«La dermographie esthétique d'un acte médical à part entière»
Linda Paradis Ben est dermographe depuis 1996 en Europe. Chirurgien dentiste de formation, elle a été rattrapée par sa passion pour le maquillage et la beauté. En 2001, elle obtient à Paris, « La Charte de la dermopigmentation esthétique ». Diplômée de la célèbre école de maquillage MAKE UP FOR EVER, elle fut la maquilleuse de nombreuses stars et a contribué à de nombreuses sélections de Miss France...
LE MATIN
18 Février 2010
À 17:22
Le MATIN : Comment définissez-vous le maquillage semi-permanent ?
Linda Paradis Ben: La dermopigmentation est le procédé médical qui permet de corriger un défaut chromatique de la peau. La dermographie est synonyme de tatouage et de maquillage permanent. (Dermo : peau, graphie signifie écriture sur la peau). Le maquillage permanent ou dermographie esthétique utilise le principe du tatouage mais seulement dans les couches superficielles de la peau. Il s'agit quasiment d'un geste médical. Cela dit, toutes les prestations de maquillage permanent doivent absolument être effectuées dans des conditions d'hygiène rigoureuse et avec du matériel de dernière technologie. La technique employée permet l'implantation dans l'épiderme de pigment stérile, et se fait à l'aide du dermographe, appareil électrique en forme de mandrin. La profondeur de l'implant du pigment est de un ou deux millimètres selon l'épiderme.
Combien de temps peut-il tenir sur le visage ?
Il est temporaire (2 à 3 ans). L'idéal est de raviver la couleur si besoin tous les ans. Le choix d'un spécialiste qualifié en dermographie est important pour obtenir de bons résultats en maquillage permanent.
Est-ce que toutes les femmes peuvent l'appliquer ?
Les jeunes filles mineures nécessitent un accord parental écrit, et l'acte demandé doit être à caractère de dermopigmentation réparatrice uniquement. Sinon, toutes les femmes peuvent l'appliquer si elles en ont réellement envie, bien entendu !
Qu'en est-il des couleurs pratiquées ?
La gamme de couleurs doit être importante, autant pour un contour de lèvres que pour une création de sourcils parce que nous n'avons pas toutes la même pigmentation, ni le même taux de mélanine, ni encore le même PH de la peau (acide ou basique). Les pigments utilisés (oxyde de fer, dioxyde de titane, glycérol, alcool isopropylique) n'ont pas le même pouvoir de fixation des couleurs que les autres oxydes métalliques utilisés dans le tatouage conventionnel : (oxyde de chrome, cobalt, mercure…). Il faudra donc renouveler régulièrement l'opération. C'est aussi une sécurité pour la santé et les résultats. Seul le pigment implanté dans le derme va persister. La durée dépend en fait de l'épaisseur du derme, variable selon les régions du corps. Il se produit d'abord un éclaircissement dans les semaines qui suivent l'implantation. Seule la partie moyenne du pigment va persister : le pigment le plus profond est éliminé par le sang ou la lymphe et le plus superficiel par le renouvellement de l'épiderme. Pour stabiliser la couleur, il faut compter sur l'expérience de l'opérateur. En mélangeant des oxydes différents, les changements de teintes vont plus ou moins s'annuler.
Quelles sont les parties du visage les plus sollicitées par les femmes pour ce maquillage ?
Nous avons plus de demande pour les sourcils, eye-liner, densification ciliaire, contour des lèvres, coloration des lèvres (pleines ou dégradées), grain de beauté, mais également pour les corrections : pigmentation ratée ou insatisfaisante, asymétrie du visage, volume des lèvres (augmentation ou diminution), cicatrices.
Quelles sont les étapes de son application ?
