Naissance de SAR Lalla Khadija

Carton rouge pour Sajid

On a protesté avec virulence au Conseil de la ville. Sur ce plan, cette session ne ressemblait en rien à toutes celles l'ayant précédée depuis des années. Elle rappelait en fait celle qui eut lieu lors de l'installation dudit conseil, lorsque le maire élu, Mohamed Sajid, avait fait l'objet d'une contestation virulente.

01 Avril 2011 À 18:14

Et c'est ce même maire qui a été pris à partie par la majorité des conseillers dès l'ouverture de cette session ordinaire. Ceux-ci ont refusé d'entamer les travaux tant que Mohamed Sajid ne leur remettrait pas les documents et justificatifs afférents au compte administratif pour l'exercice 2010. Figurant en 11e place parmi les 15 points constituant l'ordre du jour, le compte administratif n'a en effet jamais été présenté lors des sessions précédentes, encore moins les documents objets de la discorde.

Les conseillers protestaient aussi au sujet de la session extraordinaire organisée à la suite des inondations qu'avait connues la ville. Session durant laquelle le sujet, notamment celui relatif à l'éventuelle responsabilité de Lydec, n'avait pas été évoqué. Dans l'impasse, criant aux malversations et à la dilapidation des deniers publics, la majorité des élus ont réclamé l'intervention d'urgence de l'Inspection générale de l'administration territoriale et de la Cour des comptes. «Nous ne faisons pas de l'opposition pour faire de l'opposition, nous demandons juste que les documents relatifs à toutes les dépenses et transactions nous soient fournis. Le budget de fonctionnement pour l'année 2010 dont le président du Conseil de la ville a disposé est de l'ordre de 3,27 milliards de DH. Nous demandons en toute légitimité les documents détaillés de ces dépenses», explique Abdelhak Mabchour du Parti travailliste. Annoncé dans un premier temps pour 9h, la session en question n'a débuté que vers 10h30. Mais elle n'a pas réellement débuté car, auparavant, le même Mabchour est monté sur l'estrade réservée à la présidence du Conseil et a pris place sur le siège du maire. Une façon de protester et de signifier qu'il n'y aurait pas de session sans que le point cité précédemment ne soit clarifié. D'autres élus l'ont rejoint pour le convaincre de céder la place à qui de droit.

Cependant, une fois installé sur son siège, le maire n'a pas pu placer un seul mot. En effet, le maire Mohamed Sajid n'a quasi-ment pas eu droit à la parole, car tous les élus le huaient, chacun à sa manière. «Il faut parler de la réalité de la ville en relation avec la réalité du pays. Nous sommes à l'heure de grands chantiers de réformes constitutionnelles et de changement. J'ai toujours dit que pour mener à bien un chantier, nous avions besoin d'une base solide, débarrassée des mauvaises herbes et des entraves, et ce n'est pas le cas de ce conseil, sachant qu'un processus de réformes ne peut être entamé dans un milieu marqué par la corruption, autrement ce serait un cadeau que nous offririons aux corrompus en leur permettant d'accéder à nouveau aux différents conseils élus», s'insurge pour sa part le conseiller Mustapha Rahine. Les protestations fusant de toute part, et n'ayant pu entamer les travaux de cette session, Mohamed Sajid a demandé une pause de 10 mn, le temps que les esprits se calment. Et ce n'est que vers 11h30 que la présidence sera de retour. 40 minutes plus tard, les tensions étaient loin de se calmer et les élus ne voulaient rien savoir : documents et justificatifs, sinon rien. Le maire décida alors de reporter la session à 17h. Une décision qui allait attiser encore plus une colère déjà pesante depuis le début de matinée. Des brassards rouges furent aussitôt distribués et portés par la quasi-totalité de la présence.

«C'est en contradiction avec la loi, le maire n'a pas le droit de lever la séance sans le consentement des élus. On aurait au moins dû procéder à un vote avant de décider. Nous demandons d'urgence l'intervention de l'Inspection générale de l'administration territoriale», vocifère un élu monté sur la tribune présidentielle.
À ce moment, Mohamed Sajid avait déjà quitté la salle et plusieurs groupes avaient exprimé leur intention de se prononcer contre l'adoption du fameux 11e point. «Les documents qui ont été remis aux conseillers sont incomplets, et certains mêmes douteux. La situation à Casablanca est critique. Le maire n'a pas eu l'audace de tenir la session et de débattre du compte administratif afin de ne pas dévoiler les exactions qui nuisent aux intérêts des Casablancais. Il a aussitôt précipité, contrairement à son habitude, la levée de la session, malgré notreinsistance.

En vertu de ce comportement et de ces exactions, notre groupe a décidé de voter contre ce compte administratif», souligne Mustapha Benane, qui assurait la présidence du groupe du PJD en lieu et place de Mustapha Lhaya. De retour dans l'après-midi, les élus n'avaient toujours pas changé d'avis. Mohamed Sajid fut accueilli, cette fois-ci, avec des cartons rouges brandis par les élus, en plus des différents slogans ayant marqué la matinée, du genre «Sajid dégage», «À bas Sajid et ses baltajia», etc. Chose qui a poussé Mohamed Sajid à reporter tout bonnement cette session qui traîne déjà depuis le mois de février. À ce niveau, il n'est plus habilité à en convoquer une autre, vu que le délai légal a été dépassé avec l'ouverture de celle à laquelle il venait de mettre un terme. Dorénavant, il devra adresser une requête au ministère de l'Intérieur qui, lui, pourra décider du jour de la tenue d'une nouvelle session. «Le compte administratif n'est plus un problème pour le Conseil de la ville. Le problème est que, aujourd'hui, le président du Conseil est devenu otage de certains lobbys. Nous voulons sauver la ville, car elle n'est plus gérée par son Conseil, mais plutôt par les lobbys des sociétés délégataires, les sociétés de collecte des déchets ou encore celles qui gèrent le stationnement», conclut Mustapha Rahine.

Contestation

Le mouvement de contestation des élus a regroupé les élus du PJD, du parti travailliste, du PI, du RNI, du MP, de l'USFP et certains membres du PAM, en plus d'un mouvement d'élus autoproclamé «Mouvement du 25 février : tous contre la corruption à Casablanca ». Au final, un communiqué a été lu dans la salle : « Nous, conseillers de l'opposition, dénonçons les agissements du président du Conseil quant à son refus de nous remettre les documents et justificatifs relatifs au compe vadminisratif, et ce, après que la commission des finances et du budget ait tenu 12 réunions. Nous demandons l'intervention urgente du ministre de l'Intérieur afin de faire la lumière sur la question. Nous demandons également au président de la Cour des comptes de diligenter une enquête en toute urgence, concernant les malversations et les dépassements qui caractérisent la gestion du budget 2010, ainsi que l'ouverture d'une enquête globale concernant les budgets alloués à la ville depuis 2003».
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