Ahmed Reda Cham, Ministre de l'industrie, du commerce et des nouvelles technologies
AHMED REDA CHAMI, Ministre de l'industrie, du commerce et des nouvelles technologies
LE MATIN
22 Février 2011
À 17:42
LE MATIN : Quel regard portez-vous sur le partenariat Maroc-Chine?
AHMED RÉDA CHAMI : La Chine est un partenaire incontournable. Les Chinois se sont imposés, ces dernières années, comme la deuxième puissance économique mondiale. Grâce à une volonté très forte de développement, ils ont réussi à maintenir les prix à des niveaux bas. En adoptant une réelle stratégie industrielle basée sur certaines priorités telles le développement des zones industrielles et la mise en place d'aides fiscales et à l'exportation, ils ont pu avoir une industrie en perpétuelle croissance. Ce qui explique, aujourd'hui, le déficit de la balance commerciale affiché pratiquement par tous les pays du monde ayant des relations économiques avec la Chine. Idem pour le Maroc dont les exportations vers ce pays se limitent à près de 1 milliard de dirhams tandis que les importations se hissent à 25 milliards de dirhams. En dépit de ce déséquilibre important, je peux dire tant mieux pour nous que ce soit la Chine plutôt que d'autres pays. Car les produits, de qualité égale, sont importés à des prix intéressants. On peut citer à ce titre le thé que le Maroc achète massivement de la Chine au point de représenter le premier importateur de cette matière dans le monde. Il y a lieu de citer également l'achat de biens d'équipement et de biens de consommation.
Des dispositions sont-elles mises en place pour contrôler notamment ces biens de consommation importés de Chine?
On a déjà commencé à le faire. Un bien de consommation destiné au territoire marocain, mais qui ne répond pas aux normes, doit être arrêté. C'est ça l'analyse qu'on a sur les importations. Le département, qui planche d'ailleurs sur cet aspect, a permis le doublement des normes obligatoires. A ce niveau, on ne peut pas être taxé de protectionniste. C'est juste de la bonne approche, à mon avis, pour protéger le consommateur marocain et pour s'assurer que l'on ne peut parler de concurrence entre entreprise marocaine et chinoise que si les deux parties respectent les mêmes règles du jeu. Par ailleurs, je tiens à préciser que le pouvoir d'achat du consommateur chinois est en amélioration et que les autorités chinoises commencent à favoriser la consommation intérieure. Ce qui veut dire que les capacités de production de la Chine seront de plus en plus orientées vers le marché local qui est moins exigeant que le marché européen où les prix sont tirés vers le bas. Tout cela est en notre faveur. Pour ne prendre que l'exemple de l'industrie textile, quand j'étais en visite en Chine à de grands donneurs d'ordre, ils m'ont clairement affirmé que les capacités textiles dans le monde vont être insuffisantes dans l'avenir, ce qui veut dire que pour nous, encore une fois, il faut que l'industrie puisse suivre. Car, maintenant, on n'est plus dans un problème de demande, mais dans un problème d'offres.
Peut-on alors équilibrer les échanges avec la Chine?
On ne peut pas équilibrer les échanges avec la Chine. Par contre, il peut y avoir de l'investissement chinois au Maroc. Quand on regarde les échanges entre pays, on peut regarder soit la balance des paiements soit la balance commerciale. La balance commerciale, à ce jour, est déficitaire, alors que la balance des paiements pourrait être un peu plus en notre faveur s'il y a de l'investissement chinois au Maroc. C'est ce volet qui a été discuté avec les responsables chinois lors de leur dernière visite au Maroc. On peut dire qu'aujourd'hui on sent la volonté des Chinois d'investir dans les différentes villes du Maroc. Les Chinois ne disent jamais oui tout de suite. Reste à souligner par ailleurs que les Chinois sont très intéressés par l'Afrique où le Maroc a une longueur d'avance sur d'autres pays. On peut imaginer des projets en commun sur ce continent. Déjà, ils ont exprimé le besoin de nouer un partenariat avec l'OCP dans le domaine des engrais.
