Les raisons, les objectifs et les perspectives d'une réorganisation
La réorganisation annoncée de l'ONA et de la SNI ne passera certainement pas sans avoir des effets salutaires sur une dynamique des plus vertueuses. Dans un entretien accordé au Matin, Mouatassim Belghazi, PDG du holding ONA, revient sur les raisons de cette réorganisation ainsi que sur les perspectives qu'elle ouvre.
Mouatassim Belghazi
LE MATIN
28 Mars 2010
À 14:17
Non seulement pour la nouvelle entité, mais aussi pour l'économie nationale de manière générale. Enumérant les raisons de cette réorganisation, M. Belghazi met en tête l'évolution de la vocation d'un groupe multi-métiers à celui de holding d'investissement. Un recadrage stratégique qui devra permettre de mobiliser les énergies « autour de la définition et le suivi de stratégies de développement ambitieuses, en confiant la gestion opérationnelle aux managements respectifs des filiales qui seront de fait responsables devant leurs organes de gouvernance respectifs », tient à préciser M. Belghazi. Plus concrètement, cette réorganisation induit « la fusion d'ONA et de SNI en un holding d'investissement unique, non coté, qui n'aura plus vocation à détenir de participations majoritaires, sauf dans les cas de certains métiers en phase de développement », dixit notre interlocuteur. Quant aux éventuels impacts du retrait des deux entités de la Bourse, notre interlocuteur assure que l'opération, dans sa globalité, « aura sans conteste un impact positif » sur la place casablancaise.
D'autant, estime-t-il, que cette réorganisation « participera à redynamiser le marché boursier marocain ». En vue de mieux éclairer les lanternes, M. Belghazi affine en soulignant que « si le retrait d'ONA et de SNI de la Bourse en diminuera automatiquement la capitalisation, l'impact de l'opération sur le marché, qui se mesure davantage par les volumes de transactions, n'en sera pas négatif ». Plus encore, en deux temps, l'on pourra mesurer l'effet de cette opération. En effet, l'annonce du retrait induit « un mouvement de réallocation des portefeuilles des intervenants qui contribuera à animer le marché », ceci dans un premier temps. Dans un deuxième temps, indique-t-il, « la cession en Bourse du contrôle de certaines de nos filiales matures participera significativement à la dynamisation du marché ». En termes de perspectives, notre interlocuteur nous révèle, tout en énumérant les cinq axes nodaux de la stratégie du holding d'investissement, que l'ambition qui anime la nouvelle entité st de devenir un investisseur de référence au Maroc.
Entretien avec Mouatassim Belghazi, Président-directeur général du Groupe Omnium Nord Africain (ONA)
Le holding d'investissement ciblera, dans sa stratégie, les projets et sociétés de taille significative, sur des secteurs attractifs, présentant de fortes barrières à l'entrée et des niveaux de rentabilité satisfaisants pour les actionnaires.
LE MATIN : Le 25 mars, les conseils d'administration de l'ONA et du SNI ont publié un communiqué de presse annonçant une réorganisation des deux holdings. Quelles en sont les motivations et en quoi consiste-t-elle ?
MOUATASSIM BELGHAZI : La raison première de cette réorganisation réside dans l'évolution de la vocation du Groupe qui passe d'une vocation de groupe multi-métiers à celle de holding d'investissement. Le constat a été fait de l'incompatibilité avérée de l'organisation actuelle avec notre volonté de jouer un rôle moteur dans l'incubation de projets structurants, visant la construction de métiers à forte valeur ajoutée, dont la complexité ou la taille des investissements ne peuvent être assumées que par des groupes de notre taille. En effet, le pilotage en direct de métiers matures s'avère dans la pratique contreproductif car générateur de lourdeurs administratives qui altèrent la responsabilité du management de la filiale concernée et freinent l'expression de son énergie créatrice. Enfin, le pilotage opérationnel direct de sociétés matures aux côtés de métiers en développement disperse les énergies du holding et altère l'efficacité de son accompagnement des métiers en construction qui demeure sa mission première. En d'autres termes, cette réorganisation nous permettra de mobiliser notre énergie autour de la définition et le suivi de stratégies de développement ambitieuses en confiant la gestion opérationnelle aux managements respectifs des filiales qui seront de fait responsables de leur gestion devant leurs organes de gouvernance respectifs. Cette réorganisation stratégique s'inscrit parfaitement dans la tendance mondiale qui a vu le démantèlement progressif des conglomérats multi-métiers, aussi bien dans les pays développés que dans les pays émergents. Dans notre cas, elle repose sur la fusion d'ONA et SNI en un holding d'investissement unique non coté, qui n'aura plus vocation à détenir de participations majoritaires, sauf dans le cas de certains métiers en phase de développement.
