Déterminé et passionné, Said Ben Amar, jeune Marocain vivant en France, s'apprête à participer au Bouvet Guyane 2012 et prendre le large pendant plusieurs semaines.
LE MATIN
31 Août 2011
À 15:58
Said Ben Amar, ce nom vous dit-il quelque chose ? Probablement non, mais dans quelques mois, il sera peut être le gagnant du Bouvet Guyane 2012, après avoir traversé l'Atlantique à la rame de Dakar au Sénégal à Cayenne en Guyane. En tout cas, c'est ce qu'on lui souhaite puisqu'il est le premier Marocain et arabe à avoir tenté cette aventure. «Je suis très motivé pour participer à cette course transatlantique. D'abord, à 27 ans, je suis le plus jeune participant à cette compétition. Aussi, je suis en train de me préparer pour tenter de battre le record de la traversée (40 jours). Troisièmement et c'est surtout ma plus grande fierté, c'est de porter le drapeau marocain et être le premier marocain et arabe à relier, par la force de mes bras et par ma volonté, le continent Africain au continent Américain», confie notre probable futur champion.
Et d'ajouter: «Au début, mes parents étaient contre ce projet. Etant déterminé et comme tout bon marocain, rompu à la négociation, j'ai réussi à les convaincre. Certes, je suis très passionné et cette compétition est très importante pour moi mais je ne pouvais absolument pas y aller sans la bénédiction de mes parents». Quand on parle de traverser l'Atlantique à la rame, soit 4.700 km, rien qu'avec la force des bras, on s'attendrait à voir un costaud aux muscles bien développés, pourtant Said est loin d'être ce malabar au corps impressionnant. De taille moyenne, Said ressemble plutôt au premier de la classe. Humble, poli et très passionné, il prend beaucoup de plaisir à détailler son projet. Le plus impressionnant dans son récit c'est qu'il est parti de zéro. Au début, il n'était même pas capable de faire un nœud de bateau et maintenant il s'apprête à traverser l'Atlantique, et de quelle manière ! «Mon amour inconditionnel pour la mer et pour les sports nautiques que j'ai hérité de mon père est l'une des raisons qui m'ont poussé à participer à cette course même si, au début, je n'avais pas les compétences requises. Mais j'ai commencé à penser sérieusement à ce projet lorsque j'ai su qu'il existe des femmes qui tentent de vivre cette aventure. Je me suis dit alors pourquoi pas moi ?», raconte-t-il. Said a commencé sérieusement ses préparations en 2009 afin d'être prêt à relever ce défi sportif.
Depuis la fin du mois de juillet dernier, il a mis en veilleuse son travail de technicien d'études en Eco-bâtiment et Energies renouvelables dans une société française pour se consacrer pleinement à son projet. Son seul souci était le financement. En effet, la réalisation d'un tel projet demande un investissement financier important (103.000 euros, soit environ 1,33 million de DH) pour couvrir les frais d'achats du matériel, de logistique, d'inscription à la course… Heureusement, il arrive à s'en sortir jusqu'à présent. Parti de zéro, Said a déjà son bateau. «Mon projet est aujourd'hui à un stade bien avancé, avec déjà de nombreux partenaires à mes côtés. En effet, grâce aux premiers financement obtenus, j'ai acheté le bateau et commencé les travaux de mise aux normes au sein d'un chantier naval à la Trinité Sur Mer. Ainsi le bateau devrait être prêt vers la fin du mois de septembre prochain. Actuellement, je suis à la recherche d'autres partenaires financiers marocains qui me permettraient de boucler mon budget, mais je reste confiant», explique-t-il. Le bateau de Said, qui sera son seul compagnon pendant sa traversée de l'océan, est un monotype insubmersible et auto-redressable de huit mètres de long, 1,6 mètre de largeur et pèse 450 kg. Chargé, son poids peut atteindre une tonne. Sa construction a été faite d'une manière écologique.
Outre, la préparation du matériel, Said a passé de long mois à se préparer physiquement et surtout mentalement. «Une course comme celle-ci n'est pas du tout facile. J'ai la chance d'avoir à mes côtés des personnes qui m'ont beaucoup apporté et beaucoup aidé», affirme Ben Amar. «Je fais beaucoup de jogging, de course à pied… mais je travaille également mes muscles de la façon la plus profonde qu'il soit; c'est très important. Pour m'habituer à la solitude, je pars souvent en randonnée dans la montagne pendant plusieurs jours avec mon sac de 25 kg sur le dos.
Récemment, j'ai fait l'expérience de ramer pendant trois jours en mer et ça s'est bien passé. Durant mon entrainement, j'essaye aussi à habituer mon estomac à peu de nourriture, j'ai même perdu 13kg. En effet, en embarquant, je n'emmènerai avec moi que des fruits secs et des barres énergisantes pour me nourrir. L'eau restera ma source vitale principale. Le bateau est équipé d'une machine qui enlève le sel de l'eau de mer. Elle a une capacité de produire 10l par jour. Une quantité suffisante pour m'hydrater. Concernant le sommeil, je compte ramer toute la nuit. Le jour, je ramerai deux heures et dormirai deux heures. J'ai commencé à m'habituer à dormir très peu, une moyenne de seulement 4 h par jour. Il est indispensable de rester éveillé pendant le voyage parce que nous courons plusieurs risques», poursuit-il. Confiant ? «J'ai sans doute peur comme tout être humain mais je suis confiant. Tant que cela ne dépend que de moi et de mes capacités physiques et surtout mentales, j'arriverai inchallah à destination. Dans tous les cas, pour moi, cette aventure représente, d'une part, une richesse et un plus sur le plan personnel et, d'autre part, l'occasion pour montrer au monde de quoi la jeunesse marocaine est capable», lance Said, non sans fierté.