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«Faune brute et figures populaires»

Comme les contes des grands-mères, comme les récits de l'histoire… les toiles magistrales de Radia Bent Lhoucine racontent un Maroc authentique, des paysages magnifiques et des mémoires riches de souvenirs.

17 Février 2011 À 14:15

Les souvenirs sont ceux d'une dame qui a marqué la peinture marocaine par sa touche originale et par son talent naïf. Pour les amateurs de cet art, la Galerie 38 a fait l'effort de réunir une quarantaine d'œuvres inconnues du public et de les dévoiler dans une exposition saisissante et exceptionnelle intitulée «Faune brute et figures populaires» qui se poursuivra jusqu'au 10 mars. « Ces toiles nous viennent de nombreuses collections, dont une extraordinaire qui a été jalousement gardée à l'abri des regards pendant 35 ans par Miloud Labied, un fils conscient de la valeur unique de l'œuvre de sa mère. » explique Mohamed Chaoui El Faiz de la Galerie 38. Le public pourra ainsi découvrir en exclusivité l'un des grands noms de la peinture marocaine, un nom qui a donné une contribution poétique au patrimoine culturel du pays.

Réalisées entre 1961 et la fin des années 70, ces pièces d'art nous invitent dans ''l'intimité de l'artiste défunte'' et nous balancent entre son vécu et son imaginaire.... On découvre alors son univers onirique peuplé de personnages réels et fictifs, d'animaux imaginaires qui évoluent tous dans un monde plein de couleurs. Qu'elle les ait rencontrés dans sa vraie vie ou dans ses rêves, Radia Bent Lhoucine donne vie à ses héros sur des toiles multicolores qui reflètent une sensibilité illimitée. Son pinceau franc et innocent fait vibrer le spectateur au moindre mouvement. Comme des vers enlacés, des rimes superposés, les peintures de Radia portent en elles une douceur infinie. L'œuvre de Radia relate la poésie sauvage d'une nature à l'état brut et fait office d'un trait d'union entre art rupestre et conte populaire. Comme une tisseuse de rêves, elle peint ce qu'elle voit et ce qu'elle ressent au gré de ses émotions.

Des troupes folkloriques aux champs vierges en passant par des portraits de femmes, d'hommes et d'enfants ainsi que des oiseaux, des animaux…. on y retrouve une partie de Radia Bent Lhoucine, la femme, la mère, l'artiste. Considérée comme l'une des figures les plus attachantes et énigmatiques de la peinture marocaine des années 60 et 70, notre artiste a été découverte en 1961 par Jacqueline Brodskis qui en fera l'une des artistes de référence présente dans les collections étrangères, cette femme au destin exceptionnel, venue à la peinture « par hasard », créera pendant 20 ans. Elle s'inscrit dans la mouvance populaire et spontanée de la peinture marocaine, ouvrant la voie à d'autres artistes femmes qui, elles aussi, ont transfiguré l'inconscient collectif marocain. Presque 100 ans après sa naissance, critiques d'art et autres amateurs resituent Radia Bent Lhoucine... Et « Faune brute et figures populaires » est une nouvelle occasion pour admirer son art et apprécier son talent.

Radia en quelques lignes...

Née en 1912 dans la région de Marrakech, Radia Bent Lhoucine commence à peindre en 1961, à l'époque où de rares femmes marocaines découvraient la couleur et la toile. C'est en voyant travailler son fils, le peintre Miloud Labied, qu'un irrésistible besoin lui vient de prendre crayon et pinceau, à près de cinquante ans. Encouragée par son fils, Radia expose ses oeuvres dans l'atelier de Jacqueline Brodskis à Rabat, en 1962. Elle est d'emblée adoptée et saluée par la critique et les amateurs d'art brut et d'art naïf la remarquent lors de l'exposition ‘'Deux mille ans d'art au Maroc ‘' à la galerie Charpentier à Paris en 1963. Elle expose à la Fondation Jean Dubuffet à Lausanne la même année, puis à la galerie Bab Rouah à Rabat en 1966. Radia Bent Lhoucine a participé à de nombreuses expositions au Maroc et à l'étranger, et ses oeuvres figurent dans différentes collections institutionnelles (Société Générale…) et internationales, notamment en Suisse.
Elle a cessé de peindre dans les années 70 et décède en 1994 à Salé après avoir ouvert la voie de la peinture à toute une lignée de femmes.
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