Quels sont les impacts d'une telle opération sur la Bourse de Casablanca, ne risque-t-elle pas de déstabiliser le marché? Quelles en sont les implications sur les actionnaires minoritaires ?
L'opération dans sa globalité aura sans conteste un impact positif sur la Bourse et participera significativement à redynamiser le marché boursier marocain. En effet, si le retrait d'ONA et SNI de la Bourse en diminuera automatiquement la capitalisation boursière, l'impact de l'opération sur le marché, qui se mesure davantage par les volumes de transactions, n'en sera pas négatif. En effet, dans un premier temps, à l'annonce du retrait, un mouvement de réallocation des portefeuilles des intervenants contribuera à animer le marché. Dans un deuxième temps, la cession en Bourse du contrôle de certaines de nos filiales matures, participera significativement à la dynamisation du marché. Il faut souligner qu'il s'agit d'un événement sans précédent à la Bourse de Casablanca où plusieurs sociétés de taille importante verront leur flottant augmenter de manière substantielle. Ceci permettra de répondre favorablement à l'une des exigences des investisseurs–notamment internationaux - à savoir sa faible liquidité, liée notamment à la faiblesse du flottant des sociétés cotées. S'agissant des implications, seuls les actionnaires d'ONA et de SNI sont impactés par cette opération. A ce titre, et dans le cadre de ce qui est prévu par la loi dans ce genre d'opérations, ils se verront proposer deux options : soit ils apporteront leurs titres aux offres de retrait qui les concernent, à un prix prévoyant une prime, et je rappelle que le prix fait l'objet d'un rapport d'expertise indépendant, comme l'exige la réglementation; deuxième option, ils pourront conserver leurs actions et continueront alors de percevoir les dividendes de la nouvelle entité qui ne sera pas cotée.
Comment va se dérouler concrètement cette opération ?
Cette opération va se faire en trois étapes majeures. La première étant le retrait de la cote des valeurs ONA et SNI. A cet effet, nos actionnaires se verront donner la possibilité soit de réaliser une plus-value intéressante, soit de s'inscrire à nos côtés dans l'avenir de ces sociétés, mais en dehors de la Bourse. Cette première étape ouvrira la voie à la fusion juridique et de fait des deux entités. Cette deuxième étape sera suivie par une dernière, et non des moindres, la réorganisation effective de l'entité fusionnée et de son portefeuille de participations, notamment à travers la cession du contrôle des sociétés matures tel que Centrale Laitière, Cosumar ou Lesieur.
Le communiqué parle d'une nouvelle vocation où l'on passerait d'un groupe multi-métiers à un holding d'investissement. Pourriez-vous nous parler de la stratégie de cet holding d'investissement ?
Vous faites bien de reprendre le terme de vocation, car tout l'esprit de cette opération repose sur l'évolution de la vocation du Groupe, qui passe d'une vocation d'opérateur industriel et financier multi-métiers à celle d'holding d'investissement avec un seul métier : celui d'actionnaire professionnel. Il ambitionne ainsi d'être un investisseur de référence au Maroc, créateur de valeur aussi bien pour l'économie nationale que pour ses partenaires et actionnaires. La stratégie de ce holding d'investissement s'articulera autour des cinq axes suivants : 1) Investir dans les actifs cotés et non cotés structurants pour l'économie marocaine, à fort potentiel de création de valeur et/ou de rendement; 2) Remplir son rôle d'actionnaire de référence actif dans les organes de gouvernance tout en confiant la gestion opérationnelle à un management responsabilisé devant le marché; 3) Insuffler l'expérience d'actionnaire professionnel pour favoriser le développement des actifs et l'émergence de champions nationaux ou régionaux; 4) Autonomiser les participations une fois qu'elles ont atteint leur rythme de croisière; 5) Pérenniser le retour aux actionnaires sous forme de dividendes et d'accroissement de la valeur patrimoniale. Le holding d'investissement ciblera, dans sa stratégie, les projets et sociétés de taille significative, sur des secteurs attractifs, présentant de fortes barrières à l'entrée et des niveaux de rentabilité satisfaisants pour les actionnaires. Ceci se fera par ailleurs dans un souci d'équilibre de portefeuille aussi bien en termes d'exposition sectorielle, géographique, qu'en termes de répartition d'actifs cotés et non cotés.