Vous avez surpris votre enfant en train de fumer. Lorsqu'il est venu vous embrasser, vous avez senti une odeur anormale de tabac sur ses vêtements, un paquet est tombé de sa poche, vous avez retrouvé un briquet dans la machine à laver... «J'avais maintes fois trouvé des briquets, des paquets de cigarettes dans les affaires de ma fille. >
LE MATIN
17 Mars 2011
À 17:49
À chaque fois, je me disais qu'elle cachait ces choses pour une de ses copines. Il était pour moi inconcevable que ça lui appartienne», se souvient Hajja Amina. «Quand j'ai découvert que c'était ma fille de 16 ans qui fumait, le monde s'est écroulé autour de moi. J'étais complètement désespérée, en tant que mère, je ne pouvais m'empêcher de me demander si ce n'était pas ma faute», dit-elle. Comment réagir lorsque l'on découvre que son ado fume en cachette ?
Tolérer ou non ? punir ? interdire ? Dans un premier temps, l'idéal est de dédramatiser et de relativiser la situation. D'après les spécialistes, hurler, fondre en larmes, se taper la tête sur les murs, interdire, tout ça est à éviter. Le mieux à faire c'est d'essayer de lui faire comprendre que fumer n'est pas un acte anodin, mais dangereux pour sa santé, et que jusqu'à ce qu'il ait une vie d'adulte parfaitement autonome, cela fait partie des comportements interdits à la maison.
Tout comme rester sur msn jusqu'à deux heures du matin, mettre la musique à fond, emprunter les vêtements de sa mère ou de son père sans leur demander… «Lorsque j'ai surpris mon fils de 14 ans avec une cigarette à la bouche, ma première réaction était de le gifler. Il est difficile de se retenir quand il s'agit de ta propre progéniture», assure Nawal. «Comment peut-on rester calme et raisonnable quand on découvre que sa propre fille est devenue fumeuse à 15 ans ? Je l'ai privée de sorties pendant un mois, j'ai même consacré tout mon congé à la surveiller», raconte Fatima.
Punir n'est donc pas la bonne solution, car jouer sur l'autorité provoque l'effet inverse. À trop châtier, on s'empêche d'ouvrir le dialogue avec l'adolescent, de le comprendre et lui faire entendre nos arguments. Néanmoins, il faut rester ferme, les parents ne peuvent pas tolérer n'importe quoi. L'adolescent a, certes, le droit de s'exprimer librement, mais sans grossièreté, sans faire de mal, ni humilier. Il faut aussi essayer de déterminer les causes qui le poussent à fumer, car c'est là-dessus qu'il faut agir avant qu'il ne soit trop tard. Pour cela, il convient de discuter avec lui, entre «adultes», instaurer un climat de confiance, ouvrir le dialogue au moment opportun pour lui. Et surtout le laisser s'expliquer sans le couper ou le contredire.
Il ne faut pas lui donner l'impression, non plus, qu'il s'agit d'un interrogatoire, ou que désormais il sera sous surveillance continuelle, au contraire, le mieux serait de jouer sur l'aspect confidence, en lui faisant, par exemple, partager votre propre expérience. Il est important qu'il comprenne par lui-même les risques qu'il encourt. «Le rôle des parents consiste, en effet,à informer et guider, alors pas la peine de lui faire la morale pour qu'il se sente coupable, ni de le forcer à prendre une décision qu'il se dépêchera de transgresser dès qu'ils aura le dos tourné», insiste les psychiatres.
Il est, surtout, important de lui parler des risques du tabagisme et de lui indiquer les éventuelles solutions à adopter pour arrêter. Tout en l'assurant son soutien et en lui faisant comprendre que cette décision lui appartient. Il faut noter que la nicotine est un stimulant, qui donne, en effet, la pêche, mais surtout elle permet de réduire l'angoisse que l'on peut ressentir dans certaines occasions. Elle peut, en l'occurrence, procurer ce sentiment de détente «passager» dont les jeunes parlent beaucoup, «ça me déstresse», insiste Fatima Zohra. Avant d'être confronté à pareil problème, il serait judicieux, pour les parents, de le prévenir en parlant à l'enfant de la cigarette vers les 8-9 ans. D'après les psychiatres, dans beaucoup de cas, les principes inculqués aux très jeunes les marquent à vie.
