«Il faut créer une chaîne dédiée à la musique et à la chanson»
Son parcours artistique ne date que de 5 ans et déjà Hatim Ammor joue dans la cour des grands. A Benguérir où il participe à la 2e édition du festival Awtar, il nous a parlé à cœur ouvert de ses déboires et de ses espoirs.
LE MATIN
09 Mai 2010
À 11:21
Le Matin : Parlez-nous un peu de votre expérience avec le festival «Awtar» ?
Hatim Ammor: J'ai eu l'honneur d'être sélectionné, l'année dernière, parmi les jeunes talents de la chanson marocaine pour participer à cet événement. Cette année, comme on l'a remarqué le niveau est encore plus haut qu'il s'agisse de l'organisation, de la mise en scène, des techniques utilisées… On peut dire sans se tromper que ces conditions répondent aux standards internationaux. Le fait de participer une deuxième fois à ce festival est donc une fierté pour moi. Je remercie, à ce propos les organisateurs qui ont réitéré leur confiance en moi.
Que pourrait vous apporter une participation de ce genre ?
Il faut d'abord souligner que « Awtar » est le premier festival qui a pensé à rassembler les jeunes artistes marocains autour de la chanson marocaine. Chose qui nous fait défaut au Maroc. Il est navrant de constater que dans les autres manifestations, on ne fait pas appel à des stars marocaines et même quand on le fait, elles ne bénéficient pas de la même promotion que les étrangères. On ignore les nôtres et on valorise les autres. On a donc besoin de ce genre de festivals qui mettent en avant les jeunes et les confortent dans leurs parcours artistiques.
Depuis 5 ans que vous avez démarré votre carrière artistique, vous n'avez pas cessé de gravir les échelons. Quoiqu'il est trop tôt de faire un bilan de votre parcours quel regard jetez vous aujourd'hui sur ce bout de chemin et quelles sont les choses que vous éviteriez s'il vous était donné de le refaire ?
En 5 ans, j'ai pu, grâce à Dieu, réaliser beaucoup de singles ainsi qu'une expérience télévisuelle qui a été aboutie, selon beaucoup de gens. Cela dit, si j'avais la possibilité de remonter le temps je n'aurais pas quitté le Maroc pour me mettre sous contrat avec une société de production étrangère. Les choses ont beaucoup évolué dans notre pays et l'infrastructure a suivi. Les artistes marocains ont donc plus de possibilité de travailler dans des festivals locaux. Si tel était le cas il y a 3 ans, je ne serais jamais parti en Egypte. J'avoue que j'ai effectivement acquis plus d'expérience, mais en contrepartie j'ai perdu beaucoup de temps dans cet « exil».
Quelle était la chose la plus dure à supporter dans cette expérience ?
Je profite d'abord de l'occasion pour lancer un appel à tous les jeunes qui pensent émigrer à l'étranger pour les mettre en garde contre les fausses illusions qu'ils peuvent avoir. Ils doivent savoir qu'il est impossible, à 99% qu'une voix marocaine parvienne à percer la bas. Cela alors que les compétences des artistes marocains sont au-delà de tout soupçon. Les Égyptiens le reconnaissent eux-mêmes. Mais en parallèle, ils se solidarisent pour encourager leurs propres artistes et de rejeter tout le reste. Seules quelques voix féminines ont pu s'imposer comme Samira Bensaid ou encore Jannat, alors que Asmaa Lamnaouar galère depuis plus de 10 ans pour se faire une place. Ils refusent toute concurrence et découragent les étrangers en leur imposant un maximum d'impôts et de droits. Et c'est tout le contraire qui se produit au Maroc. J'aurais aimé que le Maroc ait cet amour pour ses artistes.
Aujourd'hui quels sont les rêves et les ambitions de Hatim Ammor ?
Depuis 5 ans, je produis mes singles et mes clips moi-même. Aujourd'hui je rêve d'un paysage artistique avec plus de producteurs. C'est un domaine qui est encore vierge. Le commerce des CD et rings tons est à exploiter. S'il y a le piratage, il existe en parallèle un marché des SMS qui permettra aux producteurs de récolter un argent fou s'ils investissent dans des albums à succès grâce aux sonneries. Mon souhait le plus cher est que le domaine de la production artistique puisse connaitre le même essor que celui de l'immobilier, de l'agriculture… J'espère qu'il bénéficiera de plus d'attention.
J'imagine aussi que cela vous fait mal au cœur qu'après cinq ans de dur labeur, on continue de parler de vous comme d'un jeune artiste alors que vous avez fait vos preuves et que vous méritez le titre de « star » ?
(Un long soupir) Il nous faut instaurer la politique de star système qui existe ailleurs. En fait, nous avons besoin de beaucoup de choses, dont la création d'une chaine dédiée à la musique et à la chanson. Rien qu'au festival « Awtar », nous avons 18 artistes qui ont produit des chansons qu'ils n'arrivent pas à diffuser et à faire écouter au public. Nous avons des chaines thématiques (sport, cinéma…) alors pourquoi pas la musique sachant qu'une chanson à succès fera la promotion du Maroc. Les jeunes chanteurs produisent des clips qui ont du mal à emprunter les voies des médias.
Alors quelle est votre perception de la chanson marocaine qui peut toucher le public ?
Nous produisons beaucoup de chansons marocaines mais seules 1 ou 2% réussissent à accéder au marché. Et quand une chanson a la chance d'être produite en clip, elle est diffusée une ou deux fois par an. De cette façon, elle n'arrivera jamais à prospérer. Rien qu'en 2010, nos jeunes artistes ont produit une cinquantaine de chansons. Mais elles ne trouvent pas le moyen d'arriver au public. Nos ondes préfèrent diffuser les chansons orientales et occidentales. Seules quelques radios passent nos singles. Mais cela reste insuffisant. Parlons de votre expérience télévisuelle dans la série « Bent bladi » ? Pour vous dire la vérité, j'ai eu un trac fou quand on m'a proposé un rôle dans cette série qui allait être diffusée pendant le mois de Ramadan. C'était très risqué pour moi. J'ai passé le casting et j'ai eu beaucoup de difficultés durant les 10 premiers jours de tournage. Mais j'ai fait des cours accélérés pour apprendre les règles de la comédie. Et Dieu merci la série a eu du succès.
Est-ce que cela vous a donné envie de franchir le pas du cinéma ?
Effectivement, quand le réalisateur Kamal Kamal m'a vu sur le petit écran, il m'a proposé un rôle dans un film qui retrace la vie du grand chanteur Mohammed El Hayani. C'est un honneur pour moi de me mettre dans la peau de cette personnalité mythique. Nous commencerons bientôt le tournage du film.
Quoi de neuf dans la chanson ?
Je suis en train de préparer un album que j'allais sortir en été mais à cause de problèmes de production, j'au du reporter à après le mois sacré. C'est un album marocain à 100%. --------------------------------------------------------------
Hatim ou l'ascension fulgurante
Hatim Ammor est un féru de chant et de musique. A 8 ans, il tente de reprendre sur son orgue les refrains qu'il entendait. Son premier public sera sa la famille et ses camarades d'écoles. Des années de travail et de persévérance plus tard, Marouane Khoury lui proposera de produire « Wala Marra ». En 2005, il produit son premier single, d'autres chansons s'en suivront venant enrichir son répertoire musical et une expérience égyptienne indispensable pour compléter sa formation et confirmer son parcours d'artiste. En 2009, il détient le rôle principal de la série ramadanesque « Bent Bladi » diffusé sur 2M, dont il est également l'interprète du générique.