L'humain au centre de l'action future

«Mon prochain film sera dans la continuité de Marock»

Sobre et sereine, la jeune réalisatrice, rencontrée au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand où elle a été membre du jury de la compétition française, nous a parlé à cœur ouvert de ses projets, de son rapport avec le court et avec le cinéma en général.

Le court est un passage obligé avant d'aller vers le long-métrage. Il permet déjà d'écrire une histoire, de savoir la raconter, de diriger des acteurs et de contrôler les mouvements de la caméra.

13 Février 2010 À 19:23

Le Matin : Qu'est-ce que cela vous a fait d'être membre du jury de la compétition nationale (française) du Festival International du court-métrage de Clermont-Ferrand ?

Laïla Marrakchi :
En tant que membre du jury, j'ai été obligée de voir tous les films de la compétition, qui étaient au nombre de 56. J'avoue que cela m'a fait peu bizarre de juger le travail des autres. Ce n'était pas évident de le faire mais en même temps, cela ne manquait pas d'intérêt vu que cela m'a permis de voir le travail des autres et de replonger dans le monde du court métrage. C'est également drôle parce que j'ai présenté tous mes courts au festival de Clermont-Ferrand. C'était donc une opportunité pour voir ce qui se fait dans ce genre au sein du plus grand festival du court au monde. Tout cela m'a mise dans une autre position. Cela dit, je ne sais pas si je le referais. C'est un exercice auquel je me suis essayée.

Comment avez-vous trouvé l'idée de la rétrospective marocaine ?

C'était une très bonne idée parce qu'elle a donné à voir des courts métrages qui datent des années 50, 60, 70 qu'on n'a pas eu l'occasion de voir. Je sais que la personne qui a fait la sélection de cette rétrospective s'est vraiment donnée du mal pour les trouver. C'était formidable de voir une quarantaine de films marocains. Malheureusement je n'ai pas eu le temps de les voir parce que je devais visionner tous les films en compétition française. Mais c'est très bien qu'on puisse avoir l'occasion de voir, à l'étranger, des films marocains. C'est une belle vitrine du court.

A votre niveau, comment s'est opérée la transition entre le court et le long métrage ?

Le court est un passage obligé avant d'aller vers le long métrage. Il permet déjà d'écrire une histoire, de savoir la raconter, de diriger des acteurs et de contrôler les mouvements de la caméra. C'est vraiment un exercice qui n'a rien de théorique, car c'est en pratiquant qu'on apprend. Le court reste le format ou l'on s'essaie au métier de metteur en scène quoiqu'on peut faire des erreurs, aussi, dans le long. En plus, même au niveau du financement du film, il est important de passer par le court parce qu'il permet au réalisateur de se créer une petite place. Du coup les producteurs peuvent le suivre et l'accompagner dans l'aventure du long métrage.

Entre le court et le long, est- ce la même démarche, le même processus de réalisation et de création ?

Il s'agit de deux choses différentes. Déjà dans le court, il y a moins d'enjeux commerciaux. Ce n'est pas un film qui sort dans les salles. Il risque même de ne pas être montré. En revanche, cela coûte cher de faire un long métrage. Du coup les enjeux commerciaux sont plus importants et on a moins droit à l'erreur. Quand on commence par un film raté il est difficile d'en faire un deuxième. Dans le court il y a moins de pression. Autre différence, le format du long permet mieux de raconter une histoire alors que pour court il faut trouver un concept qu'il faut développer en très peu de temps.

Et votre cœur, il penche plutôt pour le court ou pour le long ?

Quoique, comme j'ai dit, il s'agisse de deux choses différentes, je reste personnellement plus attachée au long parce qu'il donne l'occasion et surtout le temps de raconter une histoire. Le court, quant à lui, reste aussi intéressant pour exploiter un concept qu'on ne peut pas raconter en grand format. C'est plus expérimental.

Quel regard jetez-vous sur le court-métrage marocain et sur son évolution ?

Je pense qu'il y a des choses très intéressantes qui ont été faites dans ce domaine. Les courts métrages marocains sont de très bonne qualité surtout, ceux contemporains. Pour moi, « La Falaise » de Faouzi Bensaïdi est excellent, c'est un vrai chef-d'œuvre. Pour ce qui est du long, je vois qu'il y a une vraie énergie au Maroc, qui émane d'une recherche dans le propos et dans la forme. Ceci dit, il y a des choses de bien et de moins bien. Mais ce qui est certain, c'est qu'on assiste à un réel changement. Et puis le public marocain a envie de voir des films marocains. Il y a une vraie envie de cinéma. Cette dynamique autour du 7ème art est accompagnée par la création d'écoles spécialisées et d'une infrastructure qui nous permet d'avoir une vraie cinématographie marocaine. Maintenant, il faut juste que les films s'exportent plus. Mais cela va arriver.

Que peut apporter un festival comme celui de Clermont-Ferrand aux cinéastes marocains ?

Il leur permet de rencontrer des producteurs et d'en trouver s'ils n'en ont pas. C'est aussi une occasion pour montrer leur travail et acquérir plus de notoriété. Et puis il y a un très large public qui est très présent et très volontaire.

Avez-vous des projets de film en ce moment ?

Je travaille sur un long métrage qui est encore en phase d'écriture. Il est trop tôt pour en parler publiquement. Tout ce que je peux vous dire c'est cela se passera au Maroc, un peu dans la continuité de Marock.

N'avez-vous pas des appréhensions par rapport à ce film vu la polémique qu'a suscitée « Marock ?

Pour ce qui est de Marock, on ne parle plus du film ou de sa critique mais plutôt de la polémique. Il est toujours intéressant, voire formidable, de créer un débat autour d'un film quoiqu'au début, c'était un peu difficile pour moi vu que c'était mon premier film. Je prenais tout un peu de front parce que je n'étais pas préparée à tout cela. Mais après, on passe à un autre projet avec un autre sujet. Je ne suis donc nullement découragée, surtout qu'au Maroc, le film a bien marché autant qu'à l'international. Il a été présenté dans plein de festivals notamment à Cannes. C'est génial pour un premier film. Ce qui me donne de l'énergie pour faire un deuxième. Si je n'ai pas pu enchaîner directement c'est seulement parce qu'entre temps, j'ai eu un enfant.
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La société a envie de s'exprimer

Quand vous demandez à Laïla comment elle voit la société marocaine d'aujourd'hui, elle vous répond tout simplement qu'il est assez compliqué d'avoir un regard sur cette société.
« C'est un débat trop large. Mais ce qui est certain, c'est qu'elle est en mouvement perpétuel. Elle se libère et beaucoup de choses s'y passent, à tous les niveaux. C'est donc, clair qu'elle est différente de la société d'il y a 10 ans. Aujourd'hui, on assiste à une véritable effervescence avec des choses bien et d'autres qui le sont moins. En tout cas, on a envie de dire des choses et de s'exprimer, à travers les arts et la culture. Et ça c'est important pour l'évolution d'une société», relève-t-elle. Alors son prochain film sera-t-il de la même trompe que Marock ?
Pour la jeune réalisatrice, faire un film répond d'abord à l'envie de raconter une histoire.

Cette histoire passera certainement par le questionnement de la société. Mais cela se fera naturellement. « Je ne vais pas prendre, par exemple, un mouvement musical en racontant l'histoire d'un groupe de Rock. Je vais, plutôt, partir de quelque chose qui me touche pour ensuite l'intégrer dans la société pour que cela soit réel et authentique », précise-t-elle.
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