Le département chargé de l'enseignement supérieur peut enfin souffler. L'objectif tant attendu, visant la formation de 10.000 ingénieurs à l'horizon 2010 a été largement franchi en 2011. L'information a été confirmée par Hafid Debagh, secrétaire général de la formation supérieure lors d'un atelier débat organisé lundi dernier à Rabat. En effet, si le nombre d'ingénieurs diplômés a atteint 9.697, l'année précédente, ce chiffre sera dépassé de 14% au cours de cette année, soit un effectif de lauréats de 11.420 ingénieurs. D'après le secrétaire général de l'enseignement supérieur, la réalisation de cet objectif a nécessité de doubler l'effectif dans certaines filières, voire le tripler.
LE MATIN
01 Février 2011
À 17:51
Cette hausse du nombre d'étudiants a concerné bien entendu les écoles nationales d'ingénieurs, qui ont vu le nombre de leurs diplômés augmenter de 100%. L'effectif des lauréats est ainsi passé de 1.090 à 2.000. Les facultés des sciences techniques, partenaires stratégiques dans ce programme, ont triplés, pour leur part, le nombre de leurs étudiants. Ce dernier, estimé en 2006 à 1.036 lauréats, dépasse aujourd'hui les 3.300. Les établissements privés ont aussi joué un rôle important dans l'atteinte de l'objectif de 10.000 ingénieurs. Plus de 2.000 ingénieurs (et assimilés) ont été formé grâce à ces établissements en 2010. A cela s'ajoute les filières d'ingénieurs implantées au sein des universités qui ont pu former en 2010 plus de 1.900 étudiants, contre 855 en 2006. Au total, ils sont plus de 54 établissements, répartis sur trois secteurs (privé, universités et écoles d'ingénieurs), à avoir relevé le défi et à s'être inscrits dans la réalisation du programme. Ainsi, plus de 80 filières de formation ont été proposées par les écoles publiques de formation d'ingénieurs, auxquelles s'ajoutent 14 filières (spécialisées majoritairement dans les NTIC) programmées par les établissements privés.
Soulignons que parallèlement à l'ajustement des structures pour accueillir un nombre plus important d'étudiants, il a fallu aussi engager de grands moyens pour accompagner l'initiative de 10.000 ingénieurs. L'État, qui avait signé des contrats-programmes avec les universités et les écoles de formation, a investi un milliard de dirhams pour garantir la réussite du projet. c'est ainsi qu'une enveloppe budgétaire de 49 millions de dirhams a été débloquée afin de mettre en œuvre le projet Injaz visant à rendre accessible aux étudiants l'Internet haut débit. L'objectif de 10.000 ingénieurs est donc atteint et le ministère s'en félicite, mais qu'en est-il des ingénieurs, les principaux concernés ? En effet, si l'État se réjouit d'avoir accompli sa mission, nombreux sont les ingénieurs à s'inquiéter de la qualité de la formation. Pour certains, le département a privilégié dans sa démarche la quantité au détriment de la qualité. Par conséquent, l'initiative n'aurait pas tenu toutes ses promesses. « Le projet a été élaboré à la hâte. On n'a pas pris le temps de revoir la pédagogie de formation, de renforcer les infrastructures et de recruter les ressources humaines nécessaires pour garantir une meilleure qualité de formation et préserver la réputation de ces écoles. Le résultat : surcharge des internats, suppression de certaines matières enseignées par des professeurs ayant pris leur départ volontaire et hausse du taux de chômage des ingénieurs lauréats de certaines filières», explique un jeune ingénieur diplômé de l'Institut agronomique et vétérinaire (IAV). Pour M. Debbagh, ces constats restent sans fondement.
D'après ce responsable, le ministère s'est engagé, depuis le démarrage de ce programme, à préserver la qualité de la formation. La preuve : nombreux sont les organismes internationaux, mais aussi les investisseurs étrangers à reconnaître la qualité de l'enseignement dispensé aux ingénieurs. «Les ingénieurs marocains sont sollicités par des entreprises internationales. Les écoles d'ingénierie marocaines n'ont rien à envier à celles en France ou dans les pays développés. Ces institutions répondent aux standards internationaux. Elles sont très sélectives et privilégient l'accès par le mérite», explique le secrétaire général.
Pour Ahmed Reda Chami, ministre de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, l'initiative 10.000 ingénieurs est certes louable, mais devra être renforcée pour pouvoir accompagner davantage les besoins d'un marché de travail déjà stressé et une économie nationale en plein envol. «Le problème de la rareté des ingénieurs commence à se poser à chaque fois qu'un secteur se développe rapidement. Le boom de l'offshoring à partir de 2004 en est l'illustration. On a fort besoin de compétences de haut niveau. Plus on formera d'ingénieurs, mieux ce sera», assure le ministre. Un objectif qui figure certainement dans l'agenda du département de l'enseignement supérieur. Selon M. Debbagh, le ministère ne compte pas s'arrêter au chiffre de 10.000 ingénieurs, mais développe des ambitions plus importantes, notamment arriver progressivement à 100, voire 120 ingénieurs pour 10.000 habitants…
L'historique de l'ingénierie
Le Maroc n'a connu la formation en ingénierie qu'en 1942, date à laquelle la première école fut créée sous l'appellation «École marocaine d'agriculture» à Mekhnès. Toutefois, la plus ancienne des écoles d'ingénieurs universitaires (EMI) n'a vu le jour que 17 ans plus tard, soit en 1959. La formation des ingénieurs a connu à partir des années 90 une évolution remarquable, sous l'effet conjugué de la création de nouveaux établissements, des changements majeurs intervenus au niveau des cursus de formation et de la diversification des filières et des profils formés.