Peut-on dire alors que ce changement dans le comportement de consommation en Chine qui se tient derrière le besoin en main-d'œuvre dans le textile estimé à 20.000 personnes au Maroc ?
Effectivement. A ce niveau, il y a deux phénomènes. Il y a le phénomène chinois de manière générale. Les grands donneurs d'ordre qui étaient en Chine sont en train de revenir vers les pays d'origine. En plus de l'augmentation conséquente des salaires chinois depuis l'affaire Apple. En outre, des donneurs d'ordre qui étaient en Tunisie et en Egypte se sont tournés vers le Maroc pour passer leurs commandes. Aujourd'hui, la demande est là. Lors des journées régionales de l'industrie dans les zones industrielles, notamment à Fès et à Casablanca, on a constaté que le besoin en main-d'œuvre est énorme d'après les dires des opérateurs du secteur. L'industrie doit suivre en étant capable de respecter les délais et de gérer plusieurs contraintes pouvant l'empêcher d'honorer ses engagements vis-à-vis des donneurs d'ordre.
La question de 20.000 emplois, il faut la mettre dans le contexte maroco-marocain. Aujourd'hui, l'industrie se plaint de l'insuffisance des ressources humaines nécessaires. Il s'agit d'un problème en termes de formation et d'information. Vous ne pensez pas que ce manque de formation pèse sur une industrie en naissance, surtout qu'on est à l'étape 1 de notre croissance industrielle ?
On n'a jamais fait autant de progrès sur la formation qu'aujourd'hui. Il faut remettre les choses dans leur contexte. Jamais, auparavant, il n'y a eu de commandes qui passaient par l'industrie aux organes de formation. Quand on avait le pacte pour l'Emergence, on a créé des programmes de formation pour les différents secteurs comme le textile, l'offshoring, l'agro-industrie, l'aéronautique... Après cette étape, on a demandé à l'OFPPT et au ministère de l'Enseignement supérieur de nous donner leur capacité dans ces filières. On ne leur a pas dit voilà nos besoins, on leur a envoyé une matrice des différentes filières et des taux de déperdition. Ce n'est qu'après, qu'on a fixé nos besoins. Une fois, on a défini le gap, on s'est réuni autour d'une table. A partir de cette année, on a constaté que sur certaines filières il y a un manque de capacités contrairement à d'autres dont les capacités sont abondantes. Pour le textile, je reconnais qu'on s'est planté. On est en train de rattraper le retard avec une machine de formation qui est en marche. Pour l'automobile, on a pensé à un développement régional. On s'est dit qu'il vaudrait mieux augmenter les capacités à Tanger qu'ailleurs.
Vous dites que vous êtes en train de répondre aux besoins en formation des différentes filières, mais vous pouvez toujours vous trompez?
On peut se tromper sur deux choses. Quand on perd de vue certaines variables liées à l'environnement externe d'un secteur. C'est le cas du textile. Quand on a revisité la stratégie Emergence en 2008, on n'a pas prévu qu'il y ait une augmentation de la demande en Chine, c'est ainsi qu'on a prévu 32000 personnes (2015). C'est ce qui explique aujourd'hui ce grand besoin en main-d'œuvre qui nous a incités à procéder à une opération coup de poing. On peut se tromper encore quand ne peut pas estimer le potentiel d'un marché. Le cas de l'offshoring est édifiant. Si on prévoit un bon décollage du BPO et une évolution moins accélérée de l'ITO, or, il s'est avéré que le BPO va être plus timide dans le décollage que l'ITO, on va se retrouver avec des ressources en moins dans l'ITO et on commence à avoir une pression des salaires. Pour faire face à cette situation, dans le mécanisme, nous avons construit de la flexibilité, on va avoir avec l'Anapec des opérations coup de poing pour redescendre à des niveaux de salaires acceptables.
Y a-t-il une véritable stratégie permettant de dépasser certaines résistances au changement ?
