Spécial Marche verte

Ma mère se prend pour une ado !

Si la mère est normalement symbole de tendresse et de sacrifice, certaines ne peuvent s'empêcher de considérer leurs filles comme des rivales.

Rivalité, jalousie ou tout autre conflit, peuvent-ils entâcher l'amour infaillible entre mère et fille ?

14 Octobre 2011 À 18:29

8h15, Sanaa, 17 ans, est très en retard pour son cours de 9h. Heureusement, ses affaires sont déjà prêtes et son pull-robe fétiche est repassé. Après un court passage à la salle de bain, Sanaa s'empresse vers le placard pour prendre le vêtement qu'elle a soigneusement rangé la veille… sauf qu'il n'est plus à sa place. Elle dévale les escaliers pour demander à la femme de ménage, lorsqu'elle tombe sur sa mère dans le couloir. Et là surprise ! C'est sa mère qui porte le fameux pull-robe. «Comment me trouves-tu ? Ce vêtement me va comme un gant. On ne dirait pas que je suis ta mère n'est-ce pas ?», lui lance Souad, sa mère.

Sanaa est sous le choc. Ce n'est pas la première fois que sa maman, âgée de 48 ans, lui pique ses habits. Elle ne comprend plus pourquoi sa propre mère agit ainsi. «Elle se prend pour une adolescente. Elle achète dans les mêmes magasins que moi et le même style en plus. Parfois, elle n'hésite pas à enfiler mes vêtements. Je ne sais plus quoi penser. J'ai honte de la voir s'habiller de cette manière. Je me demande pourquoi elle ne pourrait pas tout simplement se comporter comme une mère normale ?», fustige la jeune fille. De son côté Souad, ne comprend pas pourquoi sa fille réagit ainsi. «Je ne sais pas ce qui la gêne autant. Elle doit être fière d'avoir une maman jeune d'esprit, qui continue à prendre soin d'elle et qui refuse de se laisser aller. Et puis même si je porte ses vêtements de temps en temps, où est le problème. Tant qu'on a la même taille et que je ne risque pas de les lui abimer. Je pense que ma fille est un peu narcissique», indique-t-elle.

Sauf que Sanaa est loin d'être narcissique. Elle souffre d'un phénomène qui a l'air de se répandre dans notre société, celui des mères qui refusent de vieillir et qui par conséquent prennent un malin plaisir à rivaliser avec leurs propres filles. «Ma mère fait tout comme moi. C'est insupportable! Elle s'est inscrite avec moi aux cours d'anglais, elle s'habille comme moi… mes copines se moquent d'elle chaque fois qu'elle vient nous rejoindre au café ou à la sortie du lycée. J'ai beau lui dire que ce qu'elle fait et ce qu'elle porte ne correspond pas à son âge. Rien n'y fait, elle s'entête à répéter que je suis jalouse parce qu'elle est plus attirante que moi, même si je suis plus jeune», se plaint Hanaa, 16 ans. En plus de l'imitation dans le style vestimentaire, certaines mamans rivalisent avec leurs filles pour l'amour du papa.

C'est le cas de Boutaïna, 22 ans. «Depuis mon jeune âge, ma mère a toujours été jalouse de l'amour que mon père me porte. A chaque fois qu'il m'offre un cadeau, elle se fâche et se renferme sur elle-même et lorsqu'on s'installe pour regarder la télévision, elle vient toujours s'asseoir entre nous», confie-t-elle.
«Vieillir et voir sa fille devenir une femme signifie parfois, ne plus avoir d'importance ou ne servir à rien. Plus je vois ma fille prendre de l'âge et devenir belle et attirante, plus je me sens vieille et inutile. Il est difficile pour une femme de se dire que le train est déjà passé. Nous avons toutes envie de rester jeunes et belles», indique Latifa, 52 ans. Avant d'ajouter: «Je ne vois aucun inconvénient à tout faire pour rester jeune. Moi, par exemple, je fais régulièrement des injections de Botox pour effacer mes petites rides, je fais les boutiques avec ma fille (20 ans), on choisit les mêmes couleurs de cheveux… il faut dire que nous avons les mêmes goûts.

Et ma plus grande fierté, c'est lorsque les jeunes nous draguent dans la rue en pensant que ma fille et moi sommes des sœurs». Pour Meriem, une jeune maman de 32 ans. Les mères qui rivalisent avec leurs filles, le font pour attirer l'attention de ces dernières. «La relation mère/fille est très complexe, d'un côté, la fille qui cherche son autonomie et ne veut plus avoir sa mère dans «les pattes» et de l'autre, la mère qui tient à conserver sa place au sein de la famille et veut montrer qu'elle a toujours son mot à dire dans la vie de sa fille. Je pense que parfois, montrer à sa maman qu'elle compte et qu'on a encore et toujours besoin d'elle peut arranger les choses», estime-t-elle.

La donne a changé

Si aujourd'hui les mamans font tout pour rajeunir, quitte à rivaliser avec leurs propres filles, jadis, c'étaient les filles qui se montraient jalouses de leurs mères et faisaient tout pour leur ressembler, voire prendre leur place. Une fille a toujours été considérée, par la société, comme une concurrente de sa mère, surtout par rapport à l'amour du père. Surtout que chez la fille, le complexe d'Oedipe ne disparaît jamais tout à fait et ses effets se font sentir dans sa vie mentale des femmes, selon Freud. Aussi, le chemin pour conquérir son identité féminine est plus ardu que celui de l'identité masculine. Donc, le petit garçon sait qu'il est différent de sa mère et peut lui échapper. En revanche, la fille se perçoit dans une ressemblance physique et se sent très vite comme une reproduction, une copie ou même la miniature de sa maman. Elle va se débattre longtemps avec ces sentiments, d'où la rivalité entre les deux.

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