Salon international de l'agriculture de Meknès

«Il faut plus que jamais multiplier les efforts de compétitivité»

D'après Jean- François Limantour, des difficultés se profilent à l'horizon, surtout pour les marchés du sud de l'Europe qui, comme l'Espagne, l'Italie et la France, constituent les principaux débouchés à l'exportation pour le Maroc et la Tunisie.

Jean-François Limantour, président du cercle euroméditerranéen des dirigeants textile.

29 Septembre 2011 À 14:41

LEMATIN : Est-il possible de refaire au Maroc la même expérience qu'en Tunisie ?

JEAN-FRANÇOIS LIMANTOUR : Les deux secteurs textile-habillement tunisiens et marocains ont des structures, des performances et… des problèmes quasiment identiques. L'expérience tunisienne est donc tout à fait transposable au Maroc. Car il s'agit bien, en réalité, d'aider les industriels à décrypter les signaux que leur envoient les marchés, à mieux appréhender la nature des stratégies mises en oeuvre par les pays concurrents, à favoriser l'émergence d'un environnement national et international plus porteur et, en définitive, d'améliorer leur compétitivité globale, dans une optique très concrète de business et de rentabilité.

Pourquoi avez-vous commencé par la Tunisie ?

Tout simplement parce que de grands professionnels tunisiens ont très clairement manifesté le souhait d'une coopération renforcée avec l'Europe et tout particulièrement avec la France, pour une recherche commune de voies et moyens leur permettant de figurer encore à l'avenir dans le peloton de tête des grands pays producteurs et exportateurs de textile-habillement. Une structure d'interface et de concertation comme le Tunisian Textile Intelligence Group leur a semblé être une solution appropriée en réponse à leurs préoccupations.
Le Maroc a, lui, une organisation professionnelle textile très structurée qui apporte sans doute à ses membres des réponses pertinentes aux problèmes et aux attentes des chefs d'entreprises. C'est du moins ainsi que j'interprète le fait que le secteur ne semble pas demandeur d'une formule analogue à celle mise en oeuvre en Tunisie.

Comment voyez-vous l'avenir du textile ma¬rocain et tunisien à la lumière du contexte inter¬national actuel ?

Les deux secteurs textiles du Maroc et de la Tunisie ont enregistré une solide progression de leurs exportations au cours des 8 premiers mois de l'année. Mais ils continuent tous les deux à perdre des parts du marché européen au profit des fournisseurs asia-tiques. En fait, le discours selon lequel on assisterait depuis quelques mois à un recul de l'Asie au profit du Maghreb est hélas une fable pour les enfants et les naïfs ! Les chiffres sont têtus et montrent que la Chine, le Bangladesh, le Vietnam ou l'Inde continuent à grignoter des parts de marché en Europe !
À relativement court terme, il n'est pas douteux que les pires difficultés sont devant nous, surtout pour les marchés du sud de l'Europe qui, comme l'Espagne, l'Italie et la France, constituent les principaux débouchés à l'exportation pour le Maroc et la Tunisie. Le 20 septembre, le FMI a revu encore à la baisse les perspectives de croissance de ces pays ; la note souveraine de l'Italie vient d'être abaissée et d'autres pays sont dans le collimateur des agences de notation. Il est clair que le chômage va encore augmenter, que les sources de crédit se réduisent, que le pouvoir d'achat baisse et que les consommateurs européens sont de plus en plus inquiets. Dans ces conditions, j'estime que la consommation vestimentaire va fortement se contracter et pourrait baisser d'environ 2% cette année. Quant à 2012, les perspectives sont encore plus pessimistes, si j'en juge par les prévisions de l'OCDE, de la BCE et du FMI, avec un impact négatif direct pour les exportateurs méditerranéens. D'où la certitude qu'il faut plus que jamais multiplier les efforts de compétitivité par les prix mais surtout hors prix : qualité, réactivité, créativité, petites séries… pour se préparer à résister face à cet avis de tempête cyclonique !
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Veille économique et stratégique

Réunis il y a quelques jours pour se doter d'une personnalité juridique sous forme d'une association à but non lucratif, les membres (Industriels tunisiens et français) du Tunisian Textile Intelligence Group ont adopté un programme d'actions visant d'abord à renforcer les échanges et les investissements textiles et habillement entre la Tunisie et l'Union européenne, dont notamment la France.
À cet effet, des opérations de promotion seront prochainement organisées (voyage de décideurs européens en Tunisie, opération de promotion du textile français en Tunisie, rencontre partenariale tuniso-française à Paris et à Lille, tables-rondes chez de grands distributeurs français…).
Il est également question d'accélérer l'intégration des nouvelles technologies de création, d'information et de communication dans le secteur et de consolider la compétitivité hors prix du secteur textile-habillement tunisien au moyen de diverses initiatives, en particulier dans le domaine de la formation en création, marketing et management. Il s'agit également de développer un dispositif de veille économique et stratégique performant et de favoriser l'émergence d'un environnement réglementaire, financier et douanier permettant aux acteurs professionnels euro-méditerranéens de textile-habillement de relever le défi de la mondialisation des marchés.
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