Le Maroc n'est pas la Suisse, on le sait, il procède certainement à un grand changement pour que la dynamique économique soit bien huilée. Mais ce qu'on a constaté sur la période 2002-2010, c'est que le Maroc a réalisé un taux de croissance de 5% contre 3% auparavant. On a donc fait état d'une avancée à ce niveau. N'empêche que ces 5% ne sont pas suffisants, on doit passer à 7%. On doit penser à comment atteindre cet objectif. Avant tout je veux d'abord expliquer comment on est passé à 5%. Le Maroc a une réelle volonté de développer son économie à travers le développement de plusieurs secteurs. Avant, le tourisme en constituait le principale locomotive, venait ensuite l'immobilier, l'agriculture, l'industrie, l'artisanat...On n'avait pas de stratégies sectorielles ou de programmes à long terme. Actuellement, les stratégies ont commencé à donner leurs fruits. Le tourisme a permis de drainer 9,3 millions de touristes en 2010, c'est plus de 90% des objectifs de la stratégie touristique. Par rapport à l'industrie avec Émergence, les résultats commencent à s'améliorer. Ainsi, je peux avancer, sans être trop optimiste, que le Maroc peut développer une relation économique avec l'Europe similaire à celle entre le Mexique et les USA. Il faut que tous les opérateurs économiques et les industriels soient convaincus de cela. Aujourd'hui, le plus grand employeur au Maroc est un Chinois, car il croit en les perspectives de développement du Maroc. Sumitomo a cinq usines et emploie 14.000 employés, il va passer à 20.000 en ouvrant deux autres usines. Tout cela veut dire que l'industrie marocaine est rentable. Les industriels marocains doivent en être convaincus.
Mais où réside le problème?
Actuellement, le Maroc dispose d'une vision dans plusieurs secteurs dont notamment l'industrie, l'agriculture, le tourisme, la logistique…Ce qu'il faut, c'est une coordination entre ces différentes stratégies pour notamment réduire certains coûts et pour une meilleure synergie. Ensuite, le climat des affaires n'est pas encore au niveau souhaité. Il n'est pas normal qu'un investisseur doit attendre un an et demi pour investir. Il aurait pu créer une valeur ajoutée il y a un an ou six mois. La lenteur du rythme des études de projets et la lourdeur des procédures administratives retardent toujours l'investissement. Sans oublier qu'il faut qu'il y ait une réelle volonté et une conviction de tous les acteurs économiques et politiques que le Maroc peut être une plateforme d'investissement et d'exportation.
Pourquoi les stratégies n'avancent pas comme souhaité?
Je vais vous donner un exemple concret. La plateforme industrielle de Casablanca est un bon exemple de pourquoi on n'a pas avancé. Quand on a signé le pacte, on a décidé de faire 22 plateformes industrielles intégrées, car la première chose à faire dans une industrie se sont les zones industrielles où les gens peuvent investir en profitant d'un guichet unique. Pour Casablanca, on a sécurisé le terrain, on avait une plateforme qui s'appelait Maghchiche. Le ministère de l'Intérieur avait signé le pacte comme tous les autres. Après la signature du pacte, Maghchiche était déclarée zone verte. Ainsi, il fallait repartir de zéro pour trouver une autre zone industrielle à Casablanca. Nous sommes dans une situation de climat des affaires. Ce n'est pas parce que les uns avaient mauvaises intentions, mais parce que chacun a une logique qui lui est propre. La synergie a fait défaut dans ce cas. Cela retarde les choses. Après, on a retrouvé la zone industrielle d'Ouled Salah, qui intére^))))sse également les ministères de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Industrie. Encore une fois, chacun était dans sa logique sectorielle. Nous avons clairement dit qu'il n'était pas question qu'on partage une superficie de 200 ha, ça était bien compris. On a tranché enfin. Les deux tiers pour le ministère de l'Industrie et le tiers pour celui de l'Equipement pour la logistique qui va servir l'industrie, voilà un cas concret : le climat des affaires et la synergie vont de pair. On aurait pu aller plus vite.
Pour une meilleure synergie et une plus forte coordination, il faut avoir une meilleure visibilité en amont de tous les plans...
On a mis en place la Commission nationale de l'environnement des affaires qui, selon le pacte, il a été décidé qu'elle soit présidée par le Premier ministre et que le secrétariat soit assuré par le ministre délégué auprès du Premier ministre, Nizar Baraka. Même si c'est lent, il y a des choses qui avancent. Si on intègre le climat des affaires comme chantier on pourrait avancer plus rapidement sur ce volet.
