Salon international de l'agriculture de Meknès

Le programme «Moukawalati» piétine

Les chefs d'entreprises Moukawalati incapables d'honorer leurs engagements financiers sont traduits en justice. Ils risquent de mettre la clé sous la porte sans une solution urgente.

16 Janvier 2011 À 11:24

L'ambitieux programme d'appui à la création d'entreprises «Moukawalati» semble battre de l'aile. A Fès, la majorité des 160 jeunes promoteurs bénéficiaires de ce programme rencontrent des difficultés à honorer leurs engagements financiers. Certains sont aujourd'hui poursuivis en justice par leurs banques. Est-ce que ces entrepreneurs n'ont pas été à la hauteur des challenges ? ou bien l'handicap réside-t-il dans le programme, malgré les multiples tentatives de relance dont il a fait l'objet ? En tout cas, créer une entreprise et se retrouver au bout de deux ou trois années poursuivi en justice par sa banque semble inique pour Saïda Astaoui, fondatrice et gérante d'une crèche pour enfants. « Le contrat de financement stipule que le promoteur bénéficie de la garantie de l'Etat à travers la CCG ainsi que de deux années de différé.

Mais le processus entre l'accord de la banque, le déblocage des fonds et le lancement du projet est tellement long que le promoteur se retrouve très vite devant ses responsabilités financières auprès de la banque. Et il commence à payer son crédit, les intérêts et d'autres frais bancaires», déplore t-elle. Elle indique que près de 25 chefs d'entreprises Moukawalati sont poursuivis en justice par leurs banques. « Les banques ont adhéré à ce programme sur la base de la garantie de l'Etat. Elles n'ont pas le droit de nous poursuivre en justice. Les guichets de leur côté ne dispensent pas de formation aux bénéficiaires et il n y a aucun suivi et encadrement. Sachant que le programme a consacré à la formation 10 milles DH par projet, il devrait y avoir un suivi de 24 mois », ajoute t-elle.

Issam Jdidi, président de l'Association des chefs d'entreprises Moukawalati de Fès ajoute qu'à cause des taux élevés des intérêts et de la courte durée du crédit, les échéances dépassent largement les capacités de remboursement des chefs d'entreprises. « Notre association a essayé d'approcher les partenaires du programme, en l'occurrence le CRI de Fès, l'Anapec Fès et les banques à fin de trouver une solution pour les entrepreneurs en difficulté. Mais on s'est heurté à un mur de silence. Nous avons également demandé un soutien auprès de la Fondation Mohammed VI et du maire de Fès. Mais sans succès », explique t-il. A la ville de Meknès, les bénéficiaires du programme Moukawalati rencontrent aussi les mêmes difficultés. « Je fais partie des premiers bénéficiaires du programme.

Le retard du déblocage du crédit au début a entraîné des charges supplémentaires insupportables pour moi comme pour les autres, et de fait, a handicapé le départ de nos projets », indique Said Ait Oubenaddi, chef d'une entreprise de menuiserie aluminium et secrétaire générale de l'Association des chefs d'entreprises Moukawalati de Meknès. Le président de cette association, Chakib Omari précise que des démarches ont été entreprises auprès du CRI de Meknès pour trouver une solution urgente avant que d'autres porteurs de projets Moukawalati ne soient poursuivis en justice. « J'ai cru en ce programme et j'ai même participé lors du lancement à une publicité qui passe toujours sur les chaînes de télévision. Mais aujourd'hui, je suis désespéré par cette situation que je vis avec d'autres bénéficiaires du programme au niveau national.

Une rencontre est prévue la fin de ce mois avec des responsables du CRI, de la CCG et des banques. Nous espérons le rééchelonnement de nos dettes », ajoute t-il. Les représentants de l'association des chefs d'entreprises Moukawalati de Fès espèrent de leur côté pouvoir organiser une pareille rencontre avec les intervenants du programme à Fès. « Nous avons rencontré le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, lors des journées de l'orientation tenues récemment à Fès. Nous lui avons exposé nos problèmes et il nous a promis de nous aider », affirme Issam Jdidi.

A noter que Youssef Rabouli, directeur du CRI de Fès–Boulemane a reconnu, lors d'un entretien qu'il nous a accordé, que les difficultés de ces entreprises sont liées très souvent aux faibles capacités managériales de leurs promoteurs, au manque de formation ainsi qu'au retard enregistré dans le traitement des dossiers par certaines banques, sachant que le promoteur s'engage dès le départ dans les dépenses de constitution de l'entreprise.

Il a aussi indiqué que le CRI a proposé aux banques et aux promoteurs en difficulté de traiter leurs dossiers au cas par cas. Une solution que refuse l'Association des chefs d'entreprises Moukawalati de Fès. Elle réclame une solution globale pour les porteurs de projets en difficulté, à savoir le rééchelonnement de leurs dettes et l'octroi d'un taux d'intérêt adéquat. Et ce pour assurer la survie d'un programme qui devrait favoriser la création d'entreprises et faire des TPE le fer de lance de la création d'emplois.

Un cas parmi tant d'autres…

Saïda Astaoui, fondatrice et gérante d'une crèche pour enfants, a bénéficié d'un crédit Moukawalati en association avec une autre personne auprès d'une banque à Fès. Mais avant le démarrage du projet, son associée a fait le choix de partir poursuivre ses études à Rabat et a donné une procuration à sa mère pour garder un droit de regard sur la marche du projet. Cette dernière, ne pouvant pas participer à la gestion du projet, a réclamé la dissolution la société liant sa fille à Saida Astaoui et la mise en vente du local du siège de la crèche acheté grâce au crédit Moukawalati. Surtout qu'entre la période d'achat en 2007 et aujourd'hui, la valeur du local a plus que triplé. Et depuis 2007, Saida Astaoui gère seule la crèche et se bat pour, d'une part, honorer ses engagements auprès de sa banque et, d'autre part, trouver une solution à son litige avec son associée.
« J'ai exposé mon problème à tous les intervenants sur Moukawalati avec des documents à l'appui. Mais on me répondait que ce problème n'avait pas de solution et que je devais supporter seule le paiement des échéances de prés 11.250 DH par trimestre. La Banque me poursuit aujourd'hui en justice pour le non seulement pour le paiement des échéances dues, mais de la totalité du crédit, à savoir 500 milles DH», explique-t-elle.
C'est l'un parmi les problèmes que peuvent rencontrer d'autres bénéficiaires du programme, mais qui
ne semble pas avoir été pris en compte lors de la conception du programme Moukawalati.
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