La ville ocre s'enrichit d'un nouvel espace dédié à l'art berbère. Il donnera à voir plus de 600 objets sur une surface d'exposition de 200 m2.
LE MATIN
27 Novembre 2011
À 14:15
L'art et le patrimoine berbères existent au Maroc depuis des millénaires. Il s'agit là d'une déclaration qui fait office de truisme. Il n'y a qu'à voir toutes les traces laissées par cette civilisation ancestrale pour se convaincre de sa richesse et des ressources dont elle dispose. Ce qui, en revanche n'a jamais existé et qui constitue, partant, l'actualité du moment, c'est la création d'un musée berbère à Marrakech. Une première au Maroc. Il sera inauguré le samedi 3 décembre, officielleemnt. Des objets provenant de toutes les régions du Royaume seront exposés. Bijoux et accessoires, tapis, costumes et autres trésors berbères collectés du Rif au Sahara, en tout, plus de 600 objets trônent fièrement sur une surface d'exposition de 200 m² spécialement aménagée. En fait, tout une mise en scène, bien réfléchie préside à cette exposition. Rien n'est laissé au hasard.
L'aménagement du musée ainsi que la scénographie ont été réalisés par Christophe Martin, architecte français, à qui l'on doit la conception et la présentation de la fameuse exposition «Yves Saint Laurent et le Maroc», vue par plus de 65 000 visiteurs. À ses côtés, Björn Dahlström, muséologue français, a conçu le projet muséal. Le tout dans le cadre enchanteur du jardin Majorelle. En fait, pour les initiateurs du projet, il n'était pas question de se livrer à un quelconque amateurisme. Le musée est le fuit d'une collaboration de spécialistes tous azimuts. Tout une équipe scientifique a veillé à faire les choses dans les règles de l'art. Elle comprend Salima Naji, architecte et docteur en anthropologie à Rabat, Romain Simenel, ethnologue, chercheur à l'Institut de recherche et de développement à Rabat, Ahmed Skounti, anthropologue à l'Institut national des sciences de l'archéologie et du patrimoine à Rabat.
Derrière cette initiative, Pierre Berger, un amoureux du Maroc, fin artiste et grand collectionneur. «Depuis mon arrivée à Marrakech en 1966, je n'ai cessé d'être fasciné par la culture et l'art berbères. Au cours des années, j'ai collectionné, admiré cet art qui s'étend sur plusieurs pays à la fois. À juste titre, les Berbères ont toujours été fiers de leur culture, qu'ils n'ont cessée de revendiquer malgré les vicissitudes qu'ils rencontraient. À Marrakech, pays berbère, dans le Jardin Majorelle, créé par un artiste qui a peint tant de scènes, d'hommes et de femmes berbères, c'est naturellement que l'idée de ce musée s'est imposée. C'est avec plaisir et fierté que nous l'ouvrons au public pour lui faire partager notre enthousiasme et l'emmener sur les traces d'une culture toujours vivante», confie-t-il. Une passion que l'homme partage et invite à vivre.
De l'origine des Imazighen
D'après Ahmed Skounti, anthropologue à l'Institut national des sciences, de l'archéologie et du patrimoine, Rabat : «Les Imazighen (singulier Amazigh) ou Berbères sont les habitants de l'Afrique du Nord dont ils forment le fondement. Objet de mythes, de légendes et d'histoires, leur origine remonte aux proto-méditerranéens d'il y a plus de 9 000 ans. Ce qui fait leur unité, c'est avant tout leur langue et leur diversité culturelle, qu'ils ont entretenues, à l'image de leur terre, à la fois africaine et méditerranéenne. Au Maroc, ils offrent cette même caractéristique, reflet d'une nature diverse et d'une longue histoire tumultueuse. En contact avec les peuples de la Méditerranée, les Berbères créent des royaumes auxquels échappe souvent un large territoire, où s'organisent parallèlement des communautés tribales puissantes, démocratiques et belliqueuses. Ces deux aspects de l'organisation sociopolitique ont marqué l'histoire récente, deux fois millénaire, du pays. À l'inverse des royaumes antiques, païens et méditerranéens, et des premières principautés hétérodoxes, les empires berbères sont musulmans et continentaux. Le judaïsme se maintient et l'islam sunnite, majoritaire, prend progressivement une coloration berbère, avec ses confréries, ses zaouïas, ses marabouts et ses rites».