Pathologie du mensonge

Il peut être jouissif de mentir pour transformer la réalité l'espace d'un instant, histoire de se donner une contenance et de susciter l'admiration des autres !
Sauf lorsque cela devient récurrent et fait partie intégrante du quotidien, il s'agit là d'une véritable pathologie appelée mythomanie.
La mythomanie se définit, donc, par une tendance pathologique à avoir recours aux mensonges sans même en avoir conscience. Le mythomane ne se rend pas compte qu'il ment, incapable de faire la différence entre le fruit de son imagination et la réalité.
Ses mensonges lui permettent de faire accepter sa réalité et son imaginaire aux autres, pour mieux justifier leurs existences. C'est un phénomène caractéristique d'une certaine phase du développement de la pensée du jeune enfant, qui raconte comme étant vraies des histoires imaginaires. Ces mensonges ne sont pas intentionnels: l'enfant croit vraiment à ce qu'il raconte. C'est une étape normale de l'enfance.
Parfois simple maladie, la mythomanie peut également être symptomatique de désordres psychiatriques plus ou moins graves comme la psychose ou encore la névrose. Elle sera, dans ces cas, associée à toute une série de signes caractéristiques de ces troubles.
La mythomanie devient pathologique si elle persiste au-delà de l'enfance. D'ailleurs, on peut distinguer la mythomanie chez l'enfant, qui est censée évoluer plus ou moins naturellement vers une meilleure appréhension de la réalité. Et la mythomanie de l'adulte qui peut s'associer à l'hystérie, à d'autres névroses, aux perversions ou même aux psychoses.

Il faut savoir que la mythomanie est rarement considérée comme un symptôme isolé, ce qui fait que le concept est la plupart du temps traité en association avec les autres troubles auxquels elle est associée. Pour les psychiatres, la mythomanie traduit une organisation névrotique de la personnalité, qualifiée d'hystérique. Mais elle peut également être présente lors de troubles psychotiques. Mais alors, quelles en sont les causes ?
Comme dans la plupart des affections psychiatriques, il est difficile de trouver une ou des causes bien déterminées expliquant les troubles observés. Néanmoins, il est communément admis par les psychiatres qu'un choc émotionnel grave peut être à l'origine de la fuite de la réalité du mythomane, par exemple, l'annonce d'une maladie incurable, le décès d'un proche, échec sentimental, scolaire ou professionnel peuvent favoriser son apparition. Le recours fréquent, voire permanent, aux mensonges est, donc, pour le mythomane le seul moyen de fuir une réalité qu'il ne peut accepter ou affronter sans souffrir. Il se donne ainsi l'illusion de changer cette réalité douloureuse. Cette fuite de la vérité traduit généralement un manque de maturité affective et de confiance en soi.

Si le mythomane ne supporte pas la réalité telle qu'elle est, c'est d'abord qu'il ne se supporte pas lui-même tel qu'il est.
Les spécialistes ont observé que, dans beaucoup de cas, les mythomanes ont eu des parents manipulateurs ou, à l'inverse, très crédules. Et qu'ils ont généralement, très tôt, souffert d'un manque de soutien psychologique (un père ou une mère absent(e), ou trop préoccupé(e) par ses problèmes ou un autre de ses enfants…). D'où une précoce et intense solitude intérieure, qui les poursuit et que leur vie imaginaire s'efforce de combler. Mais l'attitude des parents n'est pas la seule cause : bien qu'aimé, le jeune mythomane a été insatisfait de son sort, il aurait voulu avoir plus d'amour, des parents plus prestigieux. Le diagnostic est difficile à faire pour deux raisons. La première, c'est qu'il faut savoir discerner un véritable mythomane d'un simple menteur invétéré. D'autre part, bien souvent, les fabulations d'un mythomane sont suffisamment bien construites pour devenir impossibles à repérer, ce qui fait que le mythomane est rarement découvert.

