Spécial Marche verte

Les jeunes et les apparences

Un comportement manifeste chez les jeunes dans leur désir de satisfaction de ce besoin symbolique «de paraître» et l'exigence de son accompagnement financier par les parents n'en est que l'illustration.

18 Février 2011 À 17:38

Les marques des habits sont révélatrices de la personnalité. C'est au moins ce qu'expliquent les jeunes rencontrés. C'est d'après les habits qu'on juge les personnes, disent-ils. «Ce qui compte, c'est d'être bien habillé. Chacun cherche à bien présenter et dans sa meilleure allure pour attirer les regards des autres», souligne Marouan, 17 ans en terminal dans un lycée casablancais. «Je ne me permets pas d'acheter des habits chers. Mais souvent, je fais des économies et demande à mon père de m'aider à acheter un jean ou une veste qui coûte un peu cher. J'aime bien porter des vêtements signés, car ce sont des produits de qualité», ajoute-t-il. Les jeunes lycéens sont adeptes de "la frime", dit-il. Marouan se trouve, parfois, obligé de suivre la tendance en achetant des vêtements signés. Amateur de la musique Hip Hop, il avoue que les habits de ce style coûtent une bonne somme d'argent. « J'arrive à acheter des tenues bon marché auprès des amis. Comme ça je ne suis pas détaché de la bande des jeunes branchés du lycée», ironise-t-il.Même souci chez Jalila, étudiante à la fac, 19 ans.

Rencontrée au salon du livre, elle précise que s'habiller en marque est une obligation. «L'allure est très importante pour nous les jeunes, étant donné qu'elle nous permet d'être à la mode et connectés avec les autres jeunes du même âge», souligne-t-elle. Elle était accompagnée de ses ami(e)s. Tous des adolescents, habillés de la même façon. Les deux garçons portaient la même veste noire cintrée et le jean noir slim. Les filles des jupes et bas noirs et des bottes de la même couleur. « Le noir est la tendance au Maroc et en Occident. On essaye, comme on peut bien sûr, de suivre la mode. J'épargne de l'argent pour acheter des vêtements signés. Et parfois, j'arrive à me procurer des ‘fringues' de marques après des négociations avec mes parents», dit-elle. Et de préciser : «Les vêtements que je désire peuvent faire l'objet de négociation afin de me motiver pour réussir mes examens. Mes parents me promettent des cadeaux avant les épreuves. Et c'est pour mon bien, car je ne peux pas être différente des autres filles qui suivent la mode».

Il est opportun de savoir pourquoi cet engouement pour les habits de marques ? «En fait, un tel engouement pour les habits est bien perceptible en particulier chez les adolescents, lequel s'inscrit dans leur quête de l'identité jusqu'à en devenir, chez certains, une obsession», souligne Abdelkrim Belhaj, psychosociologue et professeur à la faculté Mohammed V des lettres et sciences humaines à Rabat-Agdal. Et de préciser : «Dans ce cas, la priorité est réservée aux marques, non pas parce qu'ils sont des adeptes de la mode ou de la culture "fashion", mais en tant que source de plaisir et de valorisation personnelle. Comme c'est le cas, aussi, pour les habits atypiques que certains jeunes portent pour marquer une appartenance à des groupes ou la tendance qu'ils représentent (rap, hard, hip-hop, afghans, etc.). C'est, ainsi, que le jeune par ce type de comportement travaille son "look" pour marquer sa présence».

Bien que des normes sociales et culturelles déterminent le rôle que jouent les habits dans la vie des gens à travers une adaptation avec les situations et les contextes, caractérisant ainsi les cadres sociaux des relations et des activités, il n'en demeure pas moins que les créateurs de mode et les promoteurs de l'habillement inscrivent des tendances et influencent les comportements vestimentaires, explique-t-il. Et de conclure : «Dans ce cadre, il y a lieu de noter que l'importance que l'habit acquière chez la personne, est perçue dans sa qualité, sa valeur financière et symbolique».
Une tendance manifeste chez les jeunes dans leurs désirs de satisfaction de ce besoin symbolique «de paraître» et l'exigence de son accompagnement financier par les parents n'en est que l'illustration.

Fausse représentation

Il y a un acharnement à soigner son apparence et acheter des vêtements de marque pour prouver son existence et se sentir bien dans sa peau, ce comportement devient dérangeant. Pour sa part Mohamed Serbouti, professeur en Sciences sociales : «L'être humain peut dissimuler ses défauts et ses complexes derrière une allure sympathique et aimable. Il peut donc cacher une grande partie de sa véritable personnalité derrière une apparence plutôt trompeuse». Et de renchérir : «L'apparence est dans ce contexte une représentation de l'image que la personne cherche à véhiculer. Cette image ne reflète pas l'être. Car, comparée à la vérité, l'apparence est dépourvue de consistance réelle. Celle-ci, échoue, en effet, à présenter l'être dans son intégralité et sous sa vraie «personnalité».
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