Fête du Trône 2006

Un rapport exhaustif pointe du doigt les imperfections

06 Juillet 2010 À 16:00

La lutte contre la corruption nécessite une stratégie globale impliquant tous les acteurs concernés ainsi qu'un effort de longue haleine. Le phénomène est en effet complexe : «  La lutte sectorielle est insuffisante et ne mènera pas aux résultats escomptés », tient à préciser le président de l'Instance Abdesselam Aboudrar, hier à Rabat, lors de la présentation du rapport annuel 2009. Un rapport exhaustif qui passe au crible les données de bon nombre de secteurs. Il évalue les politiques de lutte contre la corruption et énumère les imperfections. Quelques recommandations ont été déjà formulées au gouvernement pour l'élaboration de son plan de lutte contre la corruption qui sera bientôt examiné par le conseil de gouvernement.

Nombreuses sont les insuffisances malgré les réalisations accomplies dans le domaine notamment l'absence d'une dimension stratégique qui doit intégrer une vision globale des orientations et des objectifs.
L'arsenal juridique doit être complété. Il reste en effet insuffisant pour juguler le fléau. Selon le rapport, le cercle des incriminations englobe pratiquement tous les crimes et délits tels que prévus par la CNUCC, mais n'incrimine pas la tentative dans tous les actes de corruption. En outre, les parties concernées par la corruption, les tiers intermédiaires et les bénéficiaires de ces actes sont souvent écartés. Le même constat est relevé en ce qui concerne les agents publics internationaux et les fonctionnaires des organisations internationales publiques impliqués dans les actes de corruption, ainsi que les personnes morales du fait qu'elles ne sont pas responsables en matière de corruption.

L'absence de protection juridique des témoins et des dénonciateurs figure également parmi les lacunes relevées. En ce qui concerne le volet des sanctions, on est passé de l'allégement au renforcement des peines. Depuis 2004, on a procédé à une révision partielle de ce système. Sa réforme s'avère nécessaire à l'heure actuelle.

S'agissant de la corruption incriminée par le code électoral, les sanctions ne sont pas au même niveau que celles du code pénal ni celles prévues par les deux lois organiques relatives à la Chambre des représentants et à la Chambre des conseillers, note le président de l'instance.

« Cette distorsion ne peut être justifiée, du fait qu'il ne saurait exister de degré dans l'intégrité d'un candidat que ce soit aux niveaux local, régional ou national ».
Au niveau de la prévention, diverses dispositions relatives à l'intégrité, la transparence et la concurrence existent. Mais l'absence d'un cadre législatif garantissant le droit d'accès à l'information constitue un obstacle de taille.
Concernant la loi relative aux partis politiques et le code électoral, ils présentent, selon le rapport, des dispositions pertinentes susceptibles d'assurer la transparence du financement de la vie politique. Cependant, estime-t-on, la loi sur les partis politiques ne prévoit pas l'obligation de publier les documents déposés à la Cour des comptes. Le code électoral n'oblige pas les candidats aux élections législatives de remettre l'inventaire des dépenses à la commission des vérifications, sans exiger de celle-ci qu'elle publie son rapport. Le législateur a omis d'incriminer les dépassements et de prévoir les sanctions le cas échéant. Ce qui se répercute sur la transparence escomptée.

Concernant le décret relatif aux marchés publics de 2007, il présente certes quelques avantages mais souffre de quelques faiblesses quant à son application. Le projet de décret relatif aux marchés publics ayant pour objectif de remédier aux imperfections pêche également par quelques insuffisances notamment l'omission de préciser les modalités, les conditions et les délais du recours à la commission des marchés.

De son côté, la loi relative à la gestion déléguée des services publics ne s'applique pas à l'Etat. Et le contrôle n'est pas étendu à la tarification des prestations et ne prévoit pas de règles objectives pour l'identification des secteurs productifs transférables dans le cadre de la gestion déléguée.
Des critiques sont également adressées aux textes relatifs à la déclaration du patrimoine dont la non-obligation de déclarer le patrimoine du conjoint et des enfants majeurs. S'agissant du blanchiment d'argent, les mesures d'application pour respecter les obligations de veille interne et de déclaration de soupçon doivent être adoptées.

Par ailleurs, l'instance relève que le cadre institutionnel global manque d'harmonie et de cohésion à cause de certaines contraintes notamment la faiblesse du contrôle politique, l'effectivité limitée des organes de contrôle financier et administratif, l'existence d'obstacles qui limitent l'efficacité des juridictions financières ainsi que l'autonomie limitée de l'instance centrale de prévention de la corruption. Elle a en effet des ressources financières limitées. Le gouvernement se doit de la doter du budget adéquat pour que cet organe puisse mener sa mission comme il se doit. Les concertations se poursuivent entre l'instance et le gouvernement en la matière. Une commission se penche également sur l'élargissement de ses prérogatives.

Recommandations

L'instance centrale de prévention de la corruption appelle à la poursuite de l'actualisation et de l'harmonisation de la législation nationale à travers le parachèvement des instruments de répressions et le renforcement des mécanismes de prévention (révision du statut de la fonction publique, renforcement de la transparence dans l'administration publique par la réglementation du droit d'accès à l'information, le renforcement de la transparence de la gestion des finances publiques…)
L'instance recommande également le renforcement de mesures institutionnelles. Il s'agit entre autres de l'amélioration de l'efficacité du contrôle politique par la révision de l'article 47 de la loi organique des finances, la redéfinition des compétences des organes de contrôle financier et administratif, le renforcement du rôle des juridictions financières, la consolidation de la transparence dans le secteur de la justice.

Par ailleurs, il faut développer des outils d'observation et de promotion des techniques d'investigation. Il s'avère nécessaire de renforcer la planification et la programmation dans le domaine de la lutte contre la corruption en partant d'une vision globale. L'élargissement du cercle d'information, de communication et de sensibilisation en matière de prévention de la corruption est également un volet important. La société civile devra être impliquée davantage en l'incitant à communiquer et en la dotant de moyens adéquats. Un effort devra se faire au niveau des instruments de communication et de dénonciation qui « sont isolés et difficiles à utiliser dans la pratique ».
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