Il y a des ministères qui bloquent l'initiative de création d'entreprise. On est toujours au niveau du problème de synergie ?
Si on met une commission présidée par le Premier ministre et qu'après c'est bloqué par les ministères, alors là on ne peut rien faire. Mais il y a tout de même un travail qui a été fait à travers cette commission. On a fait passer une trentaine de textes notamment ceux liés à la SARL et aux délais de paiement.
Etes-vous satisfait du trend des réformes?
Je ne suis jamais satisfait, je pense que l'on peut toujours aller plus vite. Je tiens à préciser que c'est à partir de 2005 que toute l'importance a été donnée à l'industrie. Nos atouts sont le positionnement géographique et le coût de production. Toute l'importance est de pouvoir atteindre le niveau de compétitivité nécessaire. Pour maintenir le coût de production inchangé, il est question de maîtriser les salaires, le coût de l'énergie et le coût de la logistique qui peut atteindre 12 à 13% du chiffre d'affaires, c'est trop. Pour dire qu'une stratégie de la logistique est de mise pour aider l'industrie à réduire ses coûts. A ce titre, pour éviter le monopole de certaines compagnies maritimes sur certaines lignes comme celle de Tanger-Gibraltar, qui demeure la plus chère au monde, le champ sera ouvert à de nouveaux intervenants dans le secteur du transport de marchandises. Pour les salaires, il faut qu'ils augmentent mais de manière contrôlée. Car, d'une part, il faut améliorer le pouvoir d'achat des citoyens, mais en même temps veiller à ce que le coût de la vie n'augmente pas. C'est dans ce contexte qu'on parle de synergies entre différents secteurs.
Comment voyez-vous le fait que le Maroc concentre sa stratégie sur le Nord ?
On ne peut que se réjouir de voir une région qui était laissée pour compte prendre de l'élan. Ce qui est en train d'arriver aujourd'hui dans la région est extraordinaire, surtout avec Tanger Med. Seulement, il ne faut pas qu'on oublie d'autres régions du Maroc. Par exemple, le bi-pôle Fès-Meknès a besoin de soutien et d'un coup de pouce sérieux. On attend le projet de régionalisation qui j'espère permettra de le relancer. On a une P2I de Fès qui a été décidée. On a aujourd'hui le terrain et on a l'aménageur. Je veux pousser à un statut de zone franche dans cette P2I. Ceci du moment que l'on s'est rendu compte qu'il fallait d'abord un coup de pouce, comme cela a été fait pour Oujda, le Nord et le Sud. Surtout que ce bi-pôle compte des potentialités notamment dans l'agroalimentaire et le textile et donc il faut relancer la machine.
Dans le cadre des métiers mondiaux, quels sont les secteurs qui se développent et ceux qui sont en retrait ?
Les métiers mondiaux du Maroc tels que prévus dans le cadre du Pacte national (2009-2015) pour l'émergence industrielle affichent des réalisations contrastées. La meilleure prouesse est à l'actif de l'automobile qui ne cesse de prendre de l'élan. Ce secteur se développe très bien et beaucoup mieux par rapport à ce qui était prévu. A ce stade, il mérite la note ++, tandis que des secteurs comme l'offshoring, le textile et l'aéronautique ont la note +. Par contre, le secteur de l'électronique a la note -. Pour cause, la stratégie adoptée pour booster cette industrie était axée sur la PME (l'électronique de spécialité). Une réflexion qui s'est avérée inadaptée. Ce n'est pas vrai de dire que ce sont les petites entreprises qui peuvent développer un secteur. Ce sont les grandes structures qui peuvent lui servir de locomotive pour le tirer vers le haut. Pour l'électronique, je commence à avoir de l'espoir car, l'année prochaine, on compte sur le projet du groupe français Alstom pour booster cette industrie. Ainsi, en matière de notation, on peut passer de moins à neutre. En outre, je demande à l'association professionnelle de fournir plus d'efforts pour permettre à ce secteur de s'ouvrir sur de nouveaux horizons. Pour l'agro-industrie, la tendance est neutre.
