Fête du Trône 2006

Ce qui attend le prochain gouvernement

Caisse de compensation, caisses de retraites, démantèlement tarifaire, déficit commercial chronique…

19 Septembre 2011 À 19:25

L'année 2012 ne connaîtra pas la fin du monde, comme le prédit le célèbre film américain, mais elle sera certainement une année difficile pour bon nombre de pays. Au Maroc, la nouvelle équipe gouvernementale qui devrait être élue après le 25 novembre prochain, aura des compétences très élargies, probablement les plus élargies depuis l'indépendance du pays. Voilà donc pour la bonne partie de l'histoire. Place maintenant pour la partie la moins bonne. Le prochain gouvernement héritera de son prédécesseur d'un lourd legs sur les plans économiques et sociaux. Le nouveau chef du gouvernement et son équipe devront trouver rapidement les bonnes réponses à des dossiers qui vont du déficit commercial à la réforme des caisses de retraites en passant par la suppression complète des barrières douanières avec l'Union européenne en 2012. La mission s'annonce d'ores et déjà très difficile en raison des contraintes du temps et des difficultés sur le plan financier. «Le futur président du gouvernement et les membres de son équipe auront du pain sur la planche en raison d'un contexte international peu favorable à cause de la crise économique mondiale, notamment chez nos partenaires européens.

Cela veut dire qu'il va falloir compter moins sur les exportations, l'investissement étranger, le tourisme et l'aide au développement. Ce contexte défavorable va imposer au gouvernement de revoir l'orientation stratégique du pays», affirme l'économiste Said Saâdi, qui suit de près la situation économique du pays. Cette déclaration traduit donc toute l'ampleur de la tâche qui attend le prochain Exécutif à différents niveaux, alors que l'actuel gouvernement termine sur un tableau où de nombreux indicateurs sont au rouge. La caisse de compensation est l'un de ces dossiers chauds qu'héritera le prochain gouvernement.
En effet, les charges de cette caisse explosent sous l'effet de la flambée des cours des produits de base à l'international. Face à cette situation, le gouvernement actuel avait décidé une rallonge de 15 milliards de dirhams. Et les estimations évoquent un chiffre de 45 milliards de DH comme facture de cette caisse au terme de l'exercice 2011, un record. Le hic, c'est que la réforme annoncée par l'équipe gouvernementale actuelle a été reportée à une date inconnue ou plutôt la patate chaude a été lancée et devra atterrir entre les mains du prochain gouvernement.

Patate chaude, car le scénario d'une réforme dans un contexte social assez tendu est une question sensible. Nizar Baraka, ministre des Affaires économiques générales, avait déclaré dans un entretien à la presse que l'équipe actuelle «a mis en place les rails sur lesquels le prochain gouvernement pourra faire avancer tranquillement la réforme». Autrement dit, la réforme devra être conduite par la nouvelle équipe. «Le gouvernement actuel a été clair. Il n'est pas question de démanteler la caisse de compensation. On parle aujourd'hui d'une volonté de limiter les services de la compensation aux ménages les plus pauvres, mais cela veut dire que la vérité des prix sera appliquée pour la classe moyenne. Je pense qu'une telle décision mettrait tout simplement le feu aux poudres», explique M. Saâdi, ajoutant qu'il y a une tendance à instituer des taxes sur la fortune.
Autre grand dossier tout aussi chaud, le démantèlement tarifaire avec l'UE en 2012. Ainsi, les barrières douanières entre le Maroc et les pays de l'Union européenne seront supprimées. Le Maroc pourra exporter plus, mais, revers de la médaille, son marché sera grand ouvert devant les produits européens.

À découvert
Pour rappel, le démantèlement tarifaire a débuté progressivement dans les années 2000 avec l'Europe et deviendra complet l'année prochaine. Les premiers impacts directs sur les recettes douanières vont commencer à se faire sentir et les effets vont toucher de facto les caisses de l'État. Mais ce démantèlement tarifaire aura également des répercussions importantes sur le tissu industriel marocain qui devra faire face à la concurrence des produits européens.

Même s'il est encore tôt pour prédire les résultats avec exactitude, les futurs res ponsables gouvernementaux devront faire preuve de beaucoup d'innovation et de doigté pour renforcer la compétitivité de l'économie marocaine. «Il va falloir revoir plusieurs plans sectoriels qui devaient doper les exportations marocaines. Celles-ci sont toujours basées sur l'avantage compétitif banalisé, à savoir la proximité géographique avec l'Europe et le coût de la main d'œuvre. Or de ce point de vue, on risque à terme d'être exclus du marché européen, parce qu'on ne peut pas être plus compétitifs sur ce plan que la Chine ou certains pays de l'Asie du Sud-Est», analyse M. Saâdi. La situation est d'autant plus difficile que le Maroc appliquera également le libre-échange pour tous les produits indu striels avec les États-Unis et la Turquie à partir de 2015. Une bonne nouvelle donc pour les entreprises spécialisées dans le négoce et l'import qui se frottent déjà les mains, alors que les unités industrielles attendent avec suspicion l'année 2012, craignant de voir le marché marocain inondé par les produits européens. À terme, cela pourrait provoquer la fermeture des unités industrielles et augmenter par ricochet le taux de chômage. Outre cette problématique de lutte contre le chômage, il va falloir également trouver des solutions pour les «seniors». Les retraités marocains attendent impatiemment la réforme des caisses de retraites qui devait d'ailleurs démarrer en 2011.

En attendant la réaction des partenaires sociaux sur le rapport du BIT (Bureau international du travail) sur la retraite au Maroc, les premiers dysfonctionnements dans les caisses de retraites devraient intervenir en 2012. Ainsi, la CMR (Caisse marocaine de retraite) devra atteindre le seuil critique en puisant dans ses réserves l'année prochaine. Et si rien n'est fait, cette caisse tombera en faillite d'ici 7 ans. De même, le RCAR (Régime collectif des allocations de retraites) connaîtra ses premiers pépins en 2012. La réforme devient donc inéluctable pour le prochain gouvernement qui devra prendre des décisions parfois difficiles. Plusieurs scénarios sont envisageables d'après le rapport du cabinet «Actuaria». Ce dernier a été mandaté en 2008 pour diagnostiquer le système de retraite marocain et proposer des scénarios de réformes.

Dans son rapport, le cabinet avait préconisé des réformes paramétriques spécifiques à chaque caisse de retraite au Maroc. Il sera question également d'élever l'âge de la retraite pour le fixer à 65 ans au lieu de 60. Le gouvernement pourra également décider d'augmenter les taux de cotisation. Mais ces mesures risquent cependant de rencontrer une opposition farouche, notamment de la part des syndicats. Voilà donc pourquoi le gouvernement prochain aura réellement du pain sur la planche.
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