«Je suis révoltée. Le chauffeur de taxi m'a déposée très loin de ma destination et il se permet d'être désagréable», déplore Najat. Cette jeune casablancaise de 28 ans n'est pas la seule à être scandalisée par le comportement de certains taximen.
Les clients ont le droit de noter le numéro du taxi et porter plainte contre les infractions du chauffeur.
LE MATIN
20 Décembre 2010
À 16:21
Ces derniers sont connus pour les écarts de conduite comme l'arnaque, le manque de respect, la mauvaise humeur… Bref, les scénarios se multiplient, mais le résultat est le même. Les pratiques des chauffeurs de taxi sont tout simplement scandaleuses. «Le chauffeur a dépassé intentionnellement la rue qui mène vers ma destination et il a commencé à me parler grossièrement pour exiger enfin que je descende dans une rue obscure loin de chez moi», explique Najat. «En fait, il y avait une autre cliente à bord et il lui a demandé implicitement son numéro de téléphone, ajoute-t-elle. Donc ma présence était de trop comme si on était dans un club de rencontres et non pas avec une personne qui a un permis de confiance».
Toutefois, la loi interdit tout manquement aux règles dictées aux chauffeurs de taxi et tout comportement susceptible de nuire au service public. «Il existe bien des règles et des commissions disciplinaires qui régissent ce secteur. Néanmoins, certaines personnes discréditent toutes les normes du métier», déplore un chauffeur de taxi qui exerce depuis près de 30 ans. Et de préciser que c'est le passager qui décide de sa destination.
En outre, le chauffeur n'a pas le droit de lui parler. «Les clients ont le droit de noter le numéro du taxi et porter plainte contre les infractions du chauffeur, au bureau des taxis situé au boulevard Brahim Roudani. Après chaque plainte, le chauffeur de taxi est convoqué par la commission de discipline et il risque de se faire retirer son permis pendant une longue durée», nous confie un autre taximan de la cité blanche.
Néanmoins, la réalité est autre, un grand nombre de conducteurs de ce moyen de transport urbain ne prennent que les courses qui leur plaisent ou qui croisent leurs trajets. D'autres refusent de prendre trois personnes à la fois pour plus de rentabilité. La déontologie du métier ne signifie rien pour eux. «Les réclamations contre les chauffeurs de taxi prennent généralement beaucoup de temps et en plus le résultat n'est même pas fiable», indique un Rbati qui travaille à la capitale économique. «J'ai déjà porté plainte contre un conducteur qui a refusé de me transporter devant la gare Casa Port alors qu'il ne transportait personne, souligne-t-il. Dès qu'il a entendu ma destination, il a accéléré». Cet habitant de Rabat a dû se rendre à deux reprises au bureau des taxis. La première fois pour faire une déposition et la seconde pour confronter le chauffeur : «Je me suis retrouvé face à un taximan qui nie toutes mes accusations. Bien sûr, je n'avais aucun moyen de prouver le contraire et j'ai perdu mon temps pour rien».
Il faut dire que les aberrations des taximen sont encore plus flagrantes devant les gares ferroviaires. On y trouve toute une file de petits taxis stationnés alors que les citoyens doivent marcher plusieurs mètres pour trouver un autre conducteur qui accepte de les transporter. «Au niveau des gares ferroviaires ou routières, certains chauffeurs imposent leur loi et privilégient les longs trajets au détriment des usagers pressés. Ils refusent aussi de faire une course pour trois personnes ensemble», explique un détenteur de permis de confiance depuis les années 80. Même constat dans les zones touristiques et devant les hôtels. Certains conducteurs, avides de gain facile, essaient de duper les touristes. Pour ce faire, ils cachent le compteur et demandent des sommes exorbitantes pour les courts trajets. Aujourd'hui, il ne suffit plus de héler un taxi à Casablanca pour bien arriver à sa destination. Il faudrait plutôt faire preuve de grande vigilance et surtout supporter la mauvaise humeur et les caprices des chauffeurs.
Réglementation
La loi interdit tout manquement aux règles dictées aux chauffeurs de taxi et tout comportement susceptible de nuire au service public. Selon le code déontologique des chauffeurs de taxi, le compteur doit être clair et mis en marche avant le départ. Le client peut refuser d'autres voyageurs et exiger de suivre l'itinéraire qu'il désire et non celui qui arrange le chauffeur. De même, il n'est pas obligé de supporter les discours du chauffeur ou ses goûts musicaux. Par ailleurs, le véhicule doit être propre et bien entretenu. Les taximen doivent également avoir une tenue vestimentaire correcte, un comportement poli avec les clients et surtout respecter le code de la route. Une commission disciplinaire qui se compose d'un représentant de la wilaya et d'un représentant de la sûreté nationale veille sur le respect de ces règles. Cette dernière se réunit deux fois par semaine pour traiter les litiges entre les citoyens et les chauffeurs de taxi. Cette structure dédiée aux usagers insatisfaits est disponible au niveau de toutes les wilayas, provinces et préfectures du Royaume. Suite aux plaintes des citoyens, elle peut appliquer des sanctions répressives prévues dans le code des taximen. A titre d'exemple, dans le cas où le chauffeur ne respecterait pas son client, il risquerait de se voir adresser un avertissement ou carrément se voir suspendre son permis de confiance.
Un secteur à litiges
Le secteur des taxis est l'un des plus épineux au sein du Grand Casablanca. Pour les petits comme pour les grands, les rouages des taxis sont multiples et difficiles à comprendre. A titre d'exemple, les chauffeurs estiment qu'ils exercent dans des conditions difficiles. «On fait tout le travail et enfin de compte, le propriétaire de l'agrément prend la majorité des recettes sans faire aucun effort», déplore un conducteur de petit taxi. Et d'ajouter que la plupart des taximen sont de simples employés. Ils ne possèdent ni l'agrément ni le véhicule. Certains travaillent seulement quelques heures. A noter que la recette journalière d'un petit taxi ne dépasse pas les 300 DH. Les chauffeurs de taxi réclament ainsi plus de droits et de garanties entre eux et les propriétaires des agréments. «Personne ne pense à nous. Si le taxi tombe en panne, on reste sans travail. Le chauffeur de taxi est le maillon faible dans ce secteur plein de toutes confusions», indique un détenteur de permis de confiance. Ce dernier comme beaucoup de ses confrères se sent surexploité. Il travaille dans un véhicule de très mauvais état et il n'a aucune protection sociale. «Au lieu de penser à renouveler le parc des petits taxis, on devrait améliorer la situation des chauffeurs, car les détenteurs d'agréments ne se soucie guère de l'état des véhicules, l'important pour eux, c'est l'argent qu'ils rapportent. Pis, ils n'ont pas intérêt à s'endetter pour offrir au chauffeur des conditions de travail meilleures», explique-t-il. Ces problèmes influencent négativement le secteur des taxis. Ce dernier a ainsi besoin d'un grand travail d'assainissement afin d'offrir aux citoyens un service de qualité.