Par conséquent, le traitement s'avère tout aussi compliqué. En fait, il n'existe pas de traitement à proprement parler de la mythomanie. Seulement, une analyse psychiatrique pourra aider le sujet à retrouver les causes enfouies dans son inconscient de sa maladie, et par là même, offrir une voie vers la guérison.
De plus, les psychothérapies qui viennent à bout des symptômes névrotiques sont rarement aussi efficaces concernant la mythomanie. Pour une bonne raison : si le mythomane est amené à en suivre une, c'est presque toujours à la demande de son entourage, inquiet pour lui, fatigué de ses frasques, de ses errances. Or, pour qu'une thérapie fonctionne, il est nécessaire que la personne qui présente des symptômes soit demandeuse.

Quelle attitude adopter par l'entourage du mythomane ?

En fait, même les spécialistes n'arrivent pas à se prononcer sur la question, ceci d'autant plus qu'il est très difficile d'évaluer le degré de lucidité du sujet mythomane. Suivre et accepter les mensonges du mythomane pour ne pas le blesser est contreproductif car de cette façon, il s'enfermera encore plus dans son monde imaginaire. D'autre part, il ne faut pas non plus le forcer à accepter la réalité, car c'est justement celle-ci qu'il a besoin de fuir. C'est pour lui une question de survie que de s'échapper des réalités. Pas évident de savoir sur quel pied danser face à la mythomanie d'un proche. A chaque cas ses spécificités. La meilleure chose à faire est, donc, de l'encourager à se faire conseiller, ainsi que les proches par la même occasion, par un psychiatre.
Une analyse peut, effectivement, aider à trouver les causes profondément enfouies dans l'inconscient et par là même, offrir une voie vers la guérison.
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EXPLICATIONS: Mouhcine Benyachou, Psychiatre

Mensonge
«La manipulation est une forme de mythomanie»

Est-ce qu'on peut considérer la
mythomanie comme une maladie
psychique chronique ?
La mythomanie signifie la manie de mentir. C'est-à-dire une habitude de mentir fréquemment. Il s'agit d'un processus pathologique, voire un mécanisme dysfonctionnel qui peut être attaché à plusieurs troubles de la personnalité, spécialement dans le cas des personnalités psychopathiques généralement instables, mythomanes et manipulatrices. Ces personnalités antisociales sont à l'origine de plusieurs crimes de vol, d'agressions sexuelles et d'agressions multiples. La mythomanie peut être inconsciente et involontaire selon le processus pathologique et les personnalités. On peut aussi la rencontrer chez les enfants, surtout ceux qui vivent dans la soumission et la peur des parents autoritaires et paranoïaques. Les enfants obèses peuvent aussi être mythomanes. Il faut aussi considérer la manipulation comme une forme de mythomanie. Dans notre société, les mythomanes sont extrêmement multiples et nombreux dans tous les domaines du commerce et de l'industrie. C'est la raison pour laquelle il faut lutter contre toutes sortes de mensonge et de manipulation.

Quand est-ce que le mensonge peut-il devenir maladif ?
Le mensonge peut devenir maladif s'il se mue en une habitude fréquente et une réponse presque automatique, ou un moyen habituel. Il faut donc repérer le mensonge chez l'enfant à un âge précoce et faire en sorte que les parents soient un modèle et pour leurs enfants et pour la société toute entière. Or dans notre société, tout le monde ment, dans tous les domaines, et la sincérité est exceptionnelle, ce qui favorise le processus de mythomanie qui peut devenir habituel et normal.

Quelles sont les personnes à risque ?
Comme je l'ai expliqué, les personnes à risque sont les enfants, surtout ceux qui ont des parents autoritaires. Mais également, les personnes qui souffrent de troubles de personnalité, d'hypomanie, les hystériques et les toxicomanes. À noter aussi que l'absence d'éducation favorise également la mythomanie.

Est-ce qu'on peut traiter la mythomanie ?
La mythomanie est un processus grave. Les mythomanes peuvent être pris en charge mais leur demande de se soigner est rare. Il faut plutôt développer tous les moyens pour se protéger des mythomanes, véritables manipulateurs, dangereux pour les autres et pour la société.