L'humain au centre de l'action future

«La Source des femmes», une ode à l'amour

Présenté en compétition officielle lors du Festival de Cannes 2011, le long métrage de Radu Mihaileanu sera
>sur les écrans nationaux à partir du 9 novembre.

25 Octobre 2011 À 16:32

Avant même que ne démarre le film, le réalisateur prévient les spectateurs qu'il s'agit d'un conte et que l'action aurait pu se passer dans n'importe quel endroit, en Afrique du Nord comme au Moyen-Orient. Une fois ce détail réglé, les premières images arrivent, fortes et percutantes. Dans une région montagneuse, des femmes font l'ascension vers la source d'eau en empruntant des chemins escarpés et tortueux sous un soleil de plomb. Une corvée quotidienne qu'elles subissent, en toute résignation, depuis la nuit des temps en en payant le prix fort. Et pour cause, la charge de l'eau rend la descente aussi ardue que la montée. Que de fois, les femmes enceintes sacrifient la vie de leurs fœtus sur l'autel du machisme de la tribu.

Mais là où les autres femmes n'opposent aucune résistance, une voix s'élève et crie à l'injustice. Leila (Leïla Bekhti), une étrangère qui a épousé un fils du village, dénonce. Elle fustige ce traitement que leur infligent les hommes du village, mais sa belle-mère, à l'instar des autres gardiennes du temple de la tradition de cette société tribale, étouffent sa révolte. Une idée jaillit alors lors d'une discutions dans le QG des femmes. Au Hammam, alors que ces dernières vantent les prouesses sexuelles de leurs époux, Leila prend la parole et essaie d'ouvrir les yeux de ses consœurs sur les idépassements dont elles sont victimes. Après les railleries et les moqueries de certaines, une poignée de jeunes femmes se joignent au mouvement et décident de faire la grève de l'amour jusqu'à ce que leurs conjoints se résignent à prendre en charge le transport de l'eau au village. Confortées et encouragés dans leur projet par «Vieux fusil» (Biyouna), une femme d'âge mûr extraordinairement sage et drôle en même temps, les femmes entament une guerre douce pour améliorer leur situation. C'est alors que commence un bras de fer sans merci entre les femmes et les hommes du village. Ces derniers refusant bien sûr de renoncer aux privilèges que leur confère leur statut d'homme. Ils refusent surtout de renoncer à leurs droits conjugaux. La situation se corse et les esprits s'échauffent. Les péripéties se succèdent entre attaques et contre-attaques de part et d'autre.

Le spectateur suit, au début, les épisodes de cette lutte qui se relâche au bout d'un certain moment, provoquant une sensation d'ennui. Le réalisateur aurait dû, en effet, utiliser plus fréquemment ses ciseaux. Certaines scènes superflues ont ralenti le rythme du film. Heureusement que Radu Mihaileanu s'est vite rattrapé en relançant l'action. Sans jamais céder le pas à un discours direct ou radical, le réalisateur tente de modérer ses positions en donnant la parole à tout le monde et en nuançant ses personnages. Aussi, les femmes, jusque-là résignées, sont loin d'être faibles. Elles usent de leur ruse et de leur force intérieure pour résister à la tentation de céder aux désirs de leurs maris. Quant aux hommes, ils ne sont pas tous étroits d'esprit. Dans le lot émergent quelques jeunes qui condamnent la paresse de leurs congénères. L'exemple est donné avec le personnage de Sami (Saleh Bakri), mari de Leila et instituteur de son état. Il soutient sa femme dans son combat et lui fournit les outils pour mener sa guerre contre l'injustice. D'un autre côté, les vieilles femmes du village ne sont pas toutes du côté des hommes. Face à la résistance des autres au mouvement de libération des femmes, «Vieux fusil» porte cette révolte et la soutient. Même le personnage du «Fkih» est positivé. D'un fervent défenseur de la gent masculine au nom de l'islam, il finit par se laisser convaincre par les arguments de Leila qui lui fait voir la religion sous son vrai jour, loin des interprétations obscurantistes, versets coraniques à l'appui. C'est sous cet angle que «La Source des femmes» prend les couleurs d'une ode à l'amour et à la femme. Le lyrisme de Radu Mihaileanu se dégage à travers le regard tendre qu'il jette sur ses personnages. D'où le choix du registre de la comédie engagée pour traiter un sujet qui ne manque pas de gravité.

Des comédiennes triées sur le volet

«La Source des femmes» est porté par une brochette de comédiens de différentes nationalités. Tous ont été remarquables par la justesse de leur interprétation. «Contrairement à mes habitudes, j'ai écrit le rôle de Leila avec Leila Bekhti en tête. Je l'avais vue dans "Mauvaise foi” de Roschdy Zem, et je l'avais trouvée incroyable, alors même qu'elle était si frêle et encore débutante. Très tôt, je lui ai fait lire le traitement, avant même d'avoir le scénario finalisé : cela a été une rencontre d'autant plus formidable qu'elle m'a conseillé des livres, dont un très bel ouvrage sur la place de la femme dans le Coran», avoue Radu Mihaileanu. «J'ai très tôt choisi Hafsia Herzi : elle a une joie de vivre et une énergie propres à cette jeunesse féminine qui veut que les choses évoluent, et dont j'avais besoin pour le personnage d'Esméralda. Grand talent aussi. De même, j'avais envie, depuis des années, de travailler avec Hiam Abbass, mais j'avais pensé à elle pour un autre rôle : c'est elle qui m'a proposé d'incarner un personnage plus ambigu et elle a eu raison. Quant à Biyouna, elle a été une fantastique surprise», ajoute-t-il.
Copyright Groupe le Matin © 2025