Pourquoi l'agro-industrie affiche-t-elle une tendance neutre ?
C'est le plus grand potentiel de développement de l'agro-industrie et qui est lié à l'agriculture. Quand on avait fait Sodea 1, Sodea 2 et Sodea 3, on voulait donner la priorité aux projets intégrés. Si ces projets se mettent demain sur le marché cela représenterait le plus grand potentiel. Car, dans l'agro-industrie, il y a trois sous-secteurs. Le premier est celui lié au domaine agricole où on donne des terres aux gens qui font, par exemple, des oranges, du jus de tomates, de l'huile d'olive ou des légumineuses qu'ils mettent en boîte…Il y a le sous-secteur des produits de base qui comporte la production de la farine, la viande, le lait…Le troisième est celui qu'on appelle la deuxième transformation et qui renferme la confiserie, la chocolaterie, les pattes… En ce qui concerne ce troisième sous-secteur, on constate qu'il est destiné au marché local et fait un peu d'exportation. On s'est demandé s'il y a une possibilité de faire de la transformation à exporter notamment en direction du marché africain où l'on exporte. Quand on regarde ce secteur et le nombre d'acteurs, on relève qu'il y a de la croissance surtout après les efforts qu'on a faits en matière de sous-facturation. Là, j'aimerais bien ouvrir une parenthèse au sujet de la sous-facturation et l'informel. Dans ce cadre, nous avons contrôlé les importations des biscuiteries, des chocolateries…des différents pays. Nous avons fait cela pendant six mois. Ainsi, l'année dernière, nous avons eu une baisse de 80 % des importations. Dans ce contexte, des usines ont commencé à travailler en 3 fois 8, d'autres ont augmenté leur capacité…Mais cela reste faible par rapport à l'ensemble. En ce qui concerne le deuxième sous-secteur des produits de base, c'est aussi un secteur qui est local et dépend de la croissance du marché local. Alors que, par exemple, pour un secteur comme l'automobile, on est sur un marché mondial avec une croissance mondiale. Le troisième sous-secteur, lui, peut booster l'activité. A ce niveau, on doit faire une évaluation, voir les engagements pris par les opérateurs... Voilà pourquoi le secteur de l'agro-industrie est mou. Parce qu'on suit le marché local, on n'a pas eu encore le boost et le turbo qu'on attend.
Et la parenthèse de l'informel ?
Franchement, s'il n'y a pas une véritable rupture avec ce qui se passait auparavant, il pourrait y avoir une accélération sur différents métiers, d'une manière extraordinaire. Il s'agit principalement des métiers de l'agro-industrie et du textile. En ce qui concerne le textile, il faut savoir qu'il y a 30 milliards d'exportations et 40 milliards selon les estimations du marché local. Le marché local fait donc plus que l'export. Donc, les industriels peuvent travailler pour ce marché local. Malheureusement, ils ne le font pas assez parce qu'il y a de la contrebande. Contrebande qui vient à travers les frontières ou à travers la sous-facturation et la non-déclaration...J'en ai parlé avec le directeur de la douane, M. Chorfi, et il est du même avis que moi. On est aligné sur la même position. Il faut donc qu'il y ait des mesures appropriées. Les importateurs qui trichent doivent payer le prix fort puisqu'on est dans un Etat de droit. Or, il ne faut pas que les gens pensent qu'il s'agit d'une campagne d'assainissement comme cela avait eu lieu auparavant. Nous ne sommes pas du tout dans cette optique.
Avez-vous déjà commencé dans ce sens ?
Cela nous a déjà permis d'arriver à 80 % de réduction des importations l'année dernière dans le secteur de l'agroalimentaire. Nous en avons aussi des résultats dans le textile. Dans les six mois où on a agit ainsi nous avons relevé une baisse des importations de l'ordre de 69 %. Malheureusement, des importateurs ont trouvé d'autres astuces.
Quel est le bilan de Maroc Numeric et de l'e-gouvernement dont on entend parler depuis longtemps?
