Celui auquel les critiques d'art reconnaissent d'avoir libéré la calligraphie de sa sacralité pour lui conférer une nouvelle dimension et en faire un usage plus libre et plus innovant, revient avec une nouvelle exposition.
LE MATIN
04 Avril 2010
À 11:51
Abdallah Hariri, qu'on ne présente plus expose, actuellement, ses œuvres les plus récentes à la galerie Bab Rouah à Rabat jusqu'au 21 avril. Frid Zahi, critique d'art disait de lui il y a quelques années : « Abdallah El Hariri, sans aucune prétention théorique, telle qu'elle a été formulée en Orient arabe, par le groupe "Al bu'd al wahid" (L'unidimensionnalité), s'est installé depuis les années soixante-dix dans cette expérience problématique, devenue épineuse, de l'intégration de la lettre dans l'espace de la toile. Sans aucune prétention identitaire non plus (du moins aujourd'hui), ce travail unidimensionnel a révélé chez lui une passion pour ces traces perceptibles de l'être civilisationnel du peintre marocain. Un ancrage visuel dont l'ambiguïté est si éclatante qu'elle soulève moult interrogations ».
Et des interrogations, ses œuvres en poseront toujours à la manière d'un chercheur, d'un homme en quête de réponses. Toutefois, aujourd'hui, son exposition baptisée "Transes... missions”, donne à voir une nouvelle vision du peintre. Car si ses œuvres se sont éclipsées des galeries d'arts pendant ces dernières années, c'est pour revenir avec un nouveau souffle. Après plusieurs années de pratique picturale, l'artiste a atteint un autre stade de maturité. Il a évolué, encore une fois, vers une différente façon de concevoir son travail. De ce fait, les lettres qui s'exhibaient ostensiblement dans ses tableaux se font plus réservées, plus légères et plus modérées.
Sans pour autant être complètement guéri de son amour pour la lettre, il injecte cette dernière dans ses toiles sans en faire sa préoccupation centrale. Il opère ainsi un retour vers les formes et les couleurs. « Dans ses dernières œuvres, nous découvrons l'une des âmes artistiques renouvelables de Hariri qui unit différentes étapes de son projet artistique, commençant par la présence de l'aspect actif de la lettre arabe au sein des autres composantes de la toile, passant par la l'ondulation des couleurs qui reflètent une condensation d'actes et d'explosions sémantiques, en arrivant à une certaine diminution de ces deux aspects afin de transmettre l'essentiel», confirme Aziz Azghai, poète et artiste plasticien. C'est dire que "Transes... missions” représente, sans aucun doute, le suc d'une expérience de plus de 40 ans pendant lesquels l'artiste s'est donné corps et âme à une passion toujours vive.
Hariri, le pionnier
Né à Casablanca, Abdallah Hariri entame ses études artistiques à l'Ecole des beaux arts de Casablanca en 1965. Il enchaîne par la suite stages et formations au Maroc et à l'étranger (France, Italie, Pologne). « Il est le premier à avoir adopté la calligraphie comme mode d'expression. Mais Hariri n'a jamais eu pour visée d'exceller dans cet art comme l'aurait fait un lettriste professionnel. Il s'est choisi plutôt comme démarche une attitude de déconstruction des codes qui ont traditionnellement régi l'art calligraphique arabe. Il s'est ingénié ainsi à libérer le graphème de son étoffe hiératique et sacrale. Désacralisée et allégée de sa gangue théologale, l'écriture est exploitée comme un simple élément graphique, un motif pictural qui n'a pas forcément une valeur en soi. C'est là toute la modernité de Hariri ». affirme Mostafa Chebbak, critique d'art. Depuis qu'il a embrassé sa carrière artistique, il a exposé dans différents pays des quatre coins du monde.