Le Maroc et la nouvelle Libye
LE MATIN
28 Août 2011
À 23:26
En se rendant à Tripoli, porteur d'un message de Sa Majesté le Roi au président du Conseil national de transition libyen, Mostafa Abdeljalil, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Taieb Fassi-Fihri, a confirmé la volonté du Maroc de tourner une page douloureuse avec ce pays. D'entrée de jeu, il convient de féliciter notre diplomatie qui, renouvelant sa méthodologie, n'a pas attendu longtemps pour prendre avec courage et lucidité une position claire et limpide à l'égard du peuple libyen. Elle consiste notamment à réaffirmer notre solidarité et notre soutien à un pays qui, sur le plan des institutions et de la démocratie, renaît de ses cendres.
Devancer les événements, anticiper aussi sur le cours des choses, c'est à coup sûr le critère qui a inspiré notre diplomatie, sur fond de sagesse et de perspicacité dont fait preuve Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Les relations avec la Libye avaient, jusque-là, obéi à la loi d'airain, parce qu'elles étaient quasiment soumises aux humeurs-souvent cyclothymiques et intempestives-du colonel Kadhafi. Celui-ci avait placé délibérément notre pays dans son collimateur, au motif dérisoire qu'il incarne une monarchie et donc l'antinomie de la révolution qu'il prônait et imposait même.
Au plus fort de la confrontation idéologique, dans les années soixante et quatre-vingts, le gouvernement de Kadhafi a contribué, directement ou indirectement à des campagnes de déstabilisation du Maroc. Imaginant et traçant même dans une épure plutôt candide la carte d'un grand « Etat désertique » qui va du sud de l'Egypte jusqu'au Sahara marocain, traversant allégrement la Libye, la Tunisie et l'Algérie, il fondait de fols espoirs d'unificateur, il y mettait des sommes colossales et mobilisait armes, hommes de paille et « diplomates » étrangers acquis à sa…cause ! Cette bande désertique devait porter le nom de République sahélo-saharienne où le polisario était tout simplement l'acteur principal…
Depuis de longues années, le polisario a installé ses quartiers à Tripoli, dans les salons de ce fameux « Foundouq al-Kabir » adossé à la corniche où se croisaient toutes sortes de figures, des révolutionnaires tchadiens, irlandais, espagnols à Ahmed Jibril et George Habbache du FPLP …Les uns et les autres quittaient la Libye en emportant avec des valises pleines à craquer de dollars, au détriment du peuple libyen, appelé quant à lui à se nourrir de discours et de logomachies révolutionnaires. Dans l'affaire du Sahara, Kadhafi s'est rallié d'emblée à la position algérienne, caractérisée par une hostilité déclarée envers le Maroc. Quand bien même, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il se serait rendu « impromptu » au Maroc au cours du mois de Ramadan 1984 pour rencontrer le Roi Hassan II et lui proposer la création de l'Union arabo-africaine (UAA), alors même qu'il entretenait et finançait le polisario, le Maroc avait accueilli son projet de bonne grâce. Le génie de feu Hassan II consistait à le neutraliser pour ce qui est de notre cause sacrée, et ensuite de tempérer, faute de les annihiler, ses ardeurs révolutionnaires à l'égard du Maroc. Pendant quelques années, en effet, à défaut d'avoir une paix totale, notre pays a bénéficié d'une accalmie et a pu mener à bien son action diplomatique sur ce dossier.
Parmi les vestiges du « règne » sans partage que les dirigeants du CNT libyen ont trouvés, il y a ces groupes de « combattants » du polisario et de mercenaires qui ont combattu jusqu'à la dernière minute pour le maintenir, lui et son fils Seif al-Islam, au pouvoir. Ce n'est pas une découverte ultime, mais la preuve par deux que le polisario incarne donc le mercenariat et ses dirigeants la politique du pire…Qu'il faille y voir également une collusion évidente avec le gouvernement algérien, il ne fait aucun doute ! Arrêtés en flagrant délit, les mercenaires du polisario devraient être jugés par les nouvelles autorités libyennes, d'une part pour leurs violences contre le peuple de Libye, ensuite pour avoir enfreint la loi en pénétrant illégalement dans son territoire et usé des armes destructrices…
Le Maroc, et Taieb Fassi-Fihri la réitéré avec force, entend reprendre avec la Libye sœur des relations d'amitié profondes. La sagesse et une vision partagée les incitent, d'autant plus qu'une grande communauté de destin, au niveau de l'histoire, de la religion et d'autres caractéristiques militent en faveur d'une coopération et d'une amitié fraternelles. Le peuple libyen a constamment trouvé au Maroc un soutien sans faille, respectueux de ses choix, de sa liberté, de sa souveraineté et de ses attentes. Avec le Maroc, la Libye possède des idéaux communs et celui du Grand Maghreb Arabe en constitue, à coup sûr, l'un des piliers.
Une page est désormais tournée en Libye. Soucieux d'abord des intérêts du peuple libyen, le Maroc cultive l'espoir d'avoir des relations apaisées avec les autres pays du Maghreb, dont les fondements institutionnels et démocratiques avaient été entérinés et adoptés par ses cinq Etats le 17 février 1989 à Marrakech. Avec la nouvelle Libye, qui surgit sur les décombres de l'ancien et dictatorial régime, le Maroc entend instaurer un partenariat fraternel au sens large du terme, multiforme, riche et sincère. C'est la vision de Sa Majesté le Roi dont l'attachement au peuple libyen reste fondamentalement vivace.