Spécial Marche verte

Tu me parles ou je t'insulte !

Pour la gent masculine, il s'agit tout simplement d'une façon pour draguer les femmes, sauf que ces dernières trouvent que ce comportement est inadmissible. Pour elles, c'est du harcèlement sur la voie publique.

29 Juillet 2011 À 17:22

«Le harcèlement des jeunes filles et même des dames sur la voie publique est le hobbie favori des hommes. C'est toujours la même chose, ils commencent par nous aborder avec des compliments, qui souvent sont trop médiocres et nuls à mon goût, et ça se termine par des insultes de tout genre. Mais jusqu'à quand les hommes vont-ils continuer à pourrir notre quotidien ? Quand est-ce qu'ils vont comprendre qu'une femme n'est pas qu'un simple corps ou objet de désir ?
C'est un être humain qui, tout comme eux, a besoin de sortir chaque jour pour gagner sa vie», fustige Hakima, comptable, 29 ans. «Je commence sérieusement à être agacée par cette habitude incorrigible des hommes. Ils abordent les filles et les femmes sur la voie publique librement en employant un langage souvent agressif et lorsque la malheureuse victime du harcèlement refuse de leur répondre, ils deviennent encore plus pénibles. C'est honteux ! C'est un comportement indigne d'un homme sérieux. J'essaye malgré tout de les ignorer mais jusqu'à quand ? Il faut que cela change. La drague de nos jours est devenue une pratique vulgaire, avilissante et méprisable. Sur l'espace public, la femme est perçue comme une proie facile ou un «objet accessible», râle Fatiha, 32 ans, mariée et jeune maman.

Des témoignages de femmes ayant subi un harcèlement dans la rue, on peut en trouver plusieurs. En effet, certains hommes, jeunes ou âgés ou parfois même vieillards, de toutes les catégories sociales et de tous les aspects physiques, ne ressentent aucune gêne en abordant des femmes dans la rue. Dans leurs voitures, sur les terrasses des cafés ou dans un coin de la rue, ils ont trouvé leur passe temps préféré qu'ils pratiquent avec beaucoup d'assiduité : guetter la gent féminine. Dès qu'une femme passe devant eux, ils la balayent du regard de la tête aux pieds.
Qu'elle soit dame, demoiselle, jeune, âgée, jolie, laide… peu importe. L'essentiel est de l'importuner en lui lançant quelques sifflements et des mots grossiers. La femme est devenue sujette à différentes remarques, critiques, brimades et moqueries répétées par des hommes qu'elle ne connait même pas. Les femmes enceintes sont également une des proies préférées des harceleurs. Nadia, 35 ans, raconte son calvaire au quotidien. «Je suis confrontée tous les jours à des harcèlements. Pendant que je me balade tranquillement dans la rue, je croise souvent des types qui me jettent des regards pervers et me lancent des mots vulgaires. Je me sens agressée, c'est dégoutant. Maintenant, j'ai du mal à sortir seule, je ne me sens pas bien dans ma peau», confie-t-elle.
Pour se justifier, ces hommes ont tous le même alibi : l'aspect vestimentaire des femmes. Oussama, jeune homme de 26 ans au chômage, un adepte de la drague dans la rue, s'explique: «Les modes vestimentaires des femmes nous attirent beaucoup.

Entre les pantalons tailles basses, les mini jupes, les jeans «slim» serré et les décolletés qui dévoilent leurs rondeurs féminines, je ne vois pas comment on peut résister à toutes ces tentations.
En tant qu'hommes, nous ne résistons pas. En les regardant comment elles se dandinent dans la rue, elles nous provoquent et donc nous réagissons en les suivant ou en leur lançant quelques mots».
De leur côté, les femmes trouvent cette excuse absolument absurde car quel que soit leur aspect vestimentaire, les hommes les harcèlent. «Il ne faut surtout pas qu'ils nous sortent la bonne vieille excuse de la tenue vestimentaire parce qu'ils ne font pas la différence entre une fille voilée ou non, en djellaba ou en jeans, même habillée en «abaya», avec un foulard sur la tête et sans maquillage, je me suis fait harceler. Parfois j'ai l'impression que ça les attire encore plus», lance Najlâa, 25 ans. Outre les insultes, certains harceleurs deviennent encore plus agressifs et n'hésitent pas à frapper une femme inconnue si elle les ignore, histoire de joindre le geste à la parole. Dans l'attente de la fameuse loi qui devrait punir les harceleurs dans la rue, les femmes n'ont qu'à se défendre comme elles le peuvent que ce soit en essayant de rester indifférente ou en criant …
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QUESTIONS À : Abdelkrim Belhaj
• psychosociologue.

«Une manière de se conduire réprouvée par la société»

Le fait d'aborder, voire plutôt d'apostropher, une femme ou une fille dans la rue dans une optique de l'homme. Car il s'agit d'une manière de se conduire réprouvée par la société et par le sens civique, d'autant qu'elle fait preuve d'une intention, et donc, d'un acte de traque et du harcèlement. Ce qui traduit, en pratique, une manière inconsciente de non reconnaissance de la liberté féminine de disposer de sa vie en toute quiétude. Comme si la rue est un espace réservé et dans lequel l'homme manifeste le pouvoir d'une phallocratie qu'il s'autorise dans un contexte social encore ambigu dans la définition de la situation réelle de la femme.

Les personnes qui s'adonnent à ce genre de pratiques caractéristiques, voire vicieuses, font état d'un esprit fonctionnant avec des stéréotypes et des préjugés, qui font de la femme non seulement un objet, mais une proie. Dans ce cadre, il est plus question d'assouvir une motivation d'ordre sexuel, animée par des désirs et des phantasmes, alors tous les moyens sont bons pour cette finalité allant du délire jusqu'au risible, sans écarter la tendance à la violence qui les accompagne. Car un tel comportement se compte plus dans une logique de l'agression que de la communication.
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