Spécial Marche verte

Je suis harcelé à l'école!

Il peut être précoce ou en difficulté, sage ou rebelle, handicapé, étranger, premier de la classe, obèse, myope… la victime est toujours un enfant différent.

14 Avril 2011 À 15:46

Dans le langage courant, on désigne un enfant isolé et rejeté par ses camarades, par l'appellation : bouc émissaire, par allusion à la coutume biblique qui consistait à charger un bouc de tous les péchés d'Israël et à le chasser dans le désert. A l'école, on trouve malheureusement beaucoup d'élèves considérés comme des boucs émissaires par leurs camarades. Ces enfants ne sont pas choisis par hasard. Leur différence, c'est leur vulnérabilité.En effet, un élève est victime de violence ou de victimisation lorsqu'il est exposé de manière répétée et à long terme, à des actions négatives de la part de l'un ou plusieurs autres élèves.

Ces actions peuvent s'exprimer sous plusieurs formes, elles peuvent être verbales, physiques, lorsqu'il s'agit de coups, de contact physique avec intention de nuire ou des grimaces et des gestes obscènes, ou morales.
Les études ont montré que les garçons avaient tendance à être plus exposés aux violences directes et qu'ils étaient principalement harcelés par des garçons et étaient en plus, à l'origine d'une grande partie des violences exercées contre les filles, alors que celles-ci, souffraient plus aux violences indirectes et y faisaient plus souvent recours. C'est entre six et huit ans que les oppressions sont les plus fréquentes et peuvent causer des ravages importants: honte, tristesse, dévalorisation de soi. «Je me souviens d'une élève qui était «le mouton noir» de sa classe. Elle obtenait de bonnes notes mais étant nouvelle elle n'avait pas réussi à s'intégrer dans une classe déjà très soudé», dit Rachida, institutrice dans une école primaire.

L'adolescent, lui, ne va pas s'effondre comme un adulte déprimé le ferait. Il va dire qu'il va mal en développant un comportement agressif avec l'autre et particulièrement les parents. C'est ce que les spécialistes appellent «la dépression hostile». Il peut aussi exprimer son mal contre lui même et particulièrement contre son propre corps pour certains, (anorexie, boulimie…). Les phénomènes de violence sont plus marqués selon la taille des établissements, la qualité de l'encadrement et le taux d'échec scolaire. Si à ces facteurs s'ajoutent des causes personnelles, comme un cadre de vie dégradée, des difficultés familiales, des problèmes de racisme, de chômage ou de pauvreté, alors le mélange peut devenir tout à fait explosif. «Je n'étais pas gâtée par la nature, l'adolescence s'est très mal passée pour moi. Au lycée, les garçons n'ont jamais fait attention à moi, pire ils n'arrêtaient pas de m'insulter à cause de mon acné», raconte tristement Soumiya. On peut distinguer deux types de victimes, passive et provocante. Le comportement des victimes passives signale aux autres qu'ils sont des individus angoissés et insignifiants qui ne riposteront pas en cas d'attaque ou d'insulte. «J'étais quelqu'un de timide et très renfermé. Ce qui ne m'aidait pas du tout à intégrer le groupe de ma classe», déclare Abdessamad.

La seconde catégorie de victime est caractérisée par un mélange de mode de réactions angoissé et agressif à la fois. Ces élèves ont souvent des problèmes de concentration et certains peuvent être qualifiés d'hyperactifs. «Je suis myope depuis la petite enfance, et comme si ce n'était pas suffisant, je zozote. Les enfants de ma classe me surnommaient «Donald». Mais, je ne me suis jamais laissée faire. J'étais première de la classe et je me défendais tant bien que mal contre les autres», confit fièrement Kawtar. Le bouc émissaire est en général un enfant dont la violence et le langage agressif ou brutal le dégoûtent, il ne sait pas comment réagir à l'agressivité des autres, plutôt faible physiquement, introverti, a tendances à se comporter de manière docile ou serviable, bref des enfants qui n'ont pas les bonnes réactions pour ce faire aimer, des marginaux. Cette attitude est due, soit à leur personnalité, soit à leur vécu familial. «Je me suis toujours senti mal aimé. A l'école, mes camarades ne cessaient de se moquer de moi. C'est vrai que je n'étais pas à la hauteur physiquement, alors les moqueries je les prenais très à cœur», se souvient Abdessamad. Par contre, n'est pas bouc émissaire, un enfant pris au hasard par le groupe. Il doit présenter un certain nombre de qualités et de fragilités qui va faire de lui une cible privilégiée. Le plus poignant c'est qu'il finit par croire que les autres ont le droit de les tracasser.

L'enfant bouc émissaire va, alors, se replier sur lui même sans en parler à ses parents. Et s'il le fait, il s'oppose souvent à leur intervention auprès des enseignants, il est psychologiquement en danger. Il faut aider l'enfant à sortir de ce mécanisme de victime pour se défendre à sa manière, car il aura tendance à s'enfoncer. Les adultes sont responsables du fait qu'ils le laissent durer parce qu'ils n'en prennent pas conscience ou qu'ils le banalisent. S'il est isolé et victime (je n'ai pas d'amis, on m'a piqué ma trousse, etc.), chacun imagine qu'il s'agit d'un évènement passager et ne donne pas toute son importance à la plainte.
Alors que seul l'adulte par son regard et ses mots peut mettre les limites et faire murir le cerveau émotionnel des enfants dont il a la charge.
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Explication : FATIMA EL KETTANI • psychologue, specialiste des problemes familiaux.

«Les parents doivent être vigilants»

Sur quelle base un groupe choisit-il sa victime ?

Il existe, à peu près, un enfant bouc émissaire par classe. Ces enfants sont, en général, des petits qui ont subi une éducation basée sur la sur-protection. Des enfants uniques, faibles physiquement, chétifs, malades…
Ce sont des enfants qui ne savent pas se défendre, peureux et timides.

Comment savoir que son enfant est bouc émissaire ? Comment réagir ?

En général, l'enfant a tellement peur d'aller à l'école, que chaque jour il essaye de trouver des excuses pour rester à la maison. Alors quand leur enfant multiplie les refus et les pseudo-maladies, les parents doivent se poser des questions et tenter de connaitre les raisons de son comportement, en questionnant l'enfant et se renseignant auprès de la direction et des enseignants.

Faut-il intervenir ou laisser son enfant se défendre soi-même ?

Les parents doivent absolument intervenir. Il faut se plaindre auprès de l'école et réclamer leur intervention, que ce soit au niveau de la direction ou des enseignants, afin d'éviter l'aggravation de l'état psychique de leur enfant.

Est-ce que l'école a un rôle à jouer ?

L'école doit, normalement, embaucher un pédagogue et ou un psychologue, qui pourra reconnaitre et soutenir, non seulement les boucs émissaires, mais aussi faire le suivi auprès de leurs agresseurs. Ces derniers peuvent devenir avec l'âge de vrais délinquants, car ils sont à la base des enfants violents.
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