation marocaine de l'acquis communautaire, c'est le constat établi lors de cette rencontre par M. Kerdoudi. Un mot sur la convergence réglementaire et le rapprochement sectoriel ?
C'est un énorme chantier. C'est la première fois que le Maroc met en place une dynamique de convergence de sa législation vis-à-vis de l'acquis communautaire. Le Maroc n'a pas vocation à adhérer à l'Union européenne mais il s'agit de faire un saut qualitatif dans la coopération en tirant les leçons du succès de l'élargissement. En 15 ans, les pays candidats ont fait un saut considérable de transformation économique parce qu'ils ont mené des réformes dans une gamme très large de législations et d'institutions qui se sont renforcées mutuellement au sein d'un cheminement cohérent. L'impératif de convergence vers les normes et l'acquis européen a tiré la réforme vers le haut. L'idée est qu'un tel levier aide à l'effort de modernisation du Maroc. Le Maroc bénéficie de la flexibilité : on parle d'une convergence graduelle et séquencée. Dans ce contexte, il est d'autant plus important, pour maintenir la dynamique du Statut Avancé, que le Maroc établisse une stratégie de convergence, avec un calendrier de priorités et de rapprochement. Nous sommes bien sûr prêts à apporter notre appui à une telle démarche une fois lancée. C'est un grand défi.

Les relations politiques devraient acquérir dans ce cadre une dimension institutionnelle plus forte par le biais des participations des responsables marocains aux réunions européennes et aux réunions des agences européennes. C'est un atout diplomatique ?
C'est ce que j'ai évoqué en parlant de dialogue politique lequel est extrêmement positif pour l'UE qui peut avoir une relation franche et ouverte avec un partenaire dont on sait qu'il partage nos valeurs tout en ayant la sensibilité qui lui vient de son appartenance ou de sa proximité avec d'autres cercles, arabe, africain, pays en voie de développement etc. Pour l'UE c'est très enrichissant. Il s'agit rien moins que de réussir à construire une relation avec un pays tiers qui ne procède pas d'une démarche d'élargissement mais qui soit très proche et durable. Ce serait un succès très important.

Un an après la mise en œuvre du statut avancé du Maroc, quel bilan peut-on faire ?
Les défis sont multiples, même si le bilan est appréciable notamment au niveau des rencontres qui ont eu lieu dans l'année écoulée, au niveau ministériel mais aussi au niveau du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et du comité politique et de sécurité de l'UE, avec le Comité de lutte contre le terrorisme et d'autres rencontres qui témoignent d'une richesse de la relation. Une commission mixte vient d'être créée avec le Parlement européen qui sera un élément important pour piloter la relation avec le Maroc. Il y a le rapprochement avec le Conseil de l‘Europe. Le Maroc est le premier pays non européen à faire partie du Centre Nord-Sud du Conseil de l'Europe et est en discussion pour un statut d'observateur à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Les négociations pour une libéralisation du commerce agricole ont été conclues et ainsi que sur un mécanisme de règlement des différends en matière commerciale qui prévoit des arbitrages en cas de non règlement de différends et sera un élément de confiance important. Des discussions ont même eu lieu sur un accord cadre pour permettre au Maroc de participer à plusieurs agences et aux programmes communautaires. C'est donc un bilan riche après un an de mise en œuvre du statut avancé qui s'accompagne d'une réflexion sur la convergence réglementaire.

Le statut avancé ne prévoit pas d'aide financière accrue de l'UE au Maroc. Le président de l'IMRI a évoqué à plusieurs reprises cette question de fonds structurels. Pouvez-vous faire le point sur ces questions ?
Le Maroc est déjà le premier bénéficiaire de l'appui communautaire dans la politique de voisinage, avec 45% des fonds dédiés aux secteurs sociaux, éducation et santé etc. Pour le Statut avancé, à ce stade, le travail nécessaire de définition de priorités de convergence ne requiert pas tant un financement mais plutôt une assistance technique qui est déjà disponible pour appuyer l'élaboration de la stratégie si celle-ci est lancée. Nous sommes en préparation du programme de coopération 2011-2013 qui comportera un appui spécifique à la mise en œuvre des premières actions du Statut avancé. Au-delà nous n'avons pas encore de visibilité sur le financement même de l'Union européenne qui n'est défini que jusqu'en 2013, et donc on ne peut pas encore dire ce que sera l'enveloppe pour les pays tiers. Cela dit, le document sur le Statut avancé parle d'un accès aux moyens financiers communautaires adéquats et on notera qu'historiquement, à chaque saut dans la relation avec le Maroc il y a eu une augmentation substantielle de l'assistance. Nous sommes ainsi passés de 40 millions d'euros de dons par an de 1980 à 1996, à 140 millions par an de 1996 à 2007, nous sommes aujourd'hui à plus de 200 millions d'euros de dons par an, sans compter une somme plus substantielle des prêts concessionnels de la Banque européenne d'Investissement.

Qu'en est-il de la coopération en matière d'immigration ?
C'est à Rabat que s'est tenue en 2009 la conférence sur la migration qui a confirmé l'importance d'adopter une approche globale du phénomène migratoire, en couvrant à la fois la lutte contre la migration illégale, la gestion de la migration légale et de la mobilité et le développement. Ce n'est pas un hasard. Le Maroc, pays d'origine et de transit est conscient qu'il devient aussi un pays de destination. Nous coopérons avec lui sur tous ces aspects. Nous sommes en négociation sur un accord de réadmission des migrants illégaux, et nous avons par exemple développé un projet avec l'ANAPEC et des agences d'emplois européennes pour relayer les besoins en matière d'emploi et faciliter la circulation de travailleurs saisonniers.

En matière d'investissements ?
L'investissement est le ciment d'un partenariat économique. La négociation d'un accord sur les services et le droit d'établissement, c'est-à-dire l'investissement, est en cours tandis qu'un important projet va démarrer pour favoriser un climat d'investissement plus attractif et faciliter les exportations. Là aussi, la convergence règlementaire jouera un rôle essentiel : C'est très important pour un investisseur, particulièrement les PME, de se dire qu'il opérera dans un environnement règlementaire familier.

Le secteur de la justice ?
Un système judiciaire indépendant, transparent et efficace est essentiel tant pour le respect des droits de l'homme que pour le climat des investissements et finalement pour donner une pleine crédibilité aux réformes et aux engagements avec ses partenaires. Le dernier discours du Trône marque à nos yeux une volonté forte de mener à bien la réforme de la Justice que nous sommes prêts à l'appuyer dès qu'elle sera traduite dans des mesures concrètes.
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