L'humain au centre de l'action future

«Le festival s'inscrit dans une optique de rigueur intellectuelle»

L'association Al Munyia de Marrakech organise la 3e édition du festival mondial des rencontres et musiques soufies, du 27 au 31 Octobre. Le point sur cet événement d'envergure qui ambitionne de préserver le patrimoine culturel et spirituel du Maroc.

03 Octobre 2010 À 12:52

Le Matin : La scène artistique regorge aujourd'hui de festivals dédiés au soufisme et à la spiritualité. Qu'est-ce qui distingue votre manifestation de toutes les autres ?

Touria Ikbal :
S'il est vrai qu'il y a un regain d'intérêt dans le monde entier, pour la spiritualité aujourd'hui, il n'en demeure pas moins que le soufisme est une réalité du paysage social et humain marocain depuis toujours et fait partie intégrante de sa culture et son histoire. Les confréries (Zawiyas ou Ribats), les medersas et les mausolées qui comptent par milliers, ont joué un rôle d'éducation spirituelle, de formation professionnelle et civique, de médiation et parfois même de protection du territoire. C'est dire combien ce patrimoine culturel et spirituel vivant est au centre de la configuration historique et la culture islamique de notre pays. Au regard d'une histoire aussi fabuleuse, les festivals dédiés au soufisme ne sont pas aussi nombreux qu'on pourrait le croire et n'arrivent pas à la hauteur d'un legs aussi important, même si la scène artistique marocaine en compte quelques uns ces dernières années.

Quelle est la particularité de ce festival ?

Le festival s'inscrit dans une optique de grande rigueur intellectuelle qui se perçoit à travers la qualité des concerts de musique traditionnelle et de Samaâ, des intervenants et des thèmes inédits.
Il a comme spécificité de perpétuer l'esprit des hauts lieux de culture et de mémoire de Marrakech, qui, à travers l'histoire, ont existé comme lieux d'échanges et d'hospitalité. Les activités du festival ambitionnent de révéler au public les valeurs fondamentales du soufisme, telles que le partage, l'amour, l'harmonie, la beauté et la sérénité.
Ces valeurs sont à l'image des lieux qui les accueillent : palais et ksour , pavillons historiques , esplanades et medersa, jardins et riads… Une autre spécificité de notre festival consiste à chercher à poser les prémisses d'une médiation culturelle entre l'Orient et l'Occident par le truchement des arts du Maghreb, de l'Andalous et de l'ensemble du monde musulman ainsi que par le dialogue des cultures et la solidarité des civilisations.

Selon vous, quel serait, aujourd'hui, le rôle des personnes emblématiques du soufisme, qu'on appelle les « Figures du Shaykh vivant » ?

C'est un rôle de la revivification de la tradition soufie.

Vous ciblez quel public à travers cet événement ?

Nous visons essentiellement le public de la cité ocre, dans ses différentes variétés : les jeunes, les étudiants, les corporations de métiers, les universitaires, les oulémas, toutes les personnes qui s'intéressent au soufisme. Nous visons aussi les visiteurs marocains et étrangers qui s'intéressent à cette dimension. Toutes Nos activités sont ouvertes au public gratuitement car nous ne cherchons pas un but lucratif.

Vous vous basez sur quels critères pour sélectionner les artistes qui participent au festival ?

Sur le critère de la réputation, du mérite et l'adéquation avec l'orientation de notre association.

Pensez-vous que la musique Samaa a la place qu'elle mérité au Maroc?

Le Samaâ a souffert de préjugés et de marginalisation pendant longtemps. Aujourd'hui, cette musique connaît un renouveau et un rajeunissement d'audience ainsi qu'un regain d'intérêt au même titre que le soufisme.

On a remarqué dernièrement un grand engouement pour le soufisme. A votre avis qu'est-ce qui justifie ce retour à la spiritualité ?

Le soufisme, cœur vivant et chaud de l'islam, permet de vivre l'universel au quotidien, et de s'adapter en permanence à l'évolution du monde. C'est la voie de l'amour et de la paix dont le message transcende les frontières. Les valeurs qu'il prône imprègnent le vécu des sociétés et des cultures qui s'y rattachent par les enseignements qu'il continue à transmettre, par ses monuments, sa sociabilité et son art de vivre en général.
En somme pour son influx spirituel qui déborde largement aujourd'hui les frontières géographiques du monde musulman et offre l'une des instances majeures de la médiation culturelle entre l'Orient et l'Occident. Avec différentes formes culturelles et artistiques, les manifestations du soufisme se rencontrent partout en architecture, musique ou chants, miniatures, calligraphies.
Par son universalisme, c'est le message à même d'agir sur des consciences différentes au-delà des clivages ethniques, nationalistes, culturels et civilisationnels.

Programme de l'édition 2010

A l'instar des deux premières éditions, celle de 2010 propose les axes suivants : des concerts et des rencontres musicales avec différents ensembles venus du Maroc de la Syrie, de Tunisie et d'Irak, ainsi qu'un ensemble de colloques autour du thème la « Futuwwa », La chevalerie spirituelle et de cénacles autour des Miroir des Princes : Hommage au Sultan Almohade Abou Yacoub Youssef. Ils verront la participation d'éminents intervenants et spécialistes nationaux et internationaux. En parallèle, un circuit sera proposé dans les principaux mausolées et Zaouïas de Marrakech où seront organisées des cérémonies soufies ainsi qu'une exposition en hommage aux arts calligraphiques du Maroc. Au programme également deux cérémonies d'hommage. L'une consacrée à l'un des éminents savants du Maroc, le professeur Mohamed Benchrifa, issu des rangs de la vieille université de Marrakech, Ibn Youssef et l'autre à l'un des grands maîtres du Samaâ et de la musique andalouse Haj Mohamed Bajeddoub pour l'ensemble de son œuvre et sa contribution dans ce domaine.
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