Naissance de SAR Lalla Khadija

A la recherche du «fal» à souk Jmiâa

Commerce de produits et divers services pour sorcellerie.

20 Janvier 2010 À 10:47

Souk Jmiâa, le nom vous est certainement habituel. Érigé au cœur de Derb Soltane, ce marché pas comme les autres est connu dans tout le Maroc. Certains le reconnaissent pour les vendeurs de menthe, d'olives et d'autres marchandises de bonne qualité qui s'installent à côté. D'autres s'en rappellent pour les «vertus» et conseils magiques de ses «âachaba» (apothicaires). C'est en quelque sorte le Poudlard de Casablanca. Tous les chercheurs de potions magiques et de sortilèges viennent s'y servir. « Nous accueillons des personnes qui souhaitent annuler un mauvais sort, trouver un emploi, avoir des enfants, trouver l'âme sœur ou tout simplement réussir dans la vie», explique une vendeuse de «âchoub» (herbes) et gri-gri d'un ton sérieux et apaisant. Pour cette vielle femme, rien n'est impossible à souk Jmiâa. «L'essentiel est d'avoir la foi», ajoute-t-elle sur un ton sérieux. Les «arragates » (vendeuses de gri-gri) du souk se vantent d'avoir tout ce qu'il faut pour répondre aux attentes et rêves de leurs clients. Elles vendent des potions pour attirer l'amour, la sympathie et même l'allégeance des autres. Elles se disent aussi capables de chasser la plupart des mauvais sorts et angoisses qui hantent leurs adeptes. Devant leurs baraques ou étalages, les vendeurs de «âchoub » et talismans accrochent toutes sortes d'amulettes. On y trouve des animaux morts et vivants, des herbes, des huiles,… bref de quoi préparer de véritables mets ensorcelants.

«Le désespoir peut nous emmener vers les voies les plus compliquées. Cela fait des années que je cherche un travail en vain même si j'ai un bon diplôme. Je suis alors venue essayer les remèdes miraculeux des arragates», nous confie Nabila, licenciée en littérature. «Je suis sûre qu'on lui a jeté un mauvais sort. Elle est jeune, belle et cultivée et pourtant elle n'arrive pas à avoir un emploi ou même un mari », rétorque la maman de Nabila.

Pour rassurer cette femme, la vendeuse de talismans confirme ses doutes et lui prescrit une bonne dose de «tfoussikha», avec la fameuse «hajrate al fak» (pierre de délivrance) et surtout du brûlé de Boua ( lézard recommandé pour chasser la malédiction). Selon leurs besoins, les clients peuvent choisir entre d'innombrables recettes dites magiques dont «Aïn N'ssar» pour chasser le mauvais oeil, la «Darbanna» qui sépare les amoureux ou encore « Al Kouboul » capable de rendre son possesseur aimé par tous. Le prix de chaque ingrédient diffère bien sûr selon sa puissance et ses vertus. «Les tarifs varient de 10 à plus de 20.000 DH.
Les produits les plus rares sont bien évidemment les plus chers. Ces derniers ne sont jamais présentés au vu et au su du grand public», affirme un «âachab» de la place. Si certaines «arragates» affichent fièrement leur savoir-faire magique, d'autres prétendent juste épargner le mauvais œil à leurs clients. «Je ne fais pas de magie noire. Je vends juste du «tfoussikha» (sorte d'encens) et de quoi chasser les mauvais esprits et préserver des familles du mauvais œil», nous confie une vielle vendeuse au marché Jmiâa.

En plus des échoppes de talisman, souk Jmiâa compte aussi un service de voyance. Des «fkihs» et des femmes spécialisées dans la lecture de l'avenir dans les cartes, dans l'œuf ou dans l'os, rivalisent de techniques pour attirer le maximum de clients à la recherche du «fal» (avenir) perdu ou incertain. Ici, le service est offert à partir de 10 DH.

Tous les moyens sont bons pour nourrir les rêves de personnes ignorantes, désespérées ou tout simplement habituées à ces pratiques.
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Les autres «âachaba»

A souk Jmiâa on trouve également les «âachaba» qui vendent des produits médicinaux.
« Je vends des herbes pour les maux de tête, de ventre ou autres », précise un herboriste de la place. Ce dernier refuse de céder à la forte demande pour produits de sorcellerie. «Ce métier est héréditaire de père en fils chez notre famille.
Je ne peux pas me permettre de nuire à cette réputation.
Quand je suis devant un cas difficile je lui conseille automatiquement de consulter le médecin», ajoute-t-il. Loin des talismans, les herboristes de profession conseillent leurs clients souvent à ressources financières limitées et leur prescrivent le bon remède. Ces « médicaments » naturels sont souvent des tisanes «sans effets secondaires». Toutefois, la précaution est très recommandée pour ce genre de traitement.
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