Pour commencer, nous soumettons à la patiente un questionnaire médical, et un contrat de consentement mutuel éclairé, suivi d'une présentation des appareils, instruments et des pigments utilisés. La première étape de l'opération est la stérilisation de la partie où s'effectuera l'acte, suivie d'une anesthésie locale très légère. Par la suite, on passe au dessin de la forme, après accord du patient. On lui présente la charte des couleurs pour le choix de la teinte du pigment. On effectue un test d'allergie au pigment (derrière l'oreille, en cas de doute du patient) et l'acte peut alors être effectué sans risque. Concernant la cicatrisation des lèvres, elle est de 4 à 5 jours. Après cicatrisation et dans certains cas, il est normal de voir le pigment très clair. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Car au bout de quelques jours, la couleur remontera à la surface et s'installera complètement au bout d'un mois. Il est impératif d'effectuer les retouches nécessaires. Quant aux sourcils, la cicatrisation est de 6 à 8 jours. Il ne faut surtout pas gratter (une légère démangeaison est simplement le signe d'une bonne cicatrisation). Et pour les eye-liners, la cicatrisation est de 3 à 4 jours. Conseil, éviter le mascara pendant tout ce temps.
Y a-t-il des contre-indications ou des complications qui peuvent survenir lors de cette opération ?
Il n'y en a aucune, à condition d'avoir effectué un questionnaire médical détaillé à votre patiente. Par contre, il y a des contre-indications à cet acte. Il s'agit notamment de maladies de peau évolutives, des maladies infectieuses et virales. Il est également déconseillé en cas de diabète insulinodépendant et aux personnes ayant reçu des injections de silicone (bouche) ou autres produits non résorbables, ainsi que pour les personnes souffrant de conjonctivites ou d'autres pathologies des yeux.
Est-ce qu'il est possible d'enlever ce maquillage, par la suite, et par quel procédé ?
Il est tout à fait possible aujourd'hui de retirer un maquillage permanent en une à deux séances sans laser et sans chirurgie, à l'aide d'une crème et d'un dermographe. L'enlèvement du tatouage a été révolutionné. C'est l'aboutissement de 10 années de recherche. Cette méthode d'extraction du pigment permet l'élimination complète de tatouages. Moins douloureux, plus rapide et d'un rapport qualité/prix sans pareil. Ce procédé fonctionne par injection, dans le tatouage, d'une crème spécialement formulée. Elle catalyse le pigment, l'attire à la surface de la peau et le rejette ensuite par le processus naturel de guérison de l'organisme. Je voudrais, à ce propos, insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un traitement que vous vous appliquiez pour décolorer votre tatouage, ni d'une coloration de la peau pour masquer celui-ci et encore moins d'une décoloration à base d'acide ou d'eau de javel, ou un traitement médical ou chirurgical.
Qu'est-ce que les femmes doivent savoir à propos de cette pratique ?
Elles ne doivent surtout pas prendre cet acte à la légère en vérifiant l'hygiène du cabinet où il sera effectué et en s'assurant du professionnalisme et de l'expérience du pratiquant. Il ne faut pas hésiter à questionner le praticien sur la stérilisation et l'usage unique des produits et instruments. En effet, les pigments médicaux et minéraux ont une date de péremption, lisible. Et doivent être absolument fabriqués par des laboratoires de réputation internationale, connue et reconnue.
Un engouement teinté de prudence
«L'attrait du gain a amené beaucoup de non-professionnels du monde de l'esthétique à vouloir faire de la dermographie à tout prix. Malheureusement, leur formation n'est pas toujours des meilleures», constate avec amertume Linda Paradis. S'agissant d'un acte médical à part entière, elle considère qu'une connaissance parfaite des pigments (produits servant à la coloration de la peau) s'impose afin de composer les mélanges ainsi que suivre la qualité de ceux-ci. En dépit de la demande réelle qui existe à l'échelle internationale, notre spécialiste déplore le manque de cas qu'on fait, dans certains pays, du contrôle d'hygiène et de la vérification de diplômes. «Nous constatons malheureusement des dégâts importants, autant sur le plan esthétique que médical. Il faut surtout se méfier des prix alléchants, car cela pourrait cacher de mauvaises surprises (Qualité du pigment, matériel peu performant, conditions d'hygiène, douleur, etc.…). Il ne faut pas oublier qu'on touche le visage des gens, ce n'est pas rien, c'est toute l'identité de la femme. Psychologiquement, cela a un impact énorme. Je passe plus de temps à réparer des visages abîmés qu'à créer», souligne-t-elle.