L'humain au centre de l'action future

«Le printemps berbère»

En ces temps agités, où l'on voudrait à tout prix du nouveau, sans toujours bien savoir dans quel sens aller, l'esprit révolutionnaire ne pouvait pas épargner la création artistique. Hicham El Mansour a décidé lui aussi de tenter l'aventure du changement. Son nouveau style, où l'on retrouve synthétisées ses expériences préalables, est une explosion de dynamisme.

Dans ce triptyque, El Mansour amorce un tournant révolutionnaire dans sa peinture. Entre couleurs primaires et vivacité du mouvement, la toile gagne en tension lyrique.

14 Juin 2011 À 15:02

C'est de l'abstraction encore et encore du figuratif, mais, si l'on ose l'expression, de l'abstraction figurative en mouvement. L'artiste expose ses œuvres récentes jusqu'au 24 juin au centre Ibn Khaldoun de Tanger.
Après avoir fait sa renommée comme naïf en 2007, avec, à la galerie Lawrence-Arnott de Tanger, la chaîne 2M lui dédie une émission spéciale. El Mansour s'essaye ensuite avec succès à la technique impressionniste ainsi qu'à l'abstraction. C'était, on s'en souvient, la grande nouveauté de sa dernière exposition en solo, organisée en août 2010 à la Galerie du Musée de la Kasbah (Tanger), sous le patronage du ministère de la Culture.

Son œuvre la plus récente, qui est présentement exposée à la Galerie Ibn Khaldoun, du ministère de la Culture (Tanger), a maintenant pour principales caractéristiques une impression de mouvement frénétique, un usage typique des couleurs primaires et un tracé complexe et maîtrisé, dont peu de peintres sont capables.
Dans son triptyque, «Le Printemps Berbère», son choix de vibrantes couleurs primaires et son usage dramatique et farouche du couteau donnent aux toiles une tension lyrique où la stylisation des formes ne fait que les rendre plus expressives. À l'arrière-fond, une procession de femmes berbères, dans leurs vêtements traditionnels, forme une masse compacte que met visuellement en mouvement un fond tailladé d'architectures indéfinies.

Dans presque toutes les toiles exposées, El Mansour dévoile sa palette de couleurs primaires chatoyantes, mais c'est quasiment la seule continuité avec ses premières peintures naïves. Il y en a une autre, néanmoins, qui est la simplification des formes. Celles-ci deviennent des stéréotypes géométriques abstraits : des bâtiments toujours rectangulaires, des montagnes qui deviennent des triangles et des paysages urbains suggérés par des coups de pinceaux blancs. «Tanger depuis California» et «le Marché berbère, Dradeb» sont des exemples particuliers de cette technique. Cette simplification radicale de la forme est particulièrement impressionnante dans une petite œuvre, «Chaouen», dans laquelle El Mansour s'impose une palette très stricte de trois couleurs, rouge, bleu et blanc, pour créer une composition quasiment sculpturale où les maisons, les toits en pente, les lits de rivières et les montagnes déchiquetées s'unissent et s'harmonisent, tout en conservant parfaitement leur identité. Il s'agit là de la plus pure forme d'abstraction, et en même temps, la plus complexe.

Malheureusement, le mouvement abstrait marocain a longtemps hésité à s'affranchir de ce qu'on pourrait appeler le motif artisanal arabe. Avec chacune de ses expositions réussies, El Mansour acquiert plus de maîtrise et d'assurance.
Une carrière artistique riche qui laisse à penser qu'il rejoindra les grands artistes marocains qui, à l'instar de Mohamed Ben Allal (1928-1995), Mohamed Ben Ali Rbati (1861-1939), Fatima Hassan El Farrouj (1945-2010), Chaibia Tallal (1929-2004) et de nombreux autres, n'ont jamais été élèves d'aucune «école des Beaux–Arts et ont cependant dominé l'histoire de l'art marocain», ont conclu Andrew Clandermond et Terence McCarthy, critiques d'art de Tanger.
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