Il faut aussi montrer le bon exemple. Parce que, quel que soit l'âge de l'enfant, le rôle et l'image des parents et des proches sont très importants. Si l'enfant a été élevé entouré de fumeurs, il sera beaucoup plus indifférent au discours sur la santé et il sera pour lui très naturel de prendre une cigarette et de l'allumer. Donc, si en tant que parent, vous fumez, évitez de banaliser ce geste et de fumer devant lui. Comme vous pouvez encore lui proposer d'arrêter ensemble.
Gare au tabagisme passif !
Le tabagisme passif correspond à l'inhalation involontaire de la fumée dégagée par un ou plusieurs fumeurs dans l'entourage d'une personne qui ne fume pas. Il faut prendre en compte que le fait de seulement respirer la fumée des autres accélère le rythme cardiaque, diminue l'apport en oxygène, irrite les yeux et la gorge et accentue les problèmes respiratoires existants. Les enfants qui grandissent dans un milieu enfumé souffrent plus souvent de problèmes respiratoires, toux, otites, angines et asthme. Le tabagisme passif au domicile augmente la morbidité infectieuse chez les enfants, notamment durant les premiers mois de vie, chez les plus fragiles, comme les prématurés ou les petits poids de naissance, d'après une étude menée par une équipe de l'université de médecine de Hong Kong. Peu d'enfants rêvent de fumer lorsqu'ils seront grands, «fumer ça sent mauvais, ça pue et c'est mauvais pour la santé», affirme Kaoutar, 6 ans. Pourtant à l'adolescence, ces à priori changent. Il est très simple de préserver les enfants et les autres non-fumeurs de la fumée passive. Pour cela, il suffit de s'abstenir de fumer dans les locaux ou les lieux qu'ils fréquentent.
«La consommation de cigarettes est un acte porteur de sens, adressé à l'intention des parents»
Quelles sont les causes qui font qu'un adolescent fume ?
L'adolescence est une phase de développement où le sujet jeune est en période de fragilité, tourmenté par tous les questionnements quant à ce qu'il est et ce qu'il est amené à devenir. Dans ce sens, la consommation de cigarettes peut être facilitée par un besoin de reconnaissance par les paires, par un désir d'intégration dans un groupe ou par imitation des modèles identificatoires sur lesquels le sujet s'appuie pour se projeter dans l'avenir. Cette consommation peut aussi être une transgression, parmi d'autres, des interdits parentaux. Cependant, il existe aussi une vulnérabilité propre à chacun, ce qui explique que deux jeunes peuvent consommer du tabac, mais tous les deux ne deviendront pas obligatoirement addicts.
Comment éviter la première cigarette ?
Je pense que comme tout produit pouvant générer une dépendance, la prévention doit se faire d'abord à travers la sensibilisation du groupe (société, jeunes, adultes…) aux dangers et méfaits de cette consommation. L'autre champs de bataille, c'est de donner aux jeunes suffisamment de matériel et de bagage interne afin de renforcer leur narcissisme et de leur permettre de dépasser cette phase de l'adolescence sans trop de dégâts.
Lorsqu'un parent découvre que son enfant fume, comment doit-il réagir ?
La réaction des parents ainsi que son impact varie en fonction de la relation préétablie avec le jeune et de la place de ces parents en tant que figures de référence fiable ou pas pour l'enfant. Quelle que soit cette réaction, elle ne peut être efficace que si le lien entre le parent et l'enfant est «secure», confiant et basé sur le respect mutuel. Quand on interdit à un enfant de faire un acte, cette interdiction ne sera respectée, en présence et surtout en l'absence des parents, que quand l'enfant est face à un parent en qui il a confiance et avec qui il a expérimenté que les interdits ne sont pas là juste pour répondre au narcissisme parental ou pour gérer leurs angoisses, mais afin de protéger l'enfant et uniquement dans l'intérêt de celui-ci.
Comment le convaincre d'arrêter et l'aider à le faire ?
Parfois, et même souvent, pendant cette phase qu'est l'adolescence, la consommation de cigarettes est un acte porteur de sens, qui est adressé à l'intention des parents. Ceux-ci, quand la relation a été installée sur des bases solides avec l'enfant depuis son plus jeune âge, s'ils arrivent à lire le message derrière cet acte, à lui donner un sens et à réagir en fonction de ce sens, la consommation de la cigarette pourrait perdre sa fonction et ne plus avoir de sens pour l'adolescent lui-même. * Journaliste stagiaire