Spécial Marche verte

Au secours, mon enfant s'ennuie !

Les enfants s'ennuient souvent à la maison pendant les vacances. Ce grand moment de repos provoque la préoccupation des parents.

08 Juillet 2010 À 14:16

C'est l'été, le temps des vacances. Pour toute la famille, des plus âgés aux plus jeunes, l'atmosphère change dans la maison. Les jours se délestent de leurs contraintes routinières. Pour les jeunes enfants, finis les levers douloureux, le petit déjeuner avalé à toute allure pour aller à l'école, les devoirs à faire… Libérés des obligations qu'impose la vie scolaire, les voilà disponibles pour vivre leurs grandes vacances. Côté parents, si la plupart se réjouissent à l'idée d'être plus près de leurs bambins, beaucoup avouent leurs craintes de ne pas être à la hauteur de la situation et de se laisser déborder par l'énergie des enfants. Ainsi Sarah, qui ne sait pas quoi faire avec sa fille de 7 ans. Celle-ci boude toute la journée à la maison. Pour elle, il est hors de question de passer les trois mois de vacances enfermée. Alors que faire ?

«Maman, je m'ennuie», «Je sais pas quoi faire»… Quel parent n'a jamais entendu ces phrases venant de son enfant tournant en rond dans la maison ?
Il faut savoir que quand on est enfant, on a toujours de l'énergie à revendre ! Impossible de tenir en place ou de rester enfermé entre quatre murs. Pour les chérubins, il est indispensable de courir, de jouer, de se distraire tout en s'amusant pour bien grandir et s'épanouir, comme le rappelle docteur Amine Benjelloun pédopsychiatre.
Les vacances c'est également un moment propice pour favoriser les rencontres, les découvertes. Pousser nos enfants à s'ouvrir sur le monde. Cela fonctionne bien chez les ados. Ils sont plus libres et plus indépendants. Du coup, ils arrivent facilement à nouer des liens vers l'extérieur. Pour les plus petits, cela s'annonce plus difficile.
Ce ne sont plus des bébés, mais ils sont loin d'être autonomes. Certains enfants, plus solitaires, souvent enfant unique, savent se débrouiller seuls. Tant mieux pour les parents, mais c'est également bien pour un enfant d'aller vers les autres. L'idéal donc serait de les aider à trouver des ressources pour passer un bon moment.

C'est aux parents de créer un contexte favorable. Par exemple, inviter leurs amis et faire connaissance avec les parents. Il faut les aider à tisser des liens. Les parents peuvent aussi proposer à leur bambin une sortie en emmenant avec lui son meilleur copain. Pour éviter l'ennui, beaucoup d'enfants se branchent sur leurs ordinateurs pendant les vacances. Grands passionnés d'informatique, les petits passent de plus en plus de temps devant cet écran qui les traîne dans un monde virtuel. Cette grande fenêtre ouverte sur le monde peut leur permettre de nouer des liens (MSN, Facebook …), d'écouter de la musique, de visionner des films, de réviser leurs programmes scolaires ou de jouer à des jeux interactifs. Une grande avancée technologique qui soulage un peu les parents, mais qui engendre beaucoup d'effets pervers. Par exemple, les enfants commencent à avoir des difficultés pour aller se coucher, perte de sociabilité, dépendance aux jeux ou aux discussions en ligne, mal au dos et aux yeux.

Sans parler des disputes quand plusieurs enfants doivent se partager un ordinateur unique, donc un véritable poison, à haute dose ! d'après les explications du docteur Benjelloun. Mais il ne faut tout de même pas lutter contre l'ennui. Ce n'est pas un ennemi. Même si cette passivité mal assumée crée un certain malaise, l'ennui est aussi bénéfique.
Lorsque l'enfant reste seul à ne rien faire, seul avec ses pensées et sa capacité de rêver, c'est là où il pourra associer toutes ces pensées et faire naître les grandes idées. Même si cela peut surprendre, un enfant qui s'ennuie est un enfant qui grandit, qui s'épanouit, qui développe sa créativité.
C'est dans ce «rien faire», dans ce «vide» que l'enfant développe son imagination, sa créativité, sa capacité à observer, sa confiance en lui, son autonomie, son identité propre en faisant appel à ses ressources et ses capacités émotionnelles pour dépasser ses frustrations et ses peurs.

