Bilan mitigé pour le concept «Kounouz Biladi» dédié exclusivement aux touristes marocains. D'un côté, le département de tutelle se réjouit d'avoir pu occuper des milliers de lits grâce à cette opération. >De l'autre, aussi bien les clients que les hôteliers affichent leur scepticisme, au point de remettre en cause la pérennité commerciale du concept.
LE MATIN
12 Juillet 2011
À 17:20
Preuve en est le faible nombre des structures hôtelières ayant adhéré jusqu'ici au système «Kounouz Biladi», 170 établissements en 2010. Au lieu de se lancer dans le pari de la remise et des rabais, la plupart des professionnels (plus de 80%) préfèrent maintenir leurs formules tarifaires, d'autant plus que l'opération «Kounouz Biladi» coïncide avec la haute saison touristique. Pour eux, jouer le jeu en s'amusant à casser les prix serait une perte sèche pour leur business. Du coup, le produit ne les séduit pas, bien qu'il soit rentable. Même ceux qui se disent prêts à y adhérer ont du mal à appliquer une tarification préférentielle et, souvent, peinent à satisfaire la demande exprimée par la masse des touristes locaux.
La saison 2011 serait cette fois-ci cruciale pour tester le produit. Sous l'effet de l'attentat du café Argana et, de manière générale, de la conjoncture géopolitique dans le monde arabe, les prévisions des professionnels s'annoncent peu encourageantes. Les arrivées des touristes étrangers accusent déjà une légère baisse à fin avril, notamment à Marrakech où elle a atteint 3%. Les annulations des réservations se multiplient depuis plusieurs semaines.
Dans ce contexte précis, a priori, la formule «Kounouz Biladi» devrait être boostée afin de compenser le manque à gagner du côté des touristes étrangers. Il faudrait tenir compte aussi de l'arrivée, en pleine période de vacances, du mois sacré de Ramadan. Seulement, le modeste bilan de l'expérience, l'insatisfaction à la fois des clients et des professionnels, les déboires de la RAM, sont autant de facteurs qui ne vont pas dans le sens de l'espoir exprimé récemment par le ministre du Tourisme, Yassir Zenagui, ainsi que le directeur de l'ONMT, Hamid Addou. Ces derniers veulent justement donner une nouvelle dimension au tourisme local qui représente aujourd'hui à peine 23% des nuitées globales. L'objectif est de doubler le volume de ce segment pour porter sa contribution au seuil des 40%.Au cours des dernières semaines, plusieurs rencontres ont eu lieu avec les professionnels des différentes régions. L'argument défendu par les autorités est clair et précis : le tourisme local représente un «matelas financier» solide susceptible d'éviter aux professionnels toute dépendance à l'égard de la conjoncture internationale. En revanche, les autorités de tutelle sont bien conscientes des limites d'opérabilité du concept «Kounouz Biladi». Ce produit a été mis en place sur la base d'une négociation avec les opérateurs. L'implication du ministère ou de l'ONMT s'inscrit dans une logique d'intermédiation, pas plus.
Lancée depuis le 4 juillet dernier, la saison 2011 de «Kounouz Biladi» accuse déjà un retard. Et encore une fois, on assiste au même scénario que lors des éditions précédentes. Les hôteliers qui jouent le jeu ne sont pas nombreux et peu de communication circule autour de l'opération de manière globale (spot TV, radio). Sur le site web de l'ONMT, l'offre «Kounouz Biladi» se limite pour le moment à seulement cinq villes. Il s'agit de Marrakech (24 hôtels avec des tarifs allant de 311 DH la nuitée jusqu'à 1 400 DH dans un cinq étoiles), Essaouira (une seule offre de 4 étoiles, à partir de 1 650 DH la nuit), Fès (23 hôtels allant de 290 DH jusqu'à 580 DH la nuit) et Agadir (deux offres autour de 500 DH).
L'exception Ouarzazate
De toutes les offres «Kounouz Biladi» affichées par les hôteliers des différentes régions, celle de la ville de Ouarzazate se distingue par son innovation. «Au lieu de vendre uniquement des nuitées avec un bonus d'activités à exercer au sein des hôtels, nous proposons aux touristes des excursions dans les kasbahs, musées et studios de cinéma», souligne Zoubir Bouhoute, directeur du conseil provincial du tourisme de la ville de Ouarzazate. Le touriste peut ainsi passer trois nuitées dans un quatre étoiles, en pension complète avec excursions pour 1 700 DH. La même offre se négocie à 1 500 DH dans un 3 étoiles et à seulement 1 352 DH dans un hôtel classé 2 étoiles.