Il s'agit d'une période de transition où l'enfant commence à se différencier de son milieu familial, en essayant de montrer sa différence par rapport à ses parents.
LE MATIN
25 Novembre 2010
À 17:29
Située aux alentours de 10 ans et demi, la pré-adolescence est une période critique dans la vie des enfants comme dans celle des parents. Les deux se retrouvent face à des situations délicates où les parents ont le plus grand rôle à jouer. « Ma fille de 8 ans a toujours eu un caractère fort, mais depuis le CE2, elle se comporte bizarrement : elle est insolente, dilettante, vindicative et remet tout en cause. Elle est constamment dans l'affirmation de soi et l'opposition, surtout avec moi», constate Hajjar, femme active et mère de la petite Kenza. Cette jeune mère est éventuellement en train de faire face à ce phénomène qu'est la pré-adolescence. « C'est une période qui se situe autour de 9-12 ans. Ces âges sont des repères indicatifs bien sur. Cela peut démarrer un peu plus tôt ou se poursuivre un peu plus tard et ce, en fonction de l'âge d'apparition de la puberté » explique Selma Belghiti, psychopédiatre à Casablanca.
En effet, beaucoup de parents s'en plaignent puisque du jour au lendemain, ils se retrouvent face à des comportements « bizarres » de la part de leurs petits enfants. A ce stade, nul besoin de s'affoler puisque cela fait partie de son développement. C'est la pré-adolescence qui remet en lumière tous les fantasmes et toutes les réflexions existentielles. Pour Selma Belghiti, « il s'agit plutôt d'une période de transition où l'enfant commence à se différencier de son milieu familial, en essayant de montrer sa différence par rapport à ses parents. Il va par exemple avoir de nouvelles exigences par rapport à ses vêtements, sa marge de liberté, d'autonomie etc. A cette période, l'enfant veut surtout s'identifier à un groupe du même âge et être comme ses camarades. En fait, il commence à chercher des repères en dehors de la famille ».
Adil, père de famille, en a bien fait l'expérience: « Mon fils de 11 ans a toujours été plein de vie. Il fait beaucoup d'activités, du tennis et du foot. Il a de très bons résultats scolaires. C'est un garçon vraiment brillant ». Et d'ajouter: « Récemment, mon fils a commencé à me poser des questions d'ordre existentiel, qui ne sont pas de son âge», indique ce père de famille qui se retrouve à court de moyens face à cette situation. Il faut dire que pour les parents, parler de la mort chez un enfant à partir de 5 ans est un sujet dont la gestion est très délicate, soulignent les spécialistes. Ceci démontre que l'enfant a commencé à acquérir la conscience du temps, de la fragilité des choses et de la vie. La mort n'étant pas "pensée" comme l'adulte, peut également être un moyen "calculé" de chantage ou de pression pour certains. Toujours selon les spécialistes, cela peut aussi être une peur de l'abandon, dramatiquement exprimée.
Il est donc important de "doser" ses propres réactions face à un pré-ado qui lance cela comme un pavé dans la mare pour montrer aux parents qu'il parle de choses " adultes ", qu'il va falloir compter avec lui, et lui montrer un peu plus d'égards. Il faut donc intervenir si les propos sont récurrents. Lui faire comprendre que peut-être le mot n'est pas adapté, qu'il n'est pas obligé de frapper fort pour être écouté, que vous l'aimez et qu'il pourra se confier à vous si quelque chose le tracasse. Prenez surtout note du non-verbal. Si aucun changement ne survient dans son comportement (fatigue, déprime soudaine, mauvaises notes, agressivité latente, etc), ce n'est pas alarmant. Mais quand vous (les parents) êtes tous les deux seuls avec lui, faites en sorte d'avoir quelques petites phrases qui lui montrent que vous avez une entière confiance en lui.
Les parents doivent apprendre à communiquer sur des sujets qui, en temps normal, peuvent paraître choquants, à savoir la drogue, les jeux dangereux, la sexualité… A ce titre, il faut apprendre à expliquer à l'enfant le fait que nul n'est parfait, même pas les parents et que toute «bêtise» doit être dite avant de devenir grave. Qu'il ne faut pas juger, mais comprendre.