* Journaliste stagiaire

Réviser, mais à son rythme!

Quand un enfant s'ennuie pendant les vacances et ne sait pas quoi faire, certains parents pensent que réviser serait une solution pour que leur chérubin ne se sente pas très seul. Néanmoins, il faut établir avec lui un contrat de travail dans lequel il est partie prenante. Il faut prendre le temps de discuter avec lui, lui demander combien de temps il souhaite travailler, à quel moment et trouver ensemble un système de travail qui lui va. Pour les enfants en maternelle, surtout pas de cahier de vacances. Cela ne sert pas à grand-chose. Plusieurs activités comme cuisiner, jardiner, jouer, dessiner… peuvent être bien plus éducatives que des cahiers dits «éducatifs ».

Plutôt que de se précipiter vers ce genre d'ouvrages, il faudrait lui offrir un cahier de jeux : labyrinthes, différences... Le choix est large du premier prix au cahier de jeux le plus sophistiqué. Les activités proposées y sont très similaires à celles des cahiers de vacances, mais en plus ludiques, sans connotation scolaire. Pour certains enfants, cela change tout !
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EXPLICATION : Docteur Amine Benjelloun •
Pédopsychiatre
«Vive l'ennui ! Le seul vrai luxe de nos jours»


Pourquoi un enfant s'ennuie en
vacances ?


Il ne faut pas toujours lutter contre le sentiment d'ennui. Au contraire, il faudrait lui rendre ses titres de noblesse. Ce serait, à mon sens, le seul vrai luxe de nos jours. Mais aussi une vraie capacité à développer: c'est rester seul, avec ses pensées, ses capacités de rêverie.
C'est dans ces moments là, à l'insu de la personne, que les associations d'idées sont possibles, que les grandes idées naissent. Malheureusement, cela n'est pas compris par les parents, la société civile (comme en atteste votre question): l'enfant est inscrit dans cent et une activités, il ne peut se poser, s'occuper seul, il est toujours dans le mouvement, l'action... Si on prend une métaphore informatique, les moments d'ennui seraient l'équivalent de l'application «défragmentation du disque dur» : les fichiers sont associés, ordonnés, l'espace est libéré pour permettre autre chose, une nouvelle application... Vive l'ennui donc !

Que faut-il faire pour éviter cela ?

Au contraire, il faut le cultiver; pas trop, mais un peu quand même. Il faut permettre à l'enfant de jouer seul, de rester seul, de se raconter des histoires (on voit les enfants mettre alors en scène des personnages, leur faire raconter des histoires, reprendre des thèmes de la journée...).
Evidemment, il ne faut pas se rabattre sur les consoles de jeu et la télévision, deux vrais poisons, à haute dose.

S'il veut sortir jouer dans la rue, que faut-il faire ?

Qu'il sorte ! La rue est un vrai laboratoire de rencontres, d'enrichissement, de mise à l'épreuve, de jeux... Il faut juste que les fondamentaux soient acquis, à la maison, que l'enfant ait une bonne image de lui même, que les limites soient acquises... D'après les statistiques, l'endroit le plus dangereux pour un enfant n'est pas la rue, mais bien la maison.

A quel âge peut-on lui permettre de sortir seul ?

Dès qu'il est autonome, qu'il parle, vers 3 ou 4 ans. Mais à une seule condition, qu'un adulte bienveillant ayant une autorité légitime s'en occupe, qu'il le surveille de loin : sa maman, une voisine, son grand frère...

Et la révision, est-ce qu'elle aide pour éviter l'ennui ?

On est en vacances, oublions les mots qui font mal : c'est le moment du jeu, des plaisirs en famille ou avec les amis. Et on ne révise pas pour lutter contre l'ennui : ce serait dégoûter l'enfant des apprentissages scolaires, et la meilleure façon de préparer des échecs scolaires ultérieurs.
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