Spécial Marche verte

Halte aux mots qui blessent !

Certaines paroles formulées par les parents peuvent faire mal aux enfants et avoir des conséquences sur leur vie d'adulte.

26 Mai 2011 À 15:07

«Mais qu'est-ce que j'ai fait pour avoir un enfant pareil?! Pourquoi fais-tu de la peine à maman ? Comment peut-on être aussi bête ! Pourquoi tu ne fais pas comme ton cousin? Il est gentil lui. Quand vas-tu cesser de faire le bébé ?»… Des remarques anodines en apparence, mais qui peuvent blesser. Les enfants croient tout ce que leurs parents leur disent et les prennent au mot. Et comme les parents n'ont pas toujours l'art et la manière pour s'adresser à eux, les dérapages sont fréquents. Les phrases que l'on lâche sous le coup de la colère ou de la lassitude font parfois plus mal qu'une tape sur les fesses. Une fois calmé, le parent peut oublier ou regretter ce qu'il a dit, alors qu'un petit, lui, risque de s'en souvenir longtemps.
Aujourd'hui, effectivement, de nombreux parents se sentent très coupables quand ils administrent une fessée à leur enfant. Mais une fessée sur une couche fait plus de bruit que de mal. D'autre part, la fessée a aussi le mérite de calmer et l'enfant et le parent. Mais il faut savoir que certaines paroles blessent plus qu'une fessée. Surtout quand elles sont répétées souvent. Asséner à un enfant qu'il est stupide est tout aussi néfaste que de le frapper. La violence verbale des parents envers leurs enfants est fréquente, et d'autant plus nocive qu'elle émane directement de l'inconscient du père ou de la mère. Et l'enfant, lui, la reçoit «cinq sur cinq».

Même les plus petits, si insouciants en apparence, comprennent ce que l'on dit : quelques bribes de mots, l'intonation de la voix, la moue réprobatrice… sont autant de signes immédiatement perceptibles, et risquent d'affecter sa confiance en lui, de le heurter dans sa sensibilité et dans l'amour qu'il porte à ses parents. Ces derniers sont alors appelés à proscrire les phrases telles que : «Tu me rends malade» ou, plus grave encore : «Il me tuera, ce gosse!», qui peuveut générer, à elles seules, une angoisse et une culpabilité bien trop lourdes pour l'enfant, le rendant responsable de la souffrance de sa mère ou son père. En effet, un bébé de moins de trois ans prend ce qu'on lui dit au pied de la lettre et croit vraiment qu'il nous rend malade, qu'il nous tue… Il se sent vraiment responsable de ce qu'il est supposé faire subir à ses parents. Les conséquences psychologiques risquent, dans ce cas, de s'avérer désastreuses dans l'immédiat et même pour longtemps. Les menaces de perte de l'amour des parents et d'abandon semblent efficaces tant l'angoisse qu'elles suscitent est insoutenable pour l'enfant. Néanmoins, elles sont loin d'être de bonnes armes pour faire obtempérer Bébé. En d'autres termes, quand à bout de nerf, un parent lâche : «Si tu ne viens pas, je pars sans toi», soit le petit ne nous croit pas et la remarque est donc inutile, soit il croit ce mensonge, ce qui éveille en lui une angoisse d'abandon, latente, douloureuse et qui risque de perdurer.

D'après les experts, les comparaisons sont aussi à bannir. Elles exacerbent les rivalités entre enfants. Le perdant peut même finir par prendre le gagnant en grippe. Blesser l'amour-propre de l'enfant ne mènera nulle part. Il faut lui faire plutôt comprendre que s'il ne change pas d'attitude, il sera puni. À ce moment, il saura à quoi s'en tenir. L'enfant qui connaît les règles et voit que ses parents les appliquent d'une manière ferme et juste ne les irritera jamais au point de les amener à lancer, même à voix basse, une quelconque remarque. Il n'est pas toujours facile aux parents de ravaler à temps les mots blessants qui leur montent aux lèvres. Heureusement, les enfants se remettent très vite d'un chagrin quand le parent sait les consoler et leur demander pardon. De cette manière, non seulement les parents réparent ainsi les dommages qu'ils ont pu causer, mais ils montrent à l'enfant ce qu'il doit faire lorsqu'il blesse involontairement quelqu'un.

Relation de confiance

Si, par exemple, l'enfant est gourmand. Au lieu de lui dire : «Tu es sûr que tu veux reprendre du gâteau ?» et donc le culpabiliser en sous-entendant que cela va le faire grossir, mieux vaut lui expliquer qu'il vient de manger un repas copieux et bien équilibré et lui proposer de garder la part de gâteau pour se régaler au goûter. Également, les parents ne doivent pas avoir peur d'exprimer leur mécontentement. Par exemple : «Je suis très fâchée parce que tu as fait une grosse bêtise, mais je suis sûre que tu essaieras de ne pas recommencer». C'est une bonne manière d'instaurer une relation de confiance avec l'enfant.
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EXPLICATION : Houda Hjiej
• pédopsychiatre

«L'essentiel, c'est que l'enfant ne doute jamais de votre amour»

est-ce que les paroles blessantes peuvent avoir un impact à long terme sur la vie des enfants ?
C'est important de savoir que l'enfant est un être de langage et que la relation avec ses parents est centrale dans son développement psychologique. C'est pour cela que tous les messages adressés par les parents à l'enfant ont une valeur symbolique importante. Et dans ce sens, les propos négatifs peuvent avoir un impact péjoratif sur le moral de l'enfant.

Quelles en sont les conséquences ?
Les conséquences sont nombreuses, notamment sur l'image que peut se faire l'enfant de lui-même et sur la nature de la relation avec ses parents.
Des propos négatifs à l'égard de l'enfant peuvent le faire douter de l'amour de ses parents pour lui, peuvent atteindre son estime de lui-même et peuvent également, à l'extrême, être perçus et vécus par l'enfant comme un rejet de la part de ses parents.

Y a-t-il des mots plus blessants que d'autres ?
Les mots pouvant avoir le plus d'effets négatifs sur l'enfant sont ceux qui s'adressent de façon péjorative à ce qu'il est et non pas à ce qu'il fait. Mais également tout ce qui touche à sa filiation, à ses origines et tout ce qui peut introduire le doute autour de l'amour que peuvent avoir ses parents pour lui.

Comment les parents peuvent-ils se rattraper ?
En prenant conscience des conséquences de leurs actes, en évitant au maximum ce genre de propos et en faisant attention à éviter de critiquer l'enfant sur ce qu'il est et à préciser toujours que ce qui les dérange ou les met en colère c'est ce qu'il fait et non pas ce qu'il est.
Et surtout ne jamais croire que, pour l'enfant, l'amour des parents est quelque chose d'acquis.
Il a toujours besoin d'être rassuré par rapport à cela.
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