Le développement que le Maroc a enregistré durant les deux dernières années dans le secteur des nouvelles technologies par rapport à cinq ans auparavant montre qu'il n'y a pas de comparaison à faire. Ce ne sont pas des paroles lancées ainsi, ceci peut être confirmé par des chiffres. Les chiffres montrent qu'il y a une importante évolution dans l'utilisation des nouvelles technologies par les PME. De même, les services rendus par les administrations comptent de plus en plus, ainsi que le montrent les chiffres, sur les nouvelles technologies...Aussi, dans le secteur des NTIC, chaque jeune qui a une idée innovante pourrait bénéficier d'un fonds pour la réaliser, un fonds qui est dédié à cet objectif. Il y a aussi l'idée des technoparcs...Est-ce que cela est suffisant ? Non. Il y a encore du chemin à parcourir. Qu'est-ce qu'il faut donc faire? Soulignons d'abord, qu'auparavant, il n'y avait pas cette vision de Maroc Numéric 2013. C'est en 2009 que nous avons mis sur pied cette vision. En ce qui concerne l'e-gouvernement, cette idée existait depuis longtemps mais elle n'était pas bien gérée et manquait d'adhésion de l'ensemble des ministères. En plus, il n'y avait pas un budget consacré directement à cette question. Dans le cadre de Maroc Numeric nous avons eu des réunions avec les différents ministères. Nous leur avons proposé une nouvelle façon de gérer cette opération. Il s'agit d'abord de la mise sur pied d'un comité de pilotage. Nous avons déterminé ensemble les services pour lesquels nous nous engageons à les mettre sur pied en 2013. Nous nous sommes aussi mis d'accord sur un budget annuel à consacrer pour cette opération. Aujourd'hui, nous avançons pour la mise en place de certains services qui sont au nombre de 89 e-services. En dehors de ces services qui sont essentiels, est-ce qu'il n'y a pas d'autres services qu'on peut offrir aux citoyens? Des services qui exigent un investissement technologique plus facile à mettre en place, genre de ce qui est appelé simple service ? Par exemple la numérisation du carnet de famille est un projet immense et complexe. Mais, malgré cela, nous ambitionnons de terminer la numérisation au plus tard, au milieu de l'année 2012. Or, nous pouvons faire quelque chose d'autre plus rapidement, c'est la demande, via internet, des extraits de naissance. A ce niveau, on n'est pas dans la numérisation complète, mais plutôt dans l'utilisation d'Internet pour demander un service. Un citoyen peut demander ainsi son extrait de naissance et il le recevra par la poste. Est-ce que pour le citoyen cela a moins d'intérêt ?
Mais comment est-ce que cela va fonctionner?
Nous avons trouvé la solution, l'extrait de naissance arrivera par poste. Cela veut dire qu'on travaille et qu'on prépare des e-services.
Pour la place financière de Casablanca, est-ce que pour les services financiers délocalisés certaines entreprises étrangères ont déjà manifesté leurs intérêts pour cette place?
La réponse est oui, même si ce n'est pas moi qui s'occupe de ce dossier. M. Jouahri, qui s'en occupe, est très actif à ce sujet. Ce que je sais, c'est que des banques sont prêtes à venir sur la place de Casablanca.
Il y a beaucoup d'obstacles qui empêchent la mise en place du Maghreb, alors que sans cette Union il n'y a pas de salut pour la région...
Parmi les points de croissance qu'on peut chercher, c'est un point facile à gagner à travers cette union. Je pense aussi que l'Union du Maghreb est une nécessité historique, économique...je dirais aussi civilisationnelle. Il y a une complémentarité et un marché plus grand, il y a des investisseurs qui seront plus intéressés en voyant ce marché unifié... Cependant, je ne suis pas optimiste quand un organe officiel dit quelque chose en Algérie. Par contre, je suis plus optimiste quand je vois des activités qui sont organisées par les hommes d'affaires algériens et qui appellent à créer un corridor des marchandises en attendant...
Les différents bilans réalisés montrent qu'il y a un problème de foncier pour mettre sur pied les différentes stratégies. Comment faire pour le résoudre?
