L'humain au centre de l'action future

Le graphisme de Jacques Villeglé

Matisse Art Gallery accueille, pour la première fois au Maroc, le célèbre artiste-graphiste français, du 1er février au 1er mars 2011.

05 Février 2011 À 14:32

Après avoir exposé dans les musées les plus prestigieux tels que le centre George Pompidou, à Paris, ou le MOMA (musée d'Art Moderne de New York), le peintre français Jacques Villeglé, qui compte parmi les nouveaux réalistes du graphisme, vient partager son art, au sein du Matisse Art Gallery de Casablanca et de Marrakech.
C'est jusqu'au 1er mars que l'artiste exposera ses œuvres originales sur un thème qui lui est cher : «le graphisme sociopolitique». Une discipline artistique qui consiste à agencer, à créer des éléments graphiques reposant sur le dessin, la photo et les couleurs, pour aboutir à une œuvre de communication purement culturelle.

L'exposition de Jacques Villeglé est composée d'une vingtaine de tableaux qui se veulent une présentation du parcours de l'artiste, précurseur du mouvement des Nouveaux Réalistes. Fondé en 1960, «ce courant avait pour particularité de s'affranchir de l'abstraction et de la figuration pour ouvrir la «peinture» à des éléments empruntés à la vie quotidienne, à des objets prélevés dans la réalité de leur temps, à la suite du grand artiste français Marcel Duchamp», explique Bernard Collet, Commissaire de l'exposition.
Jacques Villeglé a également emprunté aux éléments du quotidien en arrachant des fragments d'affiches des murs et de palissades pour en faire à son tour des «œuvres artistiques». Pour lui, ces affiches portent le style de ceux qui les ont posées mais aussi de ceux qui les ont arrachées. L'intérêt résidant pour lui dans ces «lacérations anonymes» qui «sont des œuvres, patinées par le temps, c'est ce qui distingue Jacques Villeglé des autres graphistes qui peignent leurs tableaux de manière classique», ajoute Bernard Collet.
Ses affiches lacérées s'inscrivent à la fois dans une géographie personnelle, puisqu'elles sont le résultat de promenades dans les villes et les rues de Paris pour la plupart d'entre elles.

Les œuvres portent aussi le témoignage du temps, puisqu'une fois arrachées à leur support d'origine, cadrées par le regard de l'artiste, elles portent la double marque, celle du nom de la rue où elles furent prélevées et la date exacte de cette opération. Jacques Villeglé n'opère pas d'intervention dans le geste de création. Selon lui, «l'artiste est celui qui est le point de coïncidence entre le collectif et l'individu».
«La lacération anonyme des affiches est le signe du refus et de l'irrespect du public pour la propagande, qu'elle soit commerciale ou politique, la superposition des signes, des mots, des couleurs et des images sont des fragments révélateurs de l'histoire sociale», commente Bernard Collet.Jacques Villeglé s'approprie des œuvres anonymes, acte par lequel il fait surgir «la peinture dans la non peinture» ou bien «la peinture sans peinture», touche qui fait de lui un des représentants les plus reconnus de l'Art français du XXe siècle.
Le parcours artistique de Jacques Villeglé commence dès les années 50 et se poursuit jusqu'en 2000, année où il décide de renoncer à ces arrachages pour se consacrer à un travail dont l'idée lui vint d'un graffiti entrevu en 1969 dans un métro de la ville de Paris. Il décide alors de créer un alphabet personnel fait de signes et de symboles qui appartiennent à différentes cultures ; c'est ce qu'il appelle «l'alphabet sociopolitique». c'est ainsi qu'il crée le graphisme sociopolitique où le A s'encercle pour devenir le signe de l'anarchisme, le L devient sigle de la Livre Sterling, le S devient dollar, le C faucille flanquée d'un marteau, le O le sigle du Yin et du Yang, le T en croix triptyque et d'autres. D'après Bernard Collet, Jacques Villeglé «a développé une écriture inédite et singulière qui mixe dans un même ensemble des signes symboliques, des pictogrammes, des sigles politiques, religieux, pour un résultat original».

Jacques Villeglé a surtout exposé son travail en Europe et aux Etats-Unis. Cette première exposition au Maroc est un ensemble exceptionnel d'affiches lacérées des années 60 à 90 et une sélection originale de graphismes sociopolitiques que les amateurs ou professionnels d'art auront plaisir à découvrir.

QUESTIONS À : Jacques Villeglé • Artiste-graphiste.

«Ces affiches, je les prends comme elles sont,
c'est-à-dire superposées. Je fais juste un cadrage»



Pourquoi avez-vous choisi le graphisme comme forme d'expression artistique ?

Dans le graphisme, il y a les écritures et des lettres qui viennent des journaux et même des affiches qu'on publie. Les écritures ont une typographie qui reste actuelle et qui attire le regard. Ces affiches, je les prends comme elles sont, c'est-à-dire superposées. Je fais juste un cadrage. Je suis comme un photographe qui prend une photo et le cadrage compte beaucoup pour la photo. La seule différence c'est que je n'ai pas d'appareil photo, donc j'arrache et je rapporte le sujet en entier.

Quelle est votre source d'inspiration ?

Les gens se demandent quel est l'intérêt de récupérer ces affiches. A mes yeux, ce sont des œuvres d'art. Eux, ils les dilacèrent dans la rue, moi j'en prends soin. Un de mes tableaux est constitué d'une série d'affiches superposées que j'ai récupérées sur une colonne d'un quartier de Paris. On m'avait dit que sur cette colonne on collait des affiches depuis 5 ans. J'ai épluché les affiches comme on épluche un oignon. Je les ai toutes prises. Puis, j'ai cadré certains morceaux. J'ai choisi par exemple des couleurs qui ne sont pas habituelles dans les affiches, mais qui m'intéressent.

Un mot sur votre parcours artistique…

J'ai fait connaissance avec l'art contemporain pendant l'occupation. J'étais étudiant à ce moment-là. A cette époque, Picasso n'avait pas le droit d'exposer. L'art contemporain était absent de notre éducation artistique. Un jour, à l'âge de 17 ans, j'ai trouvé un bout de papier dans la rue et, au lieu de passer mon chemin, je me suis dit voilà ce qui m'intéresse ; c'est ça ma voie !

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