Maladie chronique, psychique, neurologique ou handicap, quand l'un des conjoints est atteint subitement, la vie devient presque infernale.
LE MATIN
07 Octobre 2011
À 19:57
«Mon mari a eu un terrible accident de moto, il y a cinq ans, suite auquel il a perdu l'usage de ses jambes (paralysie totale). Du coup, aujourd'hui, il ne travaille plus et se déplace en fauteuil roulant», indique Fatima, 52 ans. Et de confier: «Depuis le jour de l'accident, notre vie est devenue un véritable enfer. Mon mari, d'habitude très actif et très vivant, a beaucoup de mal à accepter sa nouvelle vie. Surtout lorsqu'il a perdu son travail et que j'ai dû prendre en charge les frais de la maison. Je pensais que la première année suivant le malheur était la plus difficile. Pourtant, nous continuons à en souffrir. Mon mari refuse que je m'occupe de lui : le changer, le nettoyer… il passe son temps à me repousser et à m'insulter. Je sais que c'est la dépression qui le pousse à se comporter de la sorte, mais j'avoue qu'à la longue, cela devient pénible. Même les enfants ont peur de lui, alors qu'avant, ils étaient très proches. On a l'impression qu'il déteste tout le monde. C'est affreux. Mes proches m'ont conseillé de demander le divorce, mais je ne peux pas le laisser tomber. Nous sommes mariés depuis plus de vingt ans, il est de mon devoir de l'accompagner, même s'il a l'air de refuser ma présence».
Fatima est loin d'être un cas unique. Beaucoup de couples voient leur vie basculer du jour au lendemain. Une maladie soudaine, un accident… la vie peut s'avérer des fois extrêmement difficile, voire injuste. En se mariant, on se promet fidélité certes, mais également soutien et épaulement. Cependant, lorsqu'on jure de se soutenir «dans la santé et la maladie», on pense: grippe, angines, rhumatisme… jamais cancer, insuffisance rénale ou Alzheimer. Pourtant, c'est avec ce genre de maladies que l'on peut évaluer le degré d'amour qu'on partage.
«Lorsqu'on se marie avec quelqu'un, on accepte, implicitement, de vivre avec lui dans toutes les conditions. Donc, s'il attrape une maladie dite lourde, on doit le soutenir», estime Maria, 38 ans. Son époux souffre d'insuffisance rénale chronique. «En faisant son check-up médical, il y a trois ans, le médecin diagnostique un IRC (insuffisance rénale chronique). La nouvelle est tombée comme la foudre. Rien ne laissait présager qu'il souffrait de quoi que ce soit», raconte Maria, au bord des larmes. Et d'ajouter: «Nous avions comme projet d'avoir plus d'enfants et de partir en voyage en Asie. Maintenant, nous vivons au jour le jour en espérant juste que le lendemain sera meilleur.
Cette maladie a bousillé notre vie. Mon mari a changé, ce n'est plus la même personne. Il est devenu dépressif et coléreux. Ses séances de dialyse le fatiguent énormément et je ne sais plus comment concilier entre lui et mon travail que je ne peux pas abandonner. Cependant, mon mari réclame tout le temps ma présence et se met en colère rapidement s'il ne me trouve pas à ses côtés. Pourtant ce qui me fait le plus peur , c'est la mort. Son deuxième rein a lâché et si nous n'arrivons pas à trouver un donneur compatible, il ne vivra peut-être pas assez longtemps».
Une autre maladie tout aussi difficile à vivre pour un couple, le cancer. La maladie du siècle devient de plus en plus ravageuse. Elle touche beaucoup de femmes dans notre société, donc ce sont les hommes qui se retrouvent au rôle de «l'infirmier». Une place qu'ils n'ont pas l'habitude de prendre et se sentent, de ce fait, rapidement dépassés. «Ma femme se bat contre le cancer du col de l'utérus depuis deux ans. Les médecins ont fini par procéder à une ablation et elle suit des séances de chimiothérapie. Après six mois, le médecin nous a dit qu'elle était guérie. Cependant, quelques mois plus tard, elle a rechuté. Aujourd'hui, elle est désespérée et ne pense qu'à la mort. Elle ne veut plus faire de chimiothérapie et refuse tout contact avec sa petite famille. J'avoue que je suis dépassé. Je ne sais plus comment gérer la situation et je ne veux pas qu'elle décède», confie Adil, 46 ans. ------------------------------------------------- L'avis du psychologue : Fatouma Kadmiri • Psychologue
«Le conjoint ne doit pas se positionner en tant que médecin ou infirmier»
Comment gérer la maladie d'un conjoint ?
Pour bien gérer la maladie d'un conjoint, il faut prendre en considération sa souffrance, que ce soit au niveau physique (douleurs), ou au niveau moral. Le malade doit faire le deuil des projets qu'il avait en tête. Afin de l'aider à surmonter cette souffrance psychique, l'autre conjoint doit faire acte de présence et d'attention continuelle. Son rôle principal est celui d'un accompagnateur et d'un compagnon. Il doit se positionner en tant que conjoint et en aucun cas, en médecin ou infirmier. Il doit se contenter de soutenir le malade et de l'écouter en essayant de mettre un petit point d'humour de temps en temps sans pour autant en faire trop, surtout pendant les grandes douleurs. Aussi, le conjoint doit se ressourcer ailleurs de temps en temps, en prenant un café entre amis, en faisant du sport… sans culpabiliser. C'est une question de survie ; sinon, il ne pourra pas faire face à la souffrance.
Quelles sont les répercussions de ce genre de maladies sur la vie du couple ?
Cela dépend de la relation qu'entretenait le couple avant le diagnostic. Si cette relation était soudée, saine et basée sur la communication, il y a de fortes chances que le couple conserve ce même rapport. Par contre, si le couple est fragile, il est possible qu'il «se fracasse» avec la maladie du conjoint. Parce que dans ce cas, la maladie peut être un révélateur d'une fragilité cachée. Autres répercussions, la sexualité du couple. Il faut savoir que la maladie dite lourde engendre une honte du corps, la crainte de ne pas être désirable et aussi le dégoût face à un corps méconnaissable.