Spécial Marche verte

Tricher devient presque un droit !

Plus que quelques jours pour les examens du baccalauréat 2011. C'est la dernière ligne droite pour les révisions avant le jour J. Sauf que les révisions ne se limitent pas seulement à l'apprentissage des leçons. Pour une bonne partie des candidats, ces derniers jours sont l'occasion idéale pour apporter les ultimes retouches à leurs précieux trésors : les anti-sèches ! En effet, le premier objectif des lycéens est de réussir l'épreuve du baccalauréat, quel que soit le prix. «Tricher ou pas ce n'est plus important, ce qui compte c'est de réussir», telle est devenue la devise d'un grand nombre d'élèves.

De génération en génération, le phénomène de triche ne cesse de se développer.

15 Juin 2011 À 11:25

Malgré toutes les mesures prises par le ministère de l'Éducation nationale pour lutter contre le phénomène, chaque année plusieurs cas de triche sont enregistrés, sans compter ceux qui passent inaperçus, et qui représentent bien sûr la grande majorité.
De génération en génération, le phénomène ne cesse de se développer. Avoir recours à la triche et aux magouilles pour réussir ses examens ne représente plus une honte. Bien au contraire, c'est devenu indispensable, et même une fierté, surtout pour une épreuve aussi importante que le baccalauréat. Studieux ou paresseux, tout le monde s'y met. Pour certains, les anti-sèches ont même un effet rassurant. Histoire de se soutenir psychologiquement. «Je ne m'imagine pas entrer en classe le jour de l'examen sans avoir pris mes précautions.

Certes, j'ai fourni des efforts en apprenant une bonne partie du programme, mais je ne peux pas être sûr du résultat. Il se peut que j'oublie ou que j'aie un trou. Impossible de courir le risque. Je serais très stressé», confie Karim. «Pour nous, tricher est devenu plus qu'ordinaire.

C'est presque un droit. Bref, pour nous, quelqu'un qui ne triche pas est quelqu'un d'anormal !!!» ajoute-t-il.
La panique de rendre la feuille blanche pousse les jeunes malins à être «créatifs» et «innovateurs» en inventant des méthodes de triche aussi surprenantes que prodigieuses. Les anti-sèches et les communications entre élèves, utilisées du temps de nos parents, sont toujours présentes. Certaines librairies vont même jusqu'à préparer les programmes de chaque branche. Ils réalisent des tas de mini-copies de toutes les leçons et attendent la commande des élèves enchantés par ce précieux service.

«Avant, nous étions obligés de chercher les leçons, les organiser puis réaliser des photocopies. Maintenant, ce n'est plus la peine. Il existe des librairies qui nous facilitent le travail», lance Azzeddine, content d'échapper à la lourde tâche de faire les photocopies des leçons lui-même pour pouvoir les utiliser au moment propice. «J'ai rendez-vous demain avec un libraire au Hay Mohammadi pour avoir les leçons que je lui ai commandées. Quelle joie !» poursuit-il.

À cette technique connue de tous vient s'ajouter une autre, similaire mais plus ingénieuse. En effet, certains écrivent eux-mêmes leurs anti-sèches et les impriment sur des feuilles transparentes en plastique pour les poser sur la table le jour de l'examen et copier confortablement. Enfin, l'utilisation des nouvelles technologies est de plus en plus repandue. Celles-ci n'ont de limites que l'imagination des élèves : téléphones mobiles, smartphones, écouteurs, calculatrice à mémoire, Bluetooth…

Chouaib, qui passe son bac dans quelques jours, se présente comme un expert en la matière. Il explique les différentes possibilités de triche «grâce» au TIC. «Nous utilisons le téléphone portable, bien qu'il soit interdit. Ce dernier peut avoir plusieurs usages et il est réellement d'une grande utilité. Nous pouvons, par exemple, communiquer facilement avec des personnes à l'extérieur grâce aux SMS et même à l'aide du kit oreillette», indique-t-il. «D'autres utilisent le Bluetooth pour communiquer. La méthode est simple. Elle consiste à vider un stylo à bille et à remplacer son contenu par l'appareillage du Bluetooth et le tour est joué. Quant aux smartphones, ils ont vraiment changé la donne. On peut tout simplement naviguer sur Internet et trouver toutes les informations que l'on souhaite», poursuit Chouaib. Toutes les méthodes sont bonnes à prendre, si cela peut éviter la lourde tâche de l'apprentissage par cœur de leçons jugées trop longues et trop nombreuses.

Quel risque ?

Il est strictement interdit d'utiliser les documents, les calculatrices, sauf dans les épreuves où leur utilisation est nécessaire. Le téléphone portable ne peut être introduit dans la salle des examens. Il ne faut pas parler avec les autres, ni échanger des feuilles lors du déroulements des épreuves… Les élèves sont très conscients de cela, mais n'y accordent aucune importance.
Pour assurer une égalité des chances, le ministère de l'Éducation nationale a édicté un ensemble de textes qui visent à sanctionner sévèrement la triche lors des examens. Le dernier en date remonte au 8 mars 1999. Il a pointé du doigt la pratique, en insistant sur la constitution de conseils disciplinaires spéciaux pour statuer sur les cas de fraude. Le refus de la candidature du tricheur pendant deux années scolaires fait partie des sanctions de la triche. Considérée comme un manquement au contrat éducatif entre l'élève, ses camarades et ses enseignants, la fraude est contre l'éthique. Dans ce sens, le dahir 1-58-060 (promulgué le 25 juin 1958) définit la triche lors des examens comme un délit passible d'une peine d'emprisonnement de 1 à 3 mois de prison ferme et d'une amende.
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