Naissance de SAR Lalla Khadija

Des «façades» d'histoire

La capitale économique, plus connue pour ses franchises ou ses sorties by night, bénéficie d'une richesse architecturale chargée d'histoire. Il suffit de lever les yeux pour découvrir les beautés des immeubles pas toujours bien entretenus et parfois démolis.

03 Août 2011 À 14:19

Loin des nouveaux quartiers et des immeubles de luxe de la capitale qui attirent toute l'attention, se cachent un centre-ville et une ancienne médina qui tentent de se faire discrets. Si la plupart des touristes choisissent les villes dites impériales, comme Rabat, Fès ou Marrakech, pour profiter de la beauté architecturale du pays, ils ont tendance à oublier que Casablanca se positionne comme une ville au patrimoine diversifié. «En effet, le centre-ville de la métropole peut se féliciter de disposer de 5 styles d'architecture comme le style néoclassique du XIXe siècle européen, le style néo-mauresque d'Afrique du Nord, les bâtiments publics avec une french touch, le style "fonctionnaliste” allemand ou russe ou encore le style Art déco plus géométrique», témoigne Nadia, architecte et surtout native du centre-ville de la métropole. «C'est sûrement la beauté des bâtiments coloniaux et de la diversité des façades d'immeubles qui m'ont poussée à devenir architecte.

Casablanca a un patrimoine en or, mais hélas peu exploité et surtout pas du tout préservé !»
Préserver est le mot d'ordre de l'association Casamémoire qui tente de raviver et de faire vivre le patrimoine architectural de la capitale économique. «L'association a été créée par des passionnés de la ville pour faire face au désastre des démolitions de plusieurs bâtiments et pour se faire entendre des autorités», nous explique Laure Augereau, permanente et responsable au sein de Casamémoire. Ainsi, l'association propose «une découverte, voire une redécouverte de l'architecture et de l'urbanisme du XXe siècle, constituant le patrimoine récent marocain, en organisant des visites, la journée du patrimoine récent, le conseil, la réalisation de support de diffusion», parce que Casablanca est une ville particulière.
«C'est une ville marquée par son développement au 20e siècle qui a fait d'elle la capital économique du Maroc. Il s'agit d'une ville récente, d'où la difficulté de comparer sa médina avec les autres médinas des villes impériales. Elle est également marquée par l'ensemble des nationalités européennes et d'Afrique du Nord arrivées au 19e siècle et par l'exode rural à partir du 20e siècle». Un melting pot qui fait qu'«on devient Casablancais».

Casamémoire ne se contente pas de raviver les mémoires, mais participe grandement au développement de la ville. Parmi les différentes actions menées par l'association pour réhabiliter la ville, le fait de faire partie du comité de pilotage nommé par le Cabinet royal afin d'inscrire l'ancienne Médina dans une zone protégée et de veiller à la sauvegarde du patrimoine de la ville. Il s'agira donc de reconvertir 3 bâtisses à des fins touristiques (la Maison Lyautey, la Bâtisse de la Douane et l'école Omar Ben Abdel Aziz) et de réhabiliter le circuit touristique actuel (dallage, façades, éclairage, etc.).
Le Grand Casablanca parle de réhabilitation du centre-ville et des bâtisses Art déco en mettant en place un réaménagement urbain des artères historiques du centre-ville (Avenue Mohammed V, Bd Hassan II, Bd de Paris et Bd Mers sultan) et une mise en lumière adéquate des rues et bâtiments symboliques. Projet dont l'association n'est pas au courant : «Il s'agit sûrement de la réhabilitation Art déco suite à l'installation du tramway, mais il faudrait faire un réel travail là-dessus… » Un réel travail en profondeur, c'est ce que demande la population locale. En effet, les actions menées pour rénover le centre-ville resteraientau stade de projets et rien n'a été vu pour le moment. «Je suis né au centre-ville, mes parents aussi.

Ils me racontent comment était la ville avant et je compare leur récit avec ce qu'elle est devenue. Casablanca ne se résume pas aux Twin Centers et à la Corniche, mais hélas personne ne fait rien pour raviver l'histoire du centre-ville et protéger les façades de ses immeubles», déplore Mohammed, 52 ans. «Les autorités locales et la ville ne font rien, à part faire des trous partout dans nos trottoirs ! Rien n'est fait pour les façades des immeubles qui sont dans un état déplorable». Des façades si belles pourtant. Avis donc aux Casablancais et aux passionnés de la ville : Casamémoire réussit à entreprendre des actions pour la métropole. Il faudrait garder en mémoire (collective) que l'héritage architectural de la capitale économique est primordial pour la sauvegarde du passé et la construction du futur. Le tout est de faire en sorte que les les efforts fournis ne soient pas vains et ne deviennent de vieux souvenirs.

Démolition

Samedi 16 juillet 2011, les Casablancais ont assisté, impuissants, à la démolition de l'immeuble Piot Templier (sis angle boulevard Mohammed V et rue de la Chaouia).
Construit en 1922 par l'architecte Pierre Ancelle, l'immeuble faisait partie de l'ensemble urbain du boulevard Mohammed V. Il représentait l'intégrité urbaine et architecturale de la ville, dont l'architecture pouvait être qualifiée d'exceptionnelle, voire unique au monde.
Une démolition bénie par la commune urbaine de Casablanca. Face à cela, Casamémoire a mis en ligne une Lettre ouverte aux Casablancais afin de dénoncer cet acte.
L'autorisation de démolir, signée par le président du Conseil de la ville de Casablanca le 26 mai
2011, constitue selon l'association un déni flagrant de trois décisions
officielles antérieures prises expressément pour la sauvegarde de ce monument historique.
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