L'université marocaine à l'ère de la régionalisation avancée
Mohcin Hanouf >Doctorant à la Faculté des sciences de l'éducation à Rabat.
LE MATIN
01 Juin 2011
À 11:48
Au Maroc, la dimension régionale fait partie intégrante des nouvelles politiques publiques de l'État. Ces politiques qui tendent à renforcer le pilier de l'économie régionale à travers l'encouragement de l'entreprise et de l'innovation dans la région ont un seul objectif, celui de bâtir une région ouverte, forte de ses compétences et capable d'attirer des investissements directs et indirects pour améliorer son niveau de développement. Par conséquent, l'université reste l'enjeu majeur dans la réussite de cette vision. Pour ces raisons, on s'intéresse de plus en plus à l'orientation de l'enseignement et de la recherche scientifique vers des objectifs à dimension régionale. Une institution à caractère éducatif et scientifique ne peut pas passer à côté du développement et rester inactive face à la dynamique du territoire dont elle fait partie. Comment donc la recherche scientifique peut-elle contribuer au développement régional ? Cette question se pose aujourd'hui avec acuité, vu la conscience régionale effervescence. Cette institution fait partie d'un dispositif institutionnel mis sous le contrôle indirect d'un conseil régional, qui ne tolère plus la passivité des acteurs. En fait, La position géographique régionale de l'université sera mise en cause. L'université absorbe un budget énorme et elle doit le justifier. Elle n'a pas beaucoup d'alternatives et doit saisir cette occasion pour montrer sa capacité d'adaptation à l'espace régional et l'intelligence territoriale en cours de construction dans notre pays.
La formation des compétences L'université dispose des moyens pour former des compétences de haut niveau répondant aux besoins des différents secteurs au sein de la région. Le développement régional est un processus continu, qui se corrige par lui-même quand il est suivi par une société démocratique et vigilante. Il a besoin d'un accompagnant neutre et rigoureux. D'où l'intérêt de l'université qui se définit comme une institution académique qui s'intéresse avant tout aux résultats de la science et de la logique. Loin des guerres politiques entre partisans d'un tel ou tel parti, les chercheurs peuvent être très bénéfiques pour la nouvelle région. Ils peuvent contribuer activement dans la politique de développement régional. Pour la concrétisation de cette vision, l'université doit être consciente de la dynamique régionale et les acteurs régionaux doivent mieux comprendre les universités. Le dialogue s'annonce indispensable pour relier et jeter des ponts entre les acteurs. Il doit devenir une pratique régulière pour définir les approches à adopter pour la mise à niveau et le bon positionnement de la région sur le plan national et international. Un diagnostic général et régulier de l'espace régional est un outil important pour comprendre la réalité régionale et détecter les axes à développer, mais aussi les problèmes à éviter, dans un monde en perpétuel mutation. Le diagnostic régulier constitue ainsi la pierre angulaire dans cette stratégie régionale. L'engagement et la meilleure appréhension du degré la conscience et de l'implication des acteurs doivent se traduire par des actions concrètes sur le territoire qui permettent de faire la différence entre une région et une autre.
L'engagement régional Le développement comporte nécessairement une dimension territoriale. Il n'y a pas de développement virtuel. La population doit sentir et toucher le développement sous forme de projets, d'infrastructures de base et de qualité de la vie. L'université, étant situé dans des régions, est attendue pour partager et prendre en considération les problématiques régionales et les résoudre par des programmes et des projets de recherche scientifique et apporter des éléments de réponse concrets et sûrs. Ceci pour l'adoption d'un certain nombre de mesures : - Le diagnostic ou l'état des lieux de la réalité régionale et de l'interaction entre l'université et le secteur privé régional, élaboré par les différentes institutions universitaires de la région. Le diagnostic porte aussi sur la localisation de ses partenaires pour les subventions, les contrats de recherche, la fourniture de consultants, les échanges de chercheurs et l'extension des entreprises créées par l'université. - La définition et l'accompagnement des programmes d'enseignement et des activités de recherche qui répondent aux besoins régionaux et qui sont mis en place par l'université suivant des contrats des partenariat avec les secteurs de production. - L'université doit entamer un dialogue avec les différentes parties prenantes au sein de la région, notamment les administrations centrales qui financent l'enseignement supérieur, les autorités régionales, le secteur privé, les employeurs et les organisations patronales, les diplômés et les chercheurs, les organisations culturelles. Ce dialogue permet de définir comment les rapports avec ces différentes parties vont être articulés pour le développement de la région. Les rapports seront par la suite évalués en fonction de l'apport de chaque partie dans la stratégie générale afin de détecter les faiblesses et les corriger. La mondialisation a bouleversé les principes et les stratégies de développement. Aujourd'hui, la région occupe une place prépondérante dans les stratégies de développement économique. Elle est dorénavant privilégiée dans l'approche de développement des grandes firmes, et ce pour différentes raisons : - La technologie a facilité le déplacement et les échanges transfrontaliers, ce qui a amélioré la position de la région dans le volet de la négociation et du partenariat. - Les accords de libre-échange entre les pays ont accéléré le rythme d'ouverture des pays et, par conséquent, ont augmenté le volume du capital financier mobile. - L'entreprise cherche de plus en plus des endroits qui donnent plus d'avantages à leurs structures de production. Ces facteurs ont tous joué en faveur de la naissance de la notion de la région d'apprentissage, notion nouvelle et qui signifie la capacité de la région à intégrer la mouvance internationale, à faire sa place dans la carte des régions attractives et à se transformer en un territoire qui apprend régulièrement comment vivre et comment se promouvoir, enfin un territoire en quête de perfectionnement sur tous les plans.
