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Les Marocains boudent la BD

Où en est le marché de la BD au Maroc? C'est autour de cette question que plusieurs spécialistes du domaine se sont réunis, dernièrement, à la Fnac de Casablanca pour confronter leurs points de vue.

Quelques BD arrivent à séduire le public, comme «On affame bien les rats !» de Abdelaziz Mouride.

28 Décembre 2011 À 15:54

«À ce jour, on compte environ une vingtaine de BD au Maroc», déplore Bichr Bennani de la maison d'éditions Tarik. Une réalité qu'un colloque, organisé récemment à la Fnac de Casablanca, vient étayer. En effet, on y affirme haut et fort que le marché de la BD est en pleine crise. Ce n'est pas nouveau, diront en chœur les professionnels de ce secteur, car on voit bien que la production est quasi inexistante et que le marché est complètement figé. «La bande dessinée est très en retard au Maroc. Nous n'avons pas les moyens pour encourager la productions de BD», affirme Bichr Bennani.

Un état des lieux fort préoccupant qui fait que les bédéistes marocains se comptent sur les doigts de la main : «Si vous me demandez de vous citer 10 noms de Marocains qui produisent de la BD, je ne saurais vous répondre. Car il y en a à peine 4 ou 5 au maximum !» s'indigne le responsable de la maison d'éditions Tarik. Aussi, concernant la question des moyens mis à la disposition de ces «artistes», Abdelaziz Mouride, écrivain et bédéiste, n'y va pas par quatre chemins. Pour lui, le fait que le ministère de la Culture ne fasse pas d'effort dans ce sens est une preuve flagrante du manque d'intérêt pour tout ce qui est culturel. «La culture au Maroc, c'est le parent pauvre ! On en parle peu ou pas, alors que c'est bien une industrie à part entière», nous dit-il.

Il est donc évident que la BD est bel et bien en crise. Les productions sont très minces, limite inexistantes, avec une absence de marché. Et pour cause, au Maroc, une BD qui arrive à vendre 5 000 exemplaires est considérée comme un bestseller! Ce qui est une aberration. En fait, les ventes d'une BD se situent, en moyenne, entre 300 et 500 exemplaires dans notre pays. «Alors que nos confrères algériens vont jusqu'à éditer 10 BD par an, nous n'en éditons qu'une seule par an, dans le meilleur des cas», souligne Abdelaziz Mouride. C'est donc contre vents et marées que des bédéistes luttent en continuant de créer. «Je travaille en ce moment sur "le Pain nu” de Mohamed Choukri que je suis en train d'adapter en bande dessinée, malgré la triste réalité de la BD dans notre pays», conclut Abdelaziz Mouride. C'est donc au sein de ce «joyeux» désordre que la BD marocaine essaye, tant bien que mal, de faire son chemin, en attendant des jours meilleurs…

Des bédéistes marocains allant de l'avant

C'est le cas du jeune bédeiste marocain Brahim Raïs qui a été l'un des invités d'honneur au quatrième Festival international de la bande dessinée d'Alger (Fibda 2011). En 2010, il a décroché le prix du meilleur projet au FIBDA. L'album «les Passants», qui vient de paraître aux éditions Dalimen à Alger, est l'aboutissement de ce projet. Sur 74 pages, le bédéiste évoque le rêve-réalité d'une attaque militaire sur une ville. Les soldats aux yeux verts sont comme obnubilés par la violence. Armés jusqu'aux dents, accompagnés de chiens, ils s'attaquent à la ville. Les habitants paraissent comme des fantômes écrasés par la cruauté. Cela peut être le Kosovo, l'Irak ou la Somalie. Il n'y a pas de lieu. L'auteur fait une confiance totale à son lecteur. Aussi, lui évite-t-il les mots, les bulles, les paroles. Et c'est là justement que réside la touche particulière de Brahim Raïs.
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