En ce qui concerne le foncier, mon affirmation, c'est qu'à partir de l'année prochaine il n'y aura plus de problèmes ou peu de problèmes de foncier dans les différentes régions du Maroc sur lesquelles on s'est engagé. Notamment dans le secteur de l'industrie. On peut même dévoiler le nombre d'hectares qu'on sort par année sur le marché. En ce qui concerne le secteur de l'industrie ça se passe très bien. Donc, la réponse est claire, en ce qui concerne l'ensemble du foncier. Par ailleurs, je crois qu'il y a un travail à faire. On avait, à un moment, parlé de l'agence foncière. C'était un projet qui avait été proposé par Mohamed El Yazghi, mais qui n'avait jamais vu le jour. Je pense qu'il y a un premier travail qui est en train d'être fait par M. Faraj pour recenser et informatiser tous les domaines. Ce sera un bon départ qui permettra une vue plus centralisée et de mieux affecter et gérer le foncier.
La chimie et la para-chimie sont des secteurs qui ne sont pas pris en compte dans votre stratégie ?
On a réfléchi sur les métiers demandés au Maroc et on a vu si on pouvait intégrer la chimie et la para-chimie et les produits pharmaceutiques. Sur la chimie et la para-chimie nous sommes en retard. On a eu des retards pour des raisons organisationnelles. On a nommé de nouveaux directeurs...Nous travaillons sur une série de mesures qu'on va mener cette année, même si la loi de finances est passée. Car on a raté le coche à ce niveau. Nous allons donc travailler sur ces mesures pour arriver, fin 2011, à réintégrer la chimie et la para-chimie dans les métiers mondiaux avec la prochaine loi de finances.
Est-ce qu'il y a un point de divergence avec l'OCP sur ce point?
Non, pas du tout.
Et qu'en est-il du secteur pharmaceutique?
En ce qui concerne la pharmacie, cela dépend vraiment de la profession. On est en train de voir. Nous sommes prêts à faire quelque chose pour l'industrie pharmaceutique si on arrive à avoir des acteurs de plus grands en taille. C'est-à-dire il faut que cette industrie se regroupe. Car l'une des choses-clés, c'est la taille.
Quelle est la lecture politique que vous faites de ce qui arrive actuellement dans les pays arabes?
Ce que je réponds aux investisseurs qui me posent la même question, la première des choses, nous en tant qu'hommes politiques et citoyens, voir les changements qui se font de la sorte, par une envie de liberté, de droit constitutionnel...ne peut que me réjouir. Je pense que tout démocrate se réjouit de voir ce qui est en train d'arriver aujourd'hui. Les gens posent la question de savoir si c'est la même chose au Maroc ? Je réponds qu'on a des différences entre les pays. Quand on compare ce qu'il y a au Maroc et ce qu'il y a dans les autres pays on trouve la monarchie qui est là depuis douze siècles. Nous sommes le deuxième plus vieux Royaume au monde, après le Danemark. Nous avons une légitimité de la monarchie qui est là. Ensuite, ce qui se passe aujourd'hui, c'est plus pour les droits de l'Homme, le droit d'expression...C'est ce qui se passe en Égypte et en Tunisie...Nous aussi, nous avons vécu cela, pendant les années de plomb. C'est à ce propos que je dis qu'il y a plein de gens de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) qui ont été en prison, d'autres qui ont été torturés, d'autres qui sont morts...C'est grâce à cela que les gens peuvent aujourd'hui manifester, qu'il y a 33 partis politiques, des syndicats... C'est donc là la différence fondamentale entre nous et d'autres pays arabes. Mais cela ne veut pas dire, encore une fois, que tout est beau chez nous. Ceci nous pousse à accélérer la consolidation démocratique, à faire plus de réformes...Donc, tout cela, est quelque chose d'important.
Ce qui arrive en Tunisie et en Égypte, cela impactera le climat des affaires?
Oui. Au départ, lors d'une première lecture, on s'est dit tiens, il y a des problèmes en Tunisie, donc ça aura un effet positif pour nous. Or, cela pourrait être positif pour nous quand il s'agit seulement de commandes et non pas d'investissements.