L'humain au centre de l'action future

«Bnat lalla Mennana» à Londres

Vendredi dernier, les Marocains de Londres avaient rendez-vous, au Kensington Town Hall, avec une représentation pas comme les autres. A 19h devaient se jouer sous leurs yeux, assoiffés d'images du pays, la pièce de théâtre à succès, « Bnat Lalla mennana » de la troupe « Takoon ». Le caractère spécial de cette représentation vient également du fait qu'elle a été rehaussée par la présence de Chrifa Lalla Joumala Alaoui, ambassadrice du Maroc en Grande-Bretagne, du ministre, chargé de la Communauté marocaine à l'étranger, Mohamed Ameur, et d'un parterre de personnalités.

01 Février 2011 À 15:39

Parrainée par l'ambassade du Maroc et sponsorisée par la Fondation Éducation et culture, la pièce a drainé un très grand nombre de MRE. C'était carrément l'émeute ce soir-là au Kensington Town Hall, un espace dédié aux conférences mais aussi aux spectacles, placé sous l'égide de la mairie. La longue file de spectateurs qui ont fait le déplacement en bravant le froid glacial de la saison témoignait de l'engouement des Marocains pour leur art. Malheureusement, le nombre réduit de sièges qui ne dépasse pas les 800 places a dû faire beaucoup de déçus. La salle ne pouvant contenir la marrée humaine qui a envahi la bâtisse, beaucoup de personnes ont été obligés de rebrousser chemin avec de l'amertume dans le cœur. Le succès et la réputation de la pièce l'avaient précédée. « Déjà quand nous avons annoncé la nouvelle sur Facebook, beaucoup de Marocains résidant à Londres ont réagi. Ils ont été ravis d'accueillir la pièce chez eux. Cette annonce a même fait des jaloux puisque les Marocains du Canada ont aussi réclamé que l'on vienne jouer pour eux », affirme Rafika Ben Maïmoun, scénographe de la troupe.

Avant de venir à la rencontre du public londonien, la pièce de théâtre « Bnat Lalla Mennana » s'est produite pendant de longues années sur les planches de plusieurs villes marocaines, pour ensuite sillonner la France avec une tournée dans la région parisienne, à Rouen et à Saint-Etienne. Riche de son franc succès, elle a été programmée au Kensington Town Hall à Londres grâce au parrainage de la fondation « Education et culture » et de l'Ambassade du Maroc en Grande-Bretagne. "Juste après la nomination de Chrifa Lalla Joumala au poste d'ambassadrice en Grande-Bretagne, nous avons été sollicités par l'attaché culturel de l'Ambassade. Mais comme nous n'arrivions pas à trouver un sponsor, nous avons dû attendre le début de l'année 2011 pour que la situation se débloque », précise Rafika.

C'est ainsi qu'un air de fraîcheur a soufflé de ses plus beaux effluves sur la capitale du brouillard le vendredi 28 janvier. Sur scène, les jeunes comédiennes ont subjugué le public par leur interprétation magistrale. Aériennes et dynamiques, elles ont conféré une dimension plus vive et plus colorée à cette adaptation « marocanisée » de la pièce originale "La maison de Bernarda Alba" (La casa de Bernarda Alba), de Fédérico Garcia Lorca. En effet, les costumes, hauts en couleur, conçus par Rafika Ben Maïmoun, les dialogues riches et animés de Nora Skalli, la mise en scène subtile et intelligente de Samia Akariou et le jeu des comédiennes éblouissantes de vitalité et d'énergie ont fait de «Bnat Lalla Mennana» un spectacle réussi à tous points de vue.

A la fin de la pièce, le public a été enchanté par ces moments de pur plaisir dont il est sorti la tête remplie de belles images. Quant aux membres de la troupe « Takoon », elles n'oublieront pas de sitôt l'accueil que leur a réservé leur public et l'honneur dont elles ont été entourées dans la résidence de l'ambassadrice selon la pure tradition du « teatime ». Une habitude britannique doublée d'une hospitalité bien marocaine.

«La Maison de Bernarda Alba» de Garcia Lorca revisitée

En 1963, quand Federico García Lorca écrit « La Maison de Bernarda Alba » (La casa de Bernarda Alba), drame en trois actes dénonçant la société traditionaliste espagnole, il était à cent lieues d'imaginer qu'elle serait jouée dans le dialecte marocain de la région du Nord. «Bnat Lalla Mennan a», version marocaine de « La Maison de Bernarda Alba » n'a pas grand-chose à voir avec la pièce originale. « Si ce dramaturge était toujours vivant et qu'il regardait notre pièce, il ne reconnaîtrait pas son texte », affirme avec ironie Nora Skalli qui a écrit les dialogues de la pièce. C'est donc d'une adaptation libre qu'il s'agit dans « Bnat Lalla Mennana », car en plus du dialogue, certains changements ont été portés à la pièce. En effet, dans la version originale, Bernarda Alba a cinq filles mais dans « Bnat Lalla Mennana» elle n'en a que quatre. La véritable ambition de la troupe était de s'inspirer de l'univers de Lorca qui met en scène une situation familiale dans un environnement qu'a connu l'Espagne dans les années trente du siècle dernier. Mais cet univers nous est tellement proche aujourd'hui encore.
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