L'innovation technologique C'est la pierre angulaire dans l'approche de développement régional. Aujourd'hui, l'entreprise cherche partout dans le monde des régions où il y a des sources génératrices d'innovation : information, connaissances, compétences. Les États intelligents ont vite compris le message et ils ont développé des politiques en matière de développement de l'innovation scientifique et technologique, de la promotion de la recherche développement et du transfert de technologie. Du coup, l'intervention régionale s'annonce prometteuse dans ce cadre. L'État ne peut tout faire, elle doit vite réagir aux changements. Ce sont les régions, parce qu'elles maîtrisent bien leur territoire en termes de capacités et de risques, qui peuvent se positionner le mieux dans cet environnement. Le rôle de l'université est de favoriser l'esprit de l'entreprise et de promouvoir sa valeur ajoutée locale à travers la liaison de l'entreprise installée dans la région avec l'économie mondiale, en mettant en place une infrastructure moderne et surtout en profitant des ressources locales qui peuvent faire la différence dans le marché de la concurrence. L'université se trouve obligée de jouer ce rôle et de devenir un atout régional dans cette équation. En fait, c'est un interlocuteur privilégié aussi pour les chefs d'entreprises étrangères qui veulent trouver en face des personnes soucieuses de leurs espace et qui sont compétentes en matière d'accompagnement des investisseurs. L'université contribue à faciliter ces processus: liens entre les concepts et la recherche, liens entre la compétence et l'enseignement et connexions pour le transfert vers une région ou à partir d'une région de personnes ou de réseaux issus des universités. Le concept clé donc est l'innovation. L'université doit innover dans ses méthodes de perception du territoire et de ne pas se contenter d'enseigner et de produire des lauréats pour s'acquitter de ses missions administratives vis-à-vis de l'État et de la société. Si l'université n'accompagne pas le processus de régionalisation en cours au Maroc, elle sera dépassée par des universités privées qui viendront remplir le besoin existant et corriger les erreurs. L'innovation au niveau de la région doit aussi apparaître concrètement au niveau de la politique du conseil régional, car c'est lui qui met en place les stratégies et les plans de développement et il est le premier responsable des succès et des échecs de ses stratégies. Maitriser la technologie aujourd'hui est un enjeu majeur. La région doit mettre en place des structures qui facilitent la production de la technologie et sa diffusion au sein de son territoire. Aussi, doit-elle consolider les niveaux d'interaction entre les différentes institutions qui peuvent en fait former une représentation collective des intérêts régionaux. L'apprentissage interactif constitue la pierre angulaire dans la notion de la région d'apprentissage. Il signifie que les acteurs de la région s'échangent le savoir et la compétence, dans un monde en changement rapide mais risqué en même temps. L'apprentissage se pratique dans tous les secteurs et concerne toutes les couches de la société. L'enjeu est un espace territorial en parfaite adéquation avec son environnement national et international. Aujourd'hui, l'économie régionale figure parmi les premiers concernés par cette notion. Elle est enfin la locomotive du développement. Si l'économie fonctionne bien, elle sera capable d'attirer et de stimuler les autres secteurs.