Plus question de parler d'un simple problème lié à la pauvreté et aux conflits armés dans les pays de l'Afrique subsaharienne ou ceux asiatiques, la malnutrition est un vrai problème de santé publique dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) provoquant des dégâts énormes sur les plans humain et économique.
LE MATIN
02 Juin 2010
À 13:26
Le sujet était au centre des débats lors d'un forum organisé récemment par GAIN (une organisation internationale luttant contre la malnutrition) à Dubaï. L'objectif était de sensibiliser l'opinion publique internationale sur les dangers de la malnutrition qui prend des proportions importantes dans certaines zones géographiques.
Certes, le monde entier est de plus en plus conscient des problèmes de malnutrition en Afrique et en Asie, mais il l'est moins concernant l'émergence des problèmes de nutrition dans la région MENA. En moyenne, la sous-alimentation a augmenté au cours des 10 ou 15 dernières années dans cette région. Apport insuffisant en vitamines, mauvaise absorption du fer, déséquilibre alimentaire… les causes à l'origine de cette situation sont légion.
Le Maroc, tout comme de nombreux pays de cette zone géographique, ne déroge pas à la règle. Les chiffres sont plus qu'édifiants. Selon des chiffres dévoilés par GAIN, 32% des enfants marocains en âge de préscolarité souffrent d'une anémie. Le pourcentage des enfants marocains souffrant d'une déficience en vitamine A est estimé à 40%, soit juste derrière l'Afghanistan (la prévalence de 65%) et juste avant l'Irak (30%). Et ce n'est pas tout.
La prévalence de l'anémie parmi les femmes enceintes au Maroc est de 35%. Il est donc normal que la mortalité maternelle et néonatale soit encore élevée. La carence en vitamine A est aussi un problème de santé publique. Le système immunitaire a besoin de la vitamine A en petites quantités pour contrer les infections. Cette vitamine est aussi importante à la croissance et la reproduction. Les résultats sont dévastateurs puisqu'une insuffisance en vitamine A peut entraîner la cécité chez l'enfant et augmente le risque de décès. Mais le Maroc n'est pas le seul. Les statistiques montrent en effet que l'anémie est répandue dans toute la région MENA.
Le développement cognitif chez un enfant anémique est considérablement altéré. L'anémie nuit également à la capacité d'apprentissage chez les enfants à l'école. Chez les adultes, elle entraîne une fatigue et une faiblesse de productivité. L'anémie n'est qu'une seule facette de la malnutrition. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la malnutrition réfère à des carences, des excès ou des déséquilibres de l'apport de l'énergie, de protéines et / ou autres nutriments. De ce fait, elle englobe à la fois la sous-nutrition et la surnutrition.
Paradoxalement, la région MENA fait face à un «double fardeau» de la malnutrition. Un fardeau qui est plutôt paradoxal. Car il n'est pas rare de trouver une sous-nutrition et une surnutrition dans le même pays, la même communauté ou même au sein d'une même famille. La suralimentation et les problèmes qui en découlent (obésité, diabète…) sont essentiellement perceptibles dans les pays du Golfe.
Cependant, qu'ils soient en surpoids ou anémiques, des millions d'enfants dans cette région n'ont pas la chance de démarrer leur vie sur le même pied d'égalité avec les autres enfants d'autres pays. Dommage…!
Questions à: Jay Naidoo • président du conseil d'administration de GAIN.
«J'espère que le G8 décidera d'accroître les investissements dans le domaine de la nutrition»
• Le monde traverse actuellement une crise économique. Selon vous, cela pourrait se répercuter sur les ressources mises à la disposition de GAIN ?
Tout dépend des choix que l'on peut faire… Les chiffres sont édifiants : pas moins de 3,5 millions d'enfants meurent à travers le monde à cause de la malnutrition, deux milliards de personnes en souffrent et 1,2 milliard ont faim la nuit lorsqu'ils vont se coucher. Cette situation est inacceptable parce que manger à sa faim est un droit essentiel de l'Homme. C'est l'avenir des générations futures qui est en jeu. GAIN est une organisation qui a atteint des résultats. Nos accords de partenariats novateurs ont permis d'atteindre plus de 200 millions de personnes et nous nous apprêtons à lancer dans les prochains mois et les années à venir d'autres projets.
• Combien coûte le combat contre la malnutrition ?
En 2008, les meilleurs économistes au monde, réunis à la conférence de Copenhague, ont reconnu que la fortification avec des vitamines et des minéraux pour combattre la malnutrition est l'investissement le plus efficace dans le domaine du développement. Offrir des micronutriments sous forme d'un sel iodé, de la vitamine A en capsule ou une farine fortifiée en fer pour 80% des personnes dénutries coûte 347 millions de dollars annuellement. En contrepartie, cet investissement permettra d'améliorer de 5 milliards de dollars US les revenus futurs et de réduire considérablement les dépenses dans le domaine de la santé. Il s'agit donc d'une vraie urgence que les leaders et les chefs d'Etat doivent ériger en une priorité dans leurs agendas. J'espère sincèrement que le G8, qui se réunira au Canada, décidera d'accroître les investissements dans le domaine de la nutrition pour les plus vulnérables notamment les femmes et les enfants.
• Vous pensez que l'objectif d'atteindre un milliard de personnes est toujours réalisable ?
• Si on ne croyait pas en la capacité de GAIN d'atteindre les objectifs tracés, je ne serais pas président de son conseil d'administration. La malnutrition n'est pas une maladie. Les solutions sont simples et sont extrêmement peu coûteuses. Elles consistent en la production d'aliments fortifiés et l'éducation des communautés ciblées sur la nutrition. Cependant, nous pensons que la volonté politique fait encore défaut.
• Vous avez des programmes dans seulement deux pays arabes. Pourquoi ?
GAIN est présente actuellement en Egypte, au Maroc et au Pakistan et nous allons également développer un programme en Afghanistan. Il est certain que nous allons mener d'autres projets dans les pays arabes mais il nous faut d'abord conclure des partenariats avec les gouvernements locaux, le secteur privé et les organisations internationales. C'est d'ailleurs le modèle type élaboré par GAIN et qui consiste à travailler avec des partenaires locaux pour améliorer la santé publique. En Egypte par exemple, nous travaillons avec le ministère de la Solidarité sociale, des minotiers privés et le PAM (Programme alimentaire mondial) pour fortifier la farine avec du fer et l'acide folique. Cette farine est utilisée par les familles égyptiennes pour la préparation du pain ‘'baladi''.