Le roman « Le Calife de l'épouvante » de Bensalem Himmich, publié dans sa nouvelle édition à la Croisée des Chemins, a eu l'honneur d'être préfacé par le grand écrivain et intellectuel espagnol Juan Goytisolo. >
LE MATIN
11 Février 2011
À 16:05
Comme l'a signalé l'auteur dans son ''avertissement'', « Le Calife de l'épouvante, au pays des peurs et du rire » est essentiellement une fiction littéraire où Bensalem Himmich nous revoie, de temps en temps, à des faits ou récits historiques. « Al-Hakim, comme d'ailleurs presque tous les personnages du roman, tout propos que je lui fais tenir n'est qu'allégation, supputation ou hypothèse, fruit d'un essai de descente dans la psyché perverse, ambivalente et complexe du despote », ajoute-t-il. Ce roman est, en effet, un exemple remarquable de cette « contemporanéité atemporelle » que l'on souligne tout particulièrement chez certains écrivains comme Zaini Barakat ou dans les œuvres principales de Fuentes et de Roa Bastos. D'où le fait que cet ouvrage n'est pas un roman historique habituel, bien qu'il soit focalisé sur le personnage central Al-Hakim, l'un des monarques les plus excentriques et les plus redoutables de la dynastie fatimide qui a régné en Egypte de 973 à 1171.
«Le récit de Himmich se construit dans la discontinuité, évite la progression dramatique, compose et met en pièces le personnage central. La narration navigue par à-coups, intériorise les contradictions du despote jusqu'à les transformer en l'axe ou le pivot de sa cohérence profonde : cohérence d'un texte fragmenté et d'un personnage changeant, défini par ses chroniqueurs comme étant libéral et magnanime, roué et trompeur, oscillant toujours entre courage et lâcheté, bravoure et couardise amour des sciences et châtiment des savants, inclination pour la piété et extermination des hommes pieux », a souligné l'intellectuel Juan Goytisolo dans sa préface de l'ouvrage.
Et d'ajouter que « Le Calife de l'épouvante » est, ainsi, une défense de la vérité de la fiction contre les lacunes, les mensonges et les pages en blanc des manuels d'histoire manipulés par les maîtres du dogme officiel et leurs programmateurs culturels. Dès lors, les chapitres qui composent l'œuvre font alterner la chronique et sa parodie avec des récits plus ou moins inventés, mais qui s'enracinent toujours dans la tradition littéraire ou populaire arabe. Des faits qui se suivent aussi marquants les uns que les autres, montrant toute la cruauté du personnage Al-Hakim, l'unificateur et l'incendiaire. Toutefois, l'auteur a consacré tout un chapitre à l'expédition militaire et la défaite d'Abou Rakwa, dont Al-Hakim a répliqué par une vengeance néronienne face aux coups montés (par ses sujets) pour son assassinat et autres empoisonnements et intrigues du palais fomentés par sa demi-sœur paternelle, Sitt al-Koul. Cette étape bien cruciale dans le règne d'Al-Hakim donna du ton à cette fresque historique recréée par Bensalem Himmich où ce dernier a mis en exergue la vie étrange de ce monarque, surtout lorsqu'on sait, d'après « Les Itinéraires » d' Al-Maqziri, que l'on prononça la prière en son nom dans des mosquées d'Egypte, de Syrie, de Tunisie et du Hejaz, tout en sachant que ses actes étaient injustifiables, ses rêves et obsessions inexplicables.
Mais le destin en a voulu autrement, car après un règne de vingt-cinq ans, il fut tué sur un plan élaboré par sa sœur Sit Al-Koul avec l'aide de son complice, le Maghrébin Ibn Dawwas, chef des tribus Ketama.
Bio de l'auteur
Actuellement ministre de la Culture, Bensalem Himmich est un philosophe, romancier, scénariste marocain et auteur de plusieurs ouvrages aussi bien en arabe qu'en français. Certains de ses écrits sont traduits en plusieurs langues. D'où sa consécration par des prix et des distinctions, notamment le Prix de la critique arabe (1990), le Prix Naguib Mahfoud de l'Université américaine du Caire (2002), le Prix Grand Atlas (2003), le Prix Sharjah-UNESCO (2003), la médaille de l'Académie « Arts-Sciences-Lettres » de Paris (2009) et le Prix Naguib Mahfoud de l'Union des écrivains d'Egypte (2009).