Pré-adolescence, quand tu nous tiens !
Les jeunes d'aujourd'hui parviennent à une maturité physique plus précocement que ceux d'antan. Des études démontrent que les filles ont leurs premières règles en moyenne 8 mois plus tôt que leur mère, et que les garçons de 12 ans pèsent 4 kg de plus et mesurent 3 cm de plus que leur père au même âge. Grâce aux nouvelles technologies et aux stimulations intellectuelles qu'ils ont reçues, les jeunes sont incroyablement exposés à une foule de connaissances. Ils sont également encouragés par la société à paraître plus âgés réellement sur le plan vestimentaire et dans leurs attitudes. Si, sur le plan intellectuel, ils sont aussi plus renseignés, le développement émotif ne suit pas cette courbe ascendante, ce qui ne manque pas de créer des discordances! Cette accélération a induit une entrée dans l'adolescence plus précoce que dans les générations passées.
EXPLICATION : Selma Belghiti • Psychopédiatre.
«Les enfants ont besoin de vivre sereinement le temps de leur enfance»
Qu'est-ce que la pré-adolescence ?
L'apparition de l'idée de pré-adolescence est relativement récente. Classiquement, l'individu était dans l'enfance puis, lorsque les signes de la puberté apparaissaient, il devenait adolescent. Depuis quelques années, et ce notamment sous l'influence de la télévision et de la culture de consommation, les enfants sont poussés vers des comportements et des préoccupations de type adolescent de plus en plus tôt. A témoin, le succès des séries dites adolescentes, telles Hannah Montana, auprès des enfants de 8-10 ans et qui ne touchent pas du tout leur cible supposée les adolescents de plus de 14 ans. On a donc vu apparaitre une catégorie un peu particulière, les pré-adolescents, qui ne sont plus tout à fait des enfants mais pas encore des adolescents. Ils ont des comportements qui peuvent ressembler à ceux des adolescents, mais qui ne ressortent pas des problématiques adolescentes.
Quelles sont les caractéristiques de cette «crise » ?
Il ne s'agit pas vraiment d'une «crise», telle qu'on y fait généralement référence en parlant de la crise d'adolescence dans laquelle le jeune va être en opposition quasi systématique par rapport aux parents. Un jeune adolescent est en train de s'ajuster aux changements corporels liés à la puberté et il est dans une recherche de son individualité, de son originalité en tant que personne différente de ses parents, ce qui explique son mal être et sa difficulté relationnelle par rapport à ses parents.
Quels sont les comportements et symptômes auxquels il est important d'être attentif ?
Les parents, surtout lorsqu'il s'agit d'un premier enfant, peuvent avoir tendance à le faire grandir trop vite et à prendre les signes d'affirmation ou de contestation de leurs enfants pour le démarrage de la fameuse « crise de préadolescence ». A trop les pousser vers l'adolescence, on oublie qu'ils sont encore des enfants et ont besoin que quelqu'un d'autre préserve leur temps d'enfance afin qu'ils puissent aborder avec des fondations solides les remous de la période pubertaire. Certains parents, peuvent également se méprendre sur ces comportements d'opposition en les attribuant à la préadolescence alors que pour la plupart, leurs enfants ont toujours été en opposition et dans une difficulté à intégrer les règles et les limites.
Vos conseils aux parents en cette période ?
Il ne faut pas céder au discours ambiant et notamment celui de la télévision qui pousse vers une adolescence précoce uniquement pour des raisons marketing. Les enfants ont besoin de vivre sereinement le temps de leur enfance sans être précipités dans un discours, des comportements ou des préoccupations qui sont bien loin de leur âge. Ils n'ont pas les ressources psychiques nécessaires pour vivre ce type de chose. Les parents doivent tenir bon face à cette pression et continuer à protéger leur enfant en lui posant les limites et les repères nécessaires à son développement harmonieux.