Si certains présidents de quelques conseils des villes ont réussi à adopter le compte administratif sans grandes difficultés, d'autres maires peinent toujours à le faire valider par les élus locaux. C'est le cas dans plusieurs grandes villes notamment Casablanca, Kénitra et Tanger. La ville du détroit est un peu un cas spécial puisqu'elle s'est retrouvée dans la même situation de blocage qui a conduit Samir Abdelmoula à démissionner de la présidence cédant sa place à Fouad Omari, un autre élu du PAM (Parti Authenticité et Modernité). Pourtant, Omari avait été élu avec une majorité confortable grâce au soutien des conseillers communaux de son parti le PAM mais également ceux du RNI (Rassemblement National des Indépendants) et de l'UC (Union Constitutionnelle). Des divergences ont éclaté au sein de cette même majorité deux mois seulement après la signature d'un pacte de bonne gouvernance entre les trois partis. Le maire s'est retrouvé par la suite dans une situation délicate. La session du mois de février qui devait examiner le compte administratif de 2010 a été reportée à plusieurs reprises. Au final, le compte fut rejeté par 59 voix. Les élus de la majorité avaient déclaré après ce rejet que le bureau actuel ne peut être considéré comme responsable que des deux derniers mois de 2010.
Mais l'opposition qui semble reprendre du poil de la bête, a également joué un rôle non négligeable dans le rejet. Mené par le PJD qui n'a jamais abandonné ses ambitions pour contrôler le conseil de la ville de Tanger, l'opposition compterait aujourd'hui une cinquantaine d'élus. Suffisamment de conseillers donc pour mener la vie dure au maire durant les prochains mois. «Non seulement nous sommes contre la manière dont la ville est gérée depuis 2009 mais nous avons toujours refusé la manière dont les présidents du conseil sont élus. Il est donc normal d'utiliser tous les moyens légitimes et règlementaires pour manifester nos positions», explique un élu du PJD à Tanger. Deux dossiers sont aujourd'hui au centre d'une polémique qui n'en finit pas de faire jaser. Il s'agit notamment de la gestion déléguée de l'eau et l'électricité dans la ville ainsi que l'aménagement territorial. Deux cartes utilisées par l'opposition pour mettre le bureau actuel en difficulté. Contacté, le maire de la ville est resté injoignable. Pour sa part, Mohamed Bouhriz, élu du RNI et membre de la majorité, affirme que «les partis au sein du conseil de la ville doivent faire preuve de plus de discipline pour dépasser la situation actuelle». Mohamed Najib Boulif du PJD affirme quant à lui que l'opposition dans le conseil est en train de préparer des actions sans donner plus de précisions.
Si le PJD parait en position de force dans la ville du détroit, le parti de la lampe vit des moments difficiles ailleurs. Abandonné par ses alliés au parti de l'Istiqlal, le maire de la ville de kénitra, Abdelaziz Rebbah, a dû assister impuissant au rejet du compte administratif. En effet, Rebbah a été surpris de voir les élus de l'Istiqlal voter avec l'opposition contre le compte administratif qui a été rejeté par 30 voix contre 28. Deux voix seulement ont donc fait la différence et mettent la pression sur le président du conseil qui fait l'objet des critiques depuis quelques mois déjà. L'alliance entre le PJD et l'Istiqlal est-elle pour autant définitivement rompue ? Le président du conseil de la ville a déjà pris la décision de revoir la composition de la majorité. «Nous avons réussi à former une majorité de 30 élus sur 59. Nous travaillons également sur la reconfiguration de notre majorité pour garantir une meilleure stabilité pour les années à venir », explique Rebbah. Concernant le compte administratif, le maire affirme que la cour régionale des comptes s'est saisie du dossier pour faire un rapport qui sera par la suite soumis au ministère de l'Intérieur. Une deuxième lecture a été également demandée.
A Casablanca, les choses sont encore beaucoup plus compliquées. Mohamed Sajid vit sans nul doute les moments les plus difficiles depuis qu'il est maire de la métropole. Objet des critiques les plus acerbes, le maire a échoué à faire valider le compte administratif par les membres du conseil de la ville. Sajid s'est retrouvé récemment contraint de reporter une énième fois la session du compte administratif qui traine déjà depuis le mois de février. Le hic, c'est que le maire n'est plus habilité à convoquer la session. En raison des reports répétés, il devra, la prochaine fois, passer par le ministère de l'Intérieur qui décidera de la date de la tenue de la session. Pour leur part, de nombreux élus demandent l'intervention de l'Inspection générale de l'administration territoriale et de la Cour des comptes.
Réformes et alliances
Les réformes constitutionnelles ainsi que les nouveaux textes sur la régionalisation auront indéniablement un impact sur la gestion de la chose locale. Les modes de fonctionnement tout comme la formation des alliances politiques s'en retrouveront sans nul doute chamboulés. Depuis plusieurs années déjà, les majorités qui gèrent les conseils des villes dans plusieurs régions marocaines, sont le résultat d'alliances partisanes très fragiles. Le moindre petit problème pouvait déstabiliser ces conseils. Dans la majorité des cas, il s'agit d'alliances hétéroclites où les affinités politiques et idéologiques ne sont pas toujours prises en considération. C'est pour cette raison d'ailleurs que les divergences sont récurrentes.