Naissance de SAR Lalla Khadija

Des enfants dans la rue

La métropole compterait près de 300 enfants des rue. C'est ce qui ressort d'une enquête réalisée durant le mois d'avril 2011 et dont les contours ont été dévoilés vendredi dernier.

L'habitat insalubre et la précarité sont les causes profondes de ce fléau.

13 Novembre 2011 À 12:52

On les croise pratiquement chaque jour et ils font désormais partie intégrante du paysage de Casablanca. Le phénomène a été tellement banalisé que l'on n'y prête presque plus attention. Un phénomène dont la métropole se passerait volontiers. Ils, ce sont ces mômes vivant à la rue, errant à longueur de journée et une bonne partie de la nuit, sans protection ni assistance, menant une vie qui s'apparente à celle de la jungle et qui n'est régie que par une seule doctrine : la loi du plus fort.

La métropole compterait près de 300 enfants de la rue. C'est ce qui ressort d'une enquête réalisée durant le mois d'avril 2011, et dont les contours ont été dévoilés vendredi dernier à Casablanca, en présence de Nouzha Skalli, ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité. Ainsi, durant la période où elle a été réalisée, l'enquête fait état de 294 enfants, dont 32 filles, qui vivent dans la rue. À retenir que l'un des critères pris en compte lors de l'enquête est que, par enfant en situation de rue, l'on désigne un enfant âgé de moins de 18 ans, garçon ou fille, ayant passé au moins un mois dans la rue au moment de l'enquête. Un enfant qui vit dans la rue et pour qui la rue représente l'espace essentiel de vie. À souligner également que cette catégorie représente 38% de l'ensemble des personnes en situation de rue.

« Cette enquête constitue une réponse aux attentes d'un grand nombre d'acteurs afin de remédier à ce fléau social et, aussi, pour mieux le prévenir. (…) Il va sans dire que la protection de l'enfance au niveau local exige une réponse de proximité et une mobilisation de tous les acteurs locaux, afin de traduire dans le concret la vision partagée et, ainsi, déterminer les priorités », a indiqué Nouzha Skalli. Au sein de cette communauté révélée par l'enquête au niveau de Casablanca, 84% des enfants en situation de rue sont âgés de plus de 15 ans, 14% ont entre 10 et 15 ans et 2% ont un âge inférieur à 10 ans. Chose qui montre que la majorité des enfants recensés appartient à une catégorie d'âge sensible psychologiquement et socialement et donc exposée à toutes sortes de déviations. Parallèlement, ces enfants doivent bien exercer une activité pour subsister. Pour la majorité, soit 56%, la mendicité reste l'activité principale.

Pour le reste, les activités peuvent se résumer au nettoyage des pare-brise des voitures au niveau des feux rouges, au cirage de chaussures, à la vente de cigarettes, de mouchoirs, de sucreries ou de légumes, alors qu'une partie de ces enfants s'adonne au vol et à la prostitution. Concernant les origines géographiques de ces enfants, les résultats de l'enquête indiquent que l'agglomération de Casablanca est un lieu de polarisation, attirant des gamins issus de différentes régions du pays (32%), alors que 68% sont originaires de la métropole. Pour les lieux de squat et d'activité, le centre-ville et les lieux de restauration et d'animation semblent répondre le mieux aux besoins de ces enfants, puisque 90% d'entre eux s'y établissent. À signaler que la période passée dans la rue est estimée à deux années en moyenne, avec une fourchette allant de 23 mois pour les garçons à 27 mois pour les filles. De même, l'enquête a révélé que près des trois quarts de ces enfants sont des récidivistes, faisant des allers et retours entre le foyer familial et la rue.

Certes, les causes de ce fléau convergent inévitablement, mais elles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. En effet, l'habitat insalubre au niveau des quartiers périphériques et un milieu familial précaire et misérable constituent les causes indirectes du phénomène. Quant aux causes directes ou intermédiaires, celles-ci consistent en l'éclatement de l'institution familiale et la dislocation des valeurs (98 %), ainsi que la non-scolarisation ou la scolarisation limitée des enfants (37%).
Par ailleurs, l'enquête révèle que plus de 70% des enfants en situation de rue à Casablanca ont déjà bénéficié de prestations dans des institutions de protection de l'enfance (Samu social, orphelinats et ONG), avec une durée moyenne de 74 jours.

Contexte et réalisations

L'enquête sur les enfants en situation de rue a été initiée par le ministère du Développement social, de la famille et de la solidarité. Une initiative qui s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de convergence territoriale pour la protection de l'enfance à Casablanca (PACTE–Casablanca). Les objectifs assignés au départ tournent autour de la détermination de l'ampleur et des formes du phénomène, du profil démographique et socioéconomique aussi bien des enfants que de leurs parents, des causes socioéconomiques, familiales et culturelles, ainsi que la caractérisation des conditions de vie de ces enfants. Pour ce faire, une carte des lieux de squat et d'activité des enfants a été établie afin de faciliter l'organisation du recensement sur le terrain. Ainsi, 214 sites ont été identifiés, dont 60% sont situés dans les préfectures d'arrondissements de Casa-Anfa, Al-Fida Mers Sultan et Aïn Sbâa